Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Indu - Situation matrimoniale - Fraude - Décision - Autorité de la chose jugée - Procédure - Compétence juridictionnelle - Précarité
Dossier no 130332

Mme X...
Séance du 2 décembre 2014

Décision lue en séance publique le 16 janvier 2015

    Vu le recours en date du 17 avril 2013 et les mémoires en dates des 21 mai et 22 juillet 2013 présentés par Mme X... qui demande l’annulation de la décision en date du 15 février 2013 par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Pyrénées-Orientales a rejeté son recours tendant à l’annulation du titre exécutoire émis le 6 septembre 2007 par le président du conseil général relatif à un indu de 23 592,65 euros, résultant d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion décompté pour la période de janvier 1998 à mai 2005 ;
    La requérante conteste l’indu ; elle demande une remise ; elle fait valoir qu’elle s’est retrouvée très vite seule avec son enfant et qu’elle a déclaré sa situation à la mairie de sa résidence ; qu’elle est aide ménagère avec un salaire de 896 euros et qu’elle verse 50 euros par mois au titre du remboursement de dommages et intérêts ; qu’elle est en situation de précarité ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que Mme X... s’est acquittée de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros instituée par l’article 1635 bis Q du code général des impôts entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général des Pyrénées-Orientales en date du 29 juillet 2013 qui conclut au rejet de la requête ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu, à l’audience publique du 2 décembre 2014, M. BENHALLA, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article R. 262-3 du code de l’action sociale et des familles : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (...) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 262-1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article L. 262-2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262-1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments » ;
    Considérant qu’en vertu de l’article L. 262-41 in fine du code de l’action sociale et des familles, modifié par la loi no 2004-809 du 13 août 2004 - art. 58 (V) JORF 17 août 2004 en vigueur le 1er janvier 2005 : « (...) En cas de précarité de la situation du débiteur, la créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général » ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-41 in fine du code de l’action sociale et des familles en vigueur au 25 mars 2006 : « (...) La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ;
    Considérant que Mme X... a été admise au bénéfice du revenu minimum d’insertion en mars 2000 au titre d’une personne isolée avec un enfant à charge ; que suite à un contrôle de l’organisme payeur en mai 2006, il a été constaté que Mme X... était mariée depuis le 29 août 1992 avec M. Y..., lui-même allocataire du revenu minimum d’insertion ; qu’il s’ensuit que le remboursement de la somme de 23 592,65 euros a été mis à la charge de Mme X..., à raison d’allocations de revenu minimum d’insertion indûment perçues pour la période de janvier 1998 à mai 2005 ; que cet indu a été motivé par la circonstance que l’intéressée a avait omis de déclarer sa situation matrimoniale exacte ; qu’ainsi, elle a bénéficié à tort du revenu minimum d’insertion ;
    Considérant que par ailleurs le président du conseil général des Pyrénées-Orientales a déposé plainte auprès du procureur de la République ; qu’il a été produit à l’instance un jugement du tribunal de grande instance de Perpignan en date du 22 septembre 2008 condamnant Mme X... à une peine de trois mois d’emprisonnement avec sursis pour l’infraction de l’obtention frauduleuse d’une allocation de revenu minimum d’insertion ; que ce jugement a été confirmé en appel par un arrêt de la cour d’appel de Montpellier en date du 15 décembre 2011 ; que cette décision n’a pas été frappée de cassation et a donc acquis l’autorité de la chose jugée ; qu’eu égard à l’autorité qui s’attache aux constatations du juge pénal, la fausse déclaration est établie ;
    Considérant que Mme X... a demandé un rendez-vous en 2012 au président du conseil général qui en a accusé réception le 26 mars 2012, mais qui n’a pas répondu ; que Mme X... a contesté le titre exécutoire émis le 6 septembre 2007 par le président du conseil général, et demandé une remise gracieuse ; que la commission départementale d’aide sociale des Pyrénées-Orientales, par décision en date du 15 février 2013, a rejeté le recours de Mme X... et l’a renvoyée devant le président du conseil général pour statuer sur la demande de remise gracieuse ;
    Considérant que lorsque le bénéficiaire du revenu minimum d’insertion adresse au président du conseil général ou à la caisse d’allocations familiales une lettre portant conjointement contestation de l’indu et demande de remise gracieuse pour précarité, il y a lieu de la transmettre simultanément aux autorités compétentes pour statuer sur le bien-fondé de la dette et sur la remise gracieuse ; que même si tel n’a pas été le cas, il appartient à la commission départementale d’aide sociale de se prononcer sur les deux terrains dès lors que le délai dont dispose le président du conseil général pour statuer sur la demande de remise gracieuse est expiré ; qu’en l’espèce, la commission départementale d’aide sociale des Pyrénées-Orientales, en ne se prononçant pas sur la remise de dette, a méconnu sa compétence ; que sa décision doit, par suite, être annulée ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;
    Considérant que l’indu litigieux porte sur la période antérieure à mars 2006 ; qu’ainsi, les dispositions précitées de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles applicables avant l’intervention de la loi du 23 mars 2006 entrée en vigueur le 25 suivant ne font pas, en toute hypothèse, obstacle à ce qu’il en soit accordé une remise gracieuse ;
    Considérant que Mme X... soutient, sans être contredite, qu’elle travaille en qualité d’aide ménagère avec un salaire de 896 euros mensuels, et affirme verser 50 euros par mois au titre du remboursement de dommages et intérêts ; qu’elle est en situation de précarité ; que les capacités contributives de l’intéressée sont limitées et le remboursement de la totalité de l’indu ferait peser de graves menaces de déséquilibre sur son budget et constituerait une situation de privation matérielle grave sur une longue période ; qu’il sera fait une juste appréciation de la situation de Mme X... en accordant une remise de 50 % sur l’indu de 23 592,65 euros qui lui a été assigné,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision en date du 15 février 2013 de la commission départementale d’aide sociale des Pyrénées-Orientales, ensemble le titre exécutoire émis le 6 septembre 2007 par le président du conseil général, sont annulés.
    Art. 2.  -  Il est accordé à Mme X... une remise de 50 % sur l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion de 23 592,65 euros qui lui a été assigné.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 4.  -  La présente décision sera notifiée à Mme X..., au président du conseil général des Pyrénées-Orientales. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 2 décembre 2014 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. BENHALLA, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 16 janvier 2015.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidente Le rapporteur

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet