Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Placement - Ressources - Règlement
 

Dossier no 130615

M. X...
Séance du 17 octobre 2014

Décision lue en séance publique le 12 décembre 2014

    Vu, enregisté au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 28 novembre 2013, l’appel par lequel l’Union départementale des associations familiales (UDAF) de la Lozère, en qualité de curatrice de M. X..., demande l’annulation de la décision en date du 16 juillet 2013 de la commission départementale d’aide sociale de la Lozère rejetant son recours dirigé contre la décision du président du conseil général de la Lozère du 31 mai 2012 accordant une prise en charge partielle au titre de l’aide sociale, du 21 janvier 2012 au 30 septembre 2015, des frais d’hébergement de M. X..., pensionnaire du foyer d’hébergement de la Lozère, sous réserve du reversement de 90 % de ses ressources, prime pour l’emploi comprise, et ce par le moyen que ladite prime, au regard des dispositions de l’article 200 sexies du code général des impôts, ne saurait être regardée comme une ressource au sens de l’article L. 132-3 du code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré, comme ci-dessus, le 28 novembre 2013, le mémoire en défense du président du conseil général de la Lozère tendant rejet de l’appel susvisé au motif que les dispositions combinées des articles L. 132-1 à L. 132-3 et L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles excluent expressément des ressources à prendre en compte, pour attribuer l’aide sociale et déterminer le montant de la participation de l’assisté, uniquement les prestations familiales, la retraite du combattant, les pensions attachées aux distinctions honorifiques ainsi que les rentes viagères perçues au titre d’un contrat d’épargne handicap et les rentes de survie mentionnées à l’article 199 septies du code général des impôts ;
    Vu, enregistrée, comme ci-dessus, le 9 juillet 2014, la lettre, en date du 4 juillet 2014, par laquelle le président du conseil général de la Lozère « ne souhaite pas apporter d’éléments complémentaires à ceux présentés » dans son mémoire en défense visé ci-dessus ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les articles 200 sexies et 1665 du code général des impôts ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 17 octobre 2014, M. GOUSSOT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que l’irrecevabilité de la requête à raison de ce que celle-ci est signée par le seul curateur simple n’est pas soulevée ; qu’il ne résulte pas du dossier que les conditions exceptionnelles selon lesquelles le curateur peut introduire seul une action en justice n’étaient pas remplies tant en première instance qu’en appel ; qu’au demeurant, le juge des tutelles a « dit que le curateur recevra seul les revenus de la personne en curatelle sur un compte ouvert au nom de cette dernière. Qu’il effectuera lui-même le règlement des dépenses auprès des tiers et déposera l’excédent sur un compte laissé à la disposition de l’intéressé ou le versera entre ses mains » ; qu’en cet état, le juge de l’aide sociale n’est pas tenu de pourvoir à un supplément d’instruction pour statuer en toute connaissance de cause sur la recevabilité de l’action en justice ; qu’ainsi et à supposer même que les dispositions relatives à l’exercice d’une telle action ne doivent pas être regardées comme imparties dans le seul intérêt du curatélaire qui n’est pas compromis par l’absence de signature de celui-ci, il y a lieu de statuer au fond ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles : « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu (...) » ; que, conformément à l’article L. 132-3, « (ces) ressources de quelque nature qu’elles soient à l’exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l’aide aux personnes âgées ou de l’aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d’hébergement et d’entretien dans la limite de 90 %. » ; qu’en application des dispositions combinées des articles L. 132-2 et L. 344-5 du code mentionné ci-dessus et 199 septies du code général des impôts, celles-ci ne comprennent pas, outre les prestations familiales, d’une part, la retraite du combattant ainsi que les pensions allouées aux titulaires de distinctions honorifiques, d’autre part, les rentes viagères versées à une personne handicapée bénéficiaire d’un contrat d’assurance en cas de décès ou d’une durée au moins égale à six ans dont l’exécution dépend de la durée de la vie humaine ;
    Considérant qu’aux termes du I de l’article 200 sexies du code général des impôts « (...) il est institué un droit à récupération fiscale, dénommé prime pour l’emploi, au profit des personnes physiques fiscalement domiciliées en France mentionnées à l’article 4 B. » ; que « cette prime est accordée au foyer fiscal à raison des revenus d’activité professionnelle de chacun de ses membres (...) » qu’enfin, conformément au IV, « (...) le montant total de la prime accordée au foyer fiscal s’impute en priorité sur le montant de l’impôt sur le revenu » ou, lorsque celui-ci est inférieur à celui de la prime ou nul, « la différence est versée aux intéressés » ;
    Considérant qu’il résulte de ces dispositions que tous les revenus perçus par une personne handicapée admise dans un foyer d’hébergement sont pris en compte pour déterminer sa participation à ses frais d’entretien et d’hébergement, à l’exception de ceux limitativement énumérés suscités ; que ne peut toutefois être regardée comme un revenu visé par la loi d’aide sociale, la prime pour l’emploi qui est un droit à récupération fiscale institué afin d’inciter au retour à l’activité ou au maintien de celle-ci (y compris en ESAT...) au titre duquel l’Etat est tenu, lorsque le montant total de la prime n’est pas susceptible de s’imputer pour tout ou partie sur un impôt dû, de verser au contribuable la différence qui en procède selon les règles applicables aux excédents de versements du contribuable au Trésor public ; que le droit à récupération fiscale ainsi ménagé ne saurait en conséquence être regardé comme un « revenu » et, ainsi, une « ressource » au sens des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles, alors même que le droit fiscalement ouvert dans les situations de la nature de celle de M. X... a pour conséquence le versement par les services fiscaux au contribuable d’un montant différentiel correspondant au quantum du droit à récupération fiscale qui lui est ouvert ; que d’ailleurs, la prise en compte de la prime pour l’emploi au titre des revenus de toute nature mentionnés aux articles précités du code également précité aurait pour effet de méconnaitre l’égalité de traitement entre demandeurs d’aide sociale devant la loi d’aide sociale, dès lors que les modalités de mise en œuvre par la loi fiscale du même droit à récupération fiscale conduiraient pour l’application de la loi d’aide sociale à des situations différentes entre les aidés sociaux contribuables, dès lors que si le montant de l’impôt sur le revenu dû est supérieur au montant de la prime, il serait acquitté par le contribuable et en conséquence ouvrirait droit à la soustraction de la base prise en compte pour la détermination de la participation de l’assisté et en conséquence, de celle de l’aide sociale des dépenses légalement obligatoires et exclusives de tout choix de gestion constituée par ledit impôt et le cas, qui est celui de l’espèce, où le « contribuable aidé social » n’est pas imposable à l’impôt sur le revenu ou si le montant de cet impôt est inférieur à celui de la prime, le différentiel « total ou partiel » lui est reversé selon les règles fixées par la loi fiscale applicables en matière d’excédents de versements du contribuable au-delà de l’imposition due ; qu’une telle différence de traitement ne peut être regardée comme justifiée par une différence de situation en rapport avec l’objet de la loi d’aide sociale applicable ou par des motifs d’intérêt général pertinents ; qu’il suit de ce qui précède que c’est à tort que, par la décision attaquée, la commission départementale d’aide sociale de la Lozère a refusé de faire droit à la demande de l’UDAF de la Lozère tendant à ce que la prime pour l’emploi qui a été versée à M. X... soit exclue de son revenu servant de base à la détermination de sa participation et de celle de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement et d’entretien au foyer de la Lozère,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Lozère en date du 16 juillet 2013 est annulée.
    Art. 2.  -  La décision du président du conseil général de la Lozère en date du 31 mai 2012 est réformée en ce qu’elle inclut, au nombre des ressources de M. X... à prendre en compte pour la détermination de sa participation à ses frais d’hébergement et d’entretien au foyer de la Lozère, le droit à récupération fiscale dénommé « prime pour l’emploi » qui lui est ouvert.
    Art. 3.  -  La présente décision sera notifiée à l’Union départementale des associations familiales de la Lozère et au président du conseil général de la Lozère. copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de la Lozère et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 17 octobre 2014 où siégeaient M. LEVY, président, Mme BROSSET-HOUBRON, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 12 décembre 2014.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet