Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Indu - Prescription - Foyer - Curateur - Ressources - Précarité
 

Dossier no 120385

M. Y...
Séance du 13 novembre 2013

Décision lue en séance publique le 3 juin 2014

    Vu le recours en date du 6 mars 2012 formé par Maître Brigitte LAFRANCE conseil de M. Y..., qui demande l’annulation de la décision du 2 décembre 2011 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Paris a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision en date du 30 novembre 2010 du président du conseil de Paris assignant à M. Y... un indu de 31 715,79 euros, résultant d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion décompté pour la période de février 2003 à mars 2008 ;
    Maître Brigitte LAFRANCE conteste la période litigieuse en faisant valoir qu’en vertu de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans ; qu’ainsi, la demande en répétition de l’indu ne peut concerner la période antérieure au 22 octobre 2005 ; que le juge des tutelles a, par jugement en date du 22 décembre 1995, désigné M. Y... en qualité de curateur de sa mère ; que celui-ci versait ses revenus fonciers sur le compte de sa mère en vue de régler les frais de la maison de retraite de cette dernière ; que de ce fait, les revenus fonciers perçus ne peuvent être considérés comme des ressources ;
    Maître Brigitte LAFRANCE conteste le bien-fondé de l’indu et à titre subsidiaire, en l’absence de fausses déclarations, demande l’application de la prescription biennale ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que la requête a été communiquée au président du conseil de Paris qui n’a pas produit d’observations en défense ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que Maître Brigitte LAFRANCE s’est acquittée de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros instituée par l’article 1635 bis Q du code général des impôts entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celle d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informée de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 13 novembre 2013 M. BENHALLA, rapporteur, Maître Brigitte LAFRANCE et M. Y... en leurs observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations (...) est récupéré par retenue sur le montant des allocations à échoir ou, si le bénéficiaire opte pour cette solution ou s’il n’est plus éligible au revenu minimum d’insertion, par remboursement de la dette en un ou plusieurs versements (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 262-9 du même code : « Les ressources prises en compte pour le calcul de l’allocation sont égales à la moyenne mensuelle des ressources perçues au cours des trois mois précédant la demande ou la révision » ; qu’aux termes de l’article L. 262-40 du même code : « L’action du bénéficiaire pour le paiement de l’allocation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées » ;
    Considérant qu’en vertu de l’article L. 262-41 in fine du code de l’action sociale et des familles modifié par la loi no 2004-809 du 13 août 2004 - art. 58 (V) JORF 17 août 2004 en vigueur le 1er janvier 2005 : « En cas de précarité de la situation du débiteur, la créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général » ; qu’aux termes de l’article L. 262-41 in fine du code de l’action sociale et des familles issu de la loi du 23 mars 2006 entrée en vigueur le 25 mars suivant : « La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ;
    Considérant que M. Y... a été admis au bénéfice du revenu minimum d’insertion en septembre 1998 dans le département du Gard, puis à Paris à compter de février 2003 au titre en premier lieu d’une personne isolée, puis d’un couple avec un enfant à compter de septembre 2004 ; que, lors d’un contrôle de l’organisme payeur en date du 14 mars 2008, il a été constaté que l’intéressé était propriétaire indivis avec sa mère d’un logement sis Paris Nième, acquis en décembre 1994, qu’il occupe ; qu’il était également propriétaire de deux autres appartements sis Paris Nième, dont l’un est loué depuis 1996 pour un montant de 491,15 euros par mois, et l’autre depuis 2003 pour un montant de 614,50 euros par mois ; qu’en outre, il a loué à compter de juillet 2003 une chambre de l’appartement qu’il occupait moyennant 400 euros puis 490 euros mensuels ; que le président du conseil de Paris, par décision en date du 22 octobre 2010, lui a assigné un indu de 32 315,63 euros ultérieurement ramené à la somme de 31 715,79 euros, à raison d’allocations de revenu minimum d’insertion indûment perçues pour la période de février 2003 mars 2008 ; que cet indu résulte du défaut de prise en compte des revenus locatifs précédemment mentionnés perçus par M. Y... dans le calcul du montant de ses droits ;
    Considérant que, saisie, la commission départementale d’aide sociale de Paris, par décision en date du 2 décembre 2011, a rejeté le recours de M. Y... dirigé contre la décision du président du conseil de Paris au motif du bien fondé de l’indu, sans répondre au moyen tiré par le requérant de sa situation de précarité ; qu’ainsi, elle a méconnu sa compétence et que sa décision doit, par suite, être annulée ;
    Considérant qu’il y a lieu de d’évoquer et de statuer ;
    Considérant qu’il n’est pas contesté que M. Y... soit propriétaire indivis avec sa mère d’un logement, acquis en décembre 1994 sis Paris Nième, ainsi que de deux autres appartements sis Paris Nième - tous deux loués, le premier depuis 1996, le second depuis 2003 ; qu’une chambre de l’appartement qu’il occupait était louée à compter de juillet 2003 ;
    Considérant toutefois, que M. Y... a demandé une remise de l’indu mis à sa charge ; que la période litigieuse porte majoritairement sur la période antérieure à mars 2006 ; qu’ainsi, les dispositions précitées de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles applicables avant l’intervention de la loi du 23 mars 2006 entrée en vigueur le 25 mars suivant ne font pas, en toute hypothèse, obstacle à ce qu’il en soit accordé une remise gracieuse ;
    Considérant en outre, que M. Y..., qui est curateur de sa mère, Mme F..., a fait usage des loyers perçus et les a placés au profit de cette dernière en vue de son placement en maison de retraite comme en attestent les comptes de gestion transmis au juge des tutelles ; qu’ainsi, aucune intention frauduleuse ne peut être retenue à l’encontre de M. Y... ;
    Considérant enfin que M. Y... a été contraint de céder un appartement, que le second est dans un état de délabrement qui nécessite un lourd investissement en travaux ; que ses ressources sont évaluées à environ 1 100 euros mensuels ; que les capacités contributives de l’intéressé sont donc limitées et le remboursement de la totalité de l’indu ferait peser de graves menaces de déséquilibre sur son budget et constituerait une situation de privation matérielle grave sur une longue période ; qu’il sera fait une juste appréciation de la situation en limitant l’indu laissé à la charge de M. Y... à la somme de 15 000 euros,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision en date du 2 décembre 2011 de la commission départementale d’aide sociale de Paris, ensemble la décision en date du 30 novembre 2010 du président du conseil de Paris, sont annulées.
    Art. 2.  -  L’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion laissé à la charge de M. Y... est limité à la somme de 15 000 euros.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 4.  -  La présente décision sera notifiée à Maître Brigitte LAFRANCE, à M. Y..., à la présidente du conseil de Paris. copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 13 novembre 2013 où siégeaient M. BELORGEY, président, Mme PEREZ-VIEU, assesseure, M. BENHALLA, rapporteur.
    Décision lue en séance publique 3 juin 2014.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet