Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Placement - Participation financière - Ressources - Compétence juridictionnelle - Moyen de légalité
 

Dossier no 130618

Mme X...
Séance du 12 décembre 2014

Décision lue en séance publique le 12 décembre 2014 à 19 heures

    Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 12 décembre 2013, la requête présentée par l’Association départementale de gestion de services d’intérêt familial (ASFA) des Pyrénées-Atlantiques, pour Mme X..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale des Yvelines en date du 11 septembre 2013 confirmant celle du président du conseil général des Yvelines du 6 mars 2013 refusant à leur protégée le bénéfice de l’aide à la mutualisation hors forfait soins, de procéder au remboursement de l’acquit de la contribution juridique de 35,00 euros pour les recours engagés en première instance et en appel, par les moyens que Mme X..., hébergée dans un foyer de vie et admise à l’aide sociale, a contracté une complémentaire santé pour un coût annuel de 450,91 euros, soit un prélèvement mensuel de 37,58 euros ; qu’une décision du Conseil d’Etat en date du 14 décembre 2007 a précisé les modalités de calcul pour la participation à leurs frais d’hébergement et d’entretien des personnes âgées ou handicapées placées dans un établissement et bénéficiaires de l’aide sociale ; que les bénéficiaires doivent garder pour leurs dépenses personnelles 10 % de leurs revenus pour subvenir aux dépenses qui sont mises à leur charge par la loi et sont exclusives de tout choix de gestion ; que les frais de mutuelle constituent une dépense procédant de la garantie du principe constitutionnel de droit à la santé découlant de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1958 ; que les cotisations pour une complémentaire santé de mutuelle doivent donc être déduites de l’assiette des ressources ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré le 1er avril 2014, le mémoire en défense du président du conseil général des Yvelines tendant au rejet de la requête par les motifs qu’il applique l’article L. 132-3 du code qui fixe la participation des personnes à leurs frais d’hébergement ; qu’en ce qui concerne les frais de mutuelle, ces derniers peuvent à certaines conditions être déduits de l’assiette de calcul du reversement des ressources ; que selon les dispositions de l’article L. 111-4 du code de l’action sociale et des familles, pour les prestations que le département crée de sa propre initiative, les conditions d’attribution résultent du règlement départemental d’aide sociale prévu à l’article L. 121-3 ; que si le département a souhaité instaurer dès l’année 2000 une aide extra-légale d’aide à la mutualisation en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées hébergées et bénéficiaires de l’aide sociale, il a souhaité en réserver le bénéfice aux personnes les plus démunies en fixant trois critères cumulatifs, l’exclusion du bénéfice de la CMC, disposer d’un minimum de ressources après participation à ses frais hébergement, inférieur ou égal à 30 % du montant de l’AAH augmenté du forfait mutuelle, soit 232,98 euros à la date de la décision et disposer d’un capital placé inferieur ou égal à 15 245,00 euros ; que Mme X... ne remplit pas ces conditions cumulatives et ne peut donc bénéficier de cette aide ; qu’il a été fait une correcte application des dispositions légales et réglementaires ; que la position du département pourra être revue, lorsque les capitaux placés de Mme X... s’établiront à moins de 15 246,00 euros ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 12 décembre 2014 Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que pour l’application de la décision du Conseil d’Etat, département de la Charente-Maritime du 14 décembre 2007, il appartient au juge, avant d’appliquer aux ressources de l’assisté le montant laissé à sa disposition et de déterminer en conséquence la participation de l’aide sociale, de déduire préalablement de ces ressources certaines dépenses dont les dépenses nécessaires au respect de la protection constitutionnelle du droit à la santé assimilées à des dépenses obligatoires et insusceptibles de tout choix de gestion ; qu’au nombre de ces dépenses figurent les cotisations d’assurance maladie complémentaire litigieuses ;
    Considérant que, lorsque le juge interprète la loi, il lui donne son sens et ce sens s’impose à l’administration et à la juridiction subordonnée ; que le sens ainsi dégagé des dispositions relatives à l’aide sociale légale prévaut sur l’application de dispositions à même fin mais prescrivant une prise en compte partielle et limitée des cotisations dont s’agit selon le règlement départemental d’aide sociale dans le cadre de l’aide sociale facultative, laquelle n’a lieu d’être prise en compte que pour autant que l’application des règles d’aide sociale légale interprétées par le juge ne conduit pas à satisfaire la demande litigieuse ;
    Considérant ainsi, alors d’ailleurs qu’il n’est même pas allégué, ni ne ressort du dossier que le montant des cotisations acquittées présentât un caractère excessif, que l’Association départementale de gestion de services d’intérêt familial des Pyrénées-Atlantiques, tuteur de Mme X..., est fondée à demander que la déduction préalable des cotisations dont s’agit s’effectue conformément aux modalités prévues par la loi d’aide sociale ;
    Considérant, il est vrai, que le président du conseil général des Yvelines se prévaut d’abord de ce que l’article L. 111.4 du code de l’action sociale et des familles prévoit que les prestations d’aide sociale sont attribuées, notamment, en application des disposition du Règlement départemental d’aide sociale, mais qu’il résulte de ce qui précède que la loi plus favorable prime, sur un sujet donné, le règlement qui l’est moins ;
    Considérant qu’en outre, le président du conseil général fait valoir que « depuis la décision du Conseil d’Etat de 2007, la détérioration du contexte économique et la nécessaire vigilance que doivent apporter les collectivités dans la gestion des finances publiques et des budgets de plus en plus contraints auxquels elles sont soumises » sont avérées et se prévaut du caractère subsidiaire de l’aide sociale en faisant également valoir que l’effort consenti par le règlement départemental d’aide sociale des Yvelines est déjà conséquent dans le contexte contraint actuel et qu’il convient de « préserver la vocation « redistributive » de l’aide sociale et par là même de limiter l’attribution des aides aux situations les plus précaires » ; que toutefois, en l’état, aucune décision du Conseil d’Etat n’est revenue sur la solution alors prise ; que d’ailleurs, si les dispositions de la loi actuellement existantes telles qu’interprétées par le juge venaient à être modifiées, seul le Conseil Constitutionnel serait en situation de statuer sur la constitutionnalité des dispositions nouvelles éventuellement intervenues, notamment, dans l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité ; que l’argumentation du président du conseil général est donc écartée ;
    Considérant qu’il en est de même du dernier moyen également inopérant selon lequel l’article R. 344-29 alinéa 3 du code de l’action sociale et des familles est relatif à la prise en charge des frais d’hébergement et d’entretien « à l’exclusion de toute autre mention précisant une prise en charge d’autres frais hormis l’hébergement et l’entretien de la personne handicapée » (i.e. en l’espèce les frais de santé non inhérents en eux-mêmes à la prise en charge d’un foyer de vie) ; qu’à la vérité, la présente formation de jugement n’est nullement insensible à ce dernier moyen, puisque c’est celui qui notamment l’avait conduit, jusqu’à ce que l’assemblée du Conseil d’Etat infirme cette position, à estimer n’avoir pas, sans fondement législatif explicite, à décider elle-même des charges impliquées par la protection constitutionnelle du droit à la santé qu’il y avait lieu de déduire des revenus de l’assisté pris en compte pour fixer sa participation à ses frais d’hébergement et d’entretien au motif de fait invoqué par le département, que celui-ci n’est plus en charge de la santé des hébergés depuis la suppression de l’aide médicale ; que toutefois, cette argumentation a été infirmée par le Conseil d’Etat et qu’il appartient dorénavant à l’administration, comme au juge, d’appliquer la décision de celui-ci ;
    Considérant enfin au regard des éléments qui précèdent et conformément aux règles générales d’admission à l’aide sociale que la circonstance que Mme X... dispose de capitaux placés ne permet pas au département des Yvelines de refuser d’appliquer la loi qui ne prend en compte que les revenus et non les capitaux, lesdits revenus étant déterminés conformément à ce qui précède jusqu’à ce que l’assistée ait « vidé ses fonds », fut ce au motif entaché d’erreur de droit de subsidiarité de l’aide sociale et à celui extra juridique en l’état de la loi d’aide sociale du caractère contraint du contexte économique et financier actuel ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être accueillie,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale des Yvelines en date du 11 septembre 2013 est annulée.
    Art. 2.  -  La décision du président du conseil général des Yvelines en date du 6 mars 2013 est annulée en ce qu’elle a de contraire aux motifs de la présente décision.
    Art. 3.  -  La présente décision sera notifiée à l’Association départementale de gestion de services d’intérêt familial des Pyrénées-Atlantiques et au président du conseil général des Yvelines. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale des Yvelines et à la ministre des affaires sociales, de la sante et des droits des femmes.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 12 décembre 2014 où siégeaient M. LEVY, Président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 12 décembre 2014 à 19 heures.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C.  Rieubernet