Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

3200
 
  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Indu - Foyer - Ressources - Déclaration - Radiation - Surendettement - Compétence juridictionnelle
 

Dossier no 130418

Mme X...
Séance du 14 novembre 2014

Décision lue en séance publique le 11 décembre 2014

    Vu le recours formé le 7 juin 2013 par Mme X..., représentée par Maître Marie-Caroline BERNARD, à l’encontre de la décision du 18 mars 2013 par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d’annulation de la décision du président du conseil général des Bouches-du-Rhône en date du 30 septembre 2008 ne figurant pas au dossier, lui refusant toute remise sur un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 20 021,64 euros décompté au titre de la période du 1er novembre 2004 au 29 février 2008, au motif que Mme X... n’a fait état, ni de son mariage survenu en 2004, ni des salaires de son époux dans les déclarations trimestrielles de ressources ;
    Mme X... reconnaît les omissions de déclaration reprochées, affirmant s’être effectivement mariée le 27 novembre 2004 et avoir divorcé par jugement du tribunal de grande instance de Marseille en date du 14 décembre 2009 ; elle fait valoir qu’au titre de la période litigieuse, son mari bénéficiait de l’aide au retour à l’emploi tandis qu’elle percevait une pension d’invalidité de 248 euros par mois ; qu’actuellement, elle se trouve dans une situation particulièrement précaire ; que le tribunal d’instance de Marseille a été saisi d’un dossier de surendettement la concernant ; qu’elle a une dette au titre du régime social des indépendants d’un montant de 4 935,15 euros, correspondant au reliquat de sa dette ; qu’elle perçoit depuis le 1er avril 2012 une pension d’invalidité d’un montant de 609,97 euros mensuels ; elle sollicite une remise de l’indu qui lui a été assigné ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que Mme X... est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale par décision en date du 20 juin 2013 du bureau d’aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Paris ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 14 novembre 2014, Mme Fatoumata DIALLO, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant d’une part, qu’aux termes de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39 (...). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’aux termes de l’article L. 262-40 du même code : « l’action du bénéficiaire pour le paiement de l’allocation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées » ; qu’aux termes de l’article R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (...) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...) et notamment les avantages en nature, ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux. » ; qu’aux termes de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262-1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 262-1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article L. 262-2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge » ;
    Considérant d’autre part, qu’il ressort des dispositions de l’article L. 262-42 du code de l’action sociale et des familles que, dès qu’une demande de remise de dette est déposée et qu’un contentieux se développe, le recours est suspensif et le recouvrement doit être suspendu jusqu’à l’épuisement de la procédure devant les juridictions du fond ; que tout prélèvement pour répétition de l’indu revêt un caractère illégal ;
    Considérant que Mme X... a déposé une demande de revenu minimum d’insertion le 13 septembre 1999 au titre d’une personne isolée, locataire, sans activité ni ressources hormis les prestations sociales ; que, comme suite à un contrôle administratif sur la situation familiale et les ressources de l’intéressée en 2007, la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône a découvert que l’allocataire s’était mariée en novembre 2004 et que son époux était salarié depuis octobre 2003, sans qu’il en soit fait état dans les déclarations trimestrielles de ressources ; que Mme X... a été radiée du dispositif du revenu minimum d’insertion à compter du 30 novembre 2004 par décision du président du conseil général en date du 2 avril 2008 ; que, par un courrier en date du 25 juin 2008, Mme X... a sollicité une remise auprès du président du conseil général concernant des indus d’allocations de revenu minimum d’insertion et d’aide au logement d’un montant total de 20 801,21 euros, affirmant se trouver dans une situation précaire, son mari ne percevant que des allocations de chômage à hauteur de 700 euros mensuels auxquelles s’ajoute l’indemnité mensuelle de santé dont elle est bénéficiaire d’un montant de 244 euros ; qu’elle précisait avoir à charge trois enfants ; que plusieurs titres exécutoires ont été émis à son encontre, respectivement le 12 août 2008 concernant un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 2 548,45 euros au titre de la période du 1er juin 2007 au 29 février 2008, le 14 août 2008 relatif à un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion à hauteur de 11 390,42 euros au titre de la période du 1er décembre 2005 au 30 septembre 2007, et le 21 août 2009 au sujet d’un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion de 4 818,20 euros au titre de la période du 1er novembre 2004 au 31 décembre 2006 ; que, par un courrier en date du 26 février 2009 adressé à la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône, Mme X... a formé un recours contre la décision du président du conseil général en date du 30 septembre 2008 ne figurant pas au dossier, refusant de lui accorder une exonération d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 20 021,64 euros ; que par décision en date du 18 mars 2013 dont Mme X... relève appel, la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône a rejeté le recours à raison de l’origine de l’indu ;
    Considérant que, pour l’application des dispositions législatives et réglementaires relatives à la procédure de remise gracieuse des dettes résultant d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion, il appartient à la commission départementale d’aide sociale, en sa qualité de juridiction de plein contentieux, non seulement d’apprécier la légalité des décisions prises par le président du conseil général pour accorder ou refuser la remise gracieuse d’une dette, mais encore de se prononcer elle-même sur le bien-fondé de la demande de l’intéressé d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une ou l’autre partie à la date de sa propre décision ; qu’en l’espèce, la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône ne s’est pas interrogée sur la question de savoir si la situation de précarité de Mme X... justifiait qu’il lui soit accordé une remise de dette ; qu’il en résulte qu’elle a méconnu sa compétence et que sa décision doit, par suite, être annulée ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la requête de Mme X... ;
    Considérant que la commission centrale d’aide sociale a demandé au préfet des Bouches-du-Rhône, par lettre en date du 24 septembre 2013 reçue dans les services concernés le 27 septembre 2013, de lui transmettre le dossier complet de Mme X..., et notamment les justificatifs, la période et le mode de calcul de l’indu détecté de 20 021,64 euros, les déclarations trimestrielles de ressources signées par l’allocataire durant toute la période litigieuse, ainsi que la décision de refus de remise du président du conseil général datée du 30 septembre 2008 ; qu’il n’a été que partiellement fait droit à cette demande ;
    Considérant que Mme X... ne conteste pas le bien-fondé de l’indu ; qu’aucun élément ne fait toutefois apparaître que les modalités de calcul de celui-ci ont été conformes aux dispositions législatives et réglementaires applicables ; que les demandes d’explication formées à ce sujet par l’intéressée, par plusieurs courriers, sont restées sans effet auprès de la caisse d’allocations familiales et du conseil général des Bouches-du-Rhône ; qu’il n’est pas établi que les insuffisances de déclaration de la requérante auraient résulté d’une intention frauduleuse ; qu’en toute hypothèse, la quasi-totalité des indus litigieux porte, pour l’essentiel, sur une période antérieure à l’intervention de la loi du 23 mars 2006 prohibant toute remise en cas de fraude ; que Mme X... fait valoir, pièces à l’appui, qu’elle fait face à de lourdes difficultés financières qui font obstacle au remboursement intégral de sa dette ; qu’elle ne perçoit depuis le 1er avril 2012 qu’une pension d’invalidité d’un montant mensuel de 609,97 euros ; qu’elle a une dette au titre du régime social des indépendants d’un montant de 4 935,15 euros ; qu’elle doit également payer d’autres frais et factures ; qu’il s’ensuit qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en limitant l’indu de 20 021,64 euros porté à son débit à la somme de 2 000 euros ; qu’il appartiendra à Mme X..., si elle s’y croit fondée, de solliciter un échelonnement du remboursement du reliquat dont elle reste redevable auprès de la paierie départementale ;
    Considérant en outre, qu’il résulte du dossier que nonobstant le caractère suspensif conformément aux dispositions de l’article L. 262-42 du code de l’action sociale et des familles sus-rappelé, du recours formé par Mme X..., il a été procédé sur ses prestations sociales à des prélèvements en vue du remboursement de l’indu ; que, par suite, il y a lieu de procéder au remboursement des montants qui auraient été récupérés au-delà de 2 000 euros,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône en date du 18 mars 2013, ensemble la décision du président du conseil général des Bouches-du-Rhône en date du 30 septembre 2008 ne figurant pas au dossier, sont annulées.
    Art. 2.  -  La répétition de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 20 021,64 euros laissé à la charge de Mme X... est limitée à la somme de 2 000 euros.
    Art. 3.  -  Il est enjoint au président du conseil général des Bouches-du-Rhône de procéder au remboursement intégral des prélèvements qui auraient été opérés au-delà de 2 000 euros.
    Art. 4.  -  Le surplus des conclusions de Mme X... est rejeté.
    Art. 5.  -  La présente décision sera notifiée à Mme X..., à Maître Marie-Caroline BERNARD, au président du conseil général des Bouches-du-Rhône. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 14 novembre 2014 où siégeaient M. BELORGEY, président, M. CULAUD, assesseur, Mme DIALLO, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 11 décembre 2014.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet