Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Indu - Ressources - Déclaration - Fraude - Conditions d’octroi - Compétence d’attribution - Erreur
 

Dossier no 120680

M. X...
Séance du 23 mai 2014

Décision lue en séance publique le 3 octobre 2014

    Vu le recours formé le 4 avril 2012 par M. X..., à l’encontre de la décision du 9 décembre 2011 par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Doubs a rejeté sa demande d’annulation de la décision du président du conseil général du Doubs en date du 24 février 2011 lui notifiant un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 1 600,28 euros décompté au titre de la période du 1er février au 31 mai 2009, pour non déclaration de son activité de cogérant d’une société à responsabilité limitée ;
    M. X... conteste la décision litigieuse et prétend n’avoir commis aucune fraude au revenu minimum d’insertion ; il affirme que sa situation financière actuelle est précaire et qu’il ne peut rembourser l’indu porté à son débit ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que M. X... s’est acquitté de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros instituée par l’article 1635 bis Q du code général des impôts entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général du Doubs en date du 31 août 2012 qui conclut au rejet de la requête ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 23 mai 2014, Mme Fatoumata DIALLO, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39 (...). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’aux termes de l’article R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (...) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...) et notamment les avantages en nature, ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux » ; qu’aux termes de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262-1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (...) » ; que l’article L. 262-12 du même code prévoit que : « Pour les personnes qui exercent une activité non salariée, les modalités particulières de détermination des ressources provenant de l’exercice de cette activité, adaptées à la spécificité des différentes professions, sont fixées par voie réglementaire » ; qu’aux termes de l’article R. 262-15 du même code : « Les personnes relevant de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux peuvent prétendre à l’allocation de revenu minimum d’insertion lorsqu’au cours de l’année de la demande et depuis l’année correspondant au dernier bénéfice connu elles n’ont employé aucun salarié et ont été soumises aux régimes d’imposition prévus aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts et qu’en outre le dernier chiffre d’affaires annuel connu actualisé, le cas échéant, n’excède pas, selon la nature de l’activité exercée, les montants fixés aux dits articles » ; que l’article R. 262-16 du même code prévoit que les droits des personnes qui ne remplissent pas les conditions posées à l’article R. 262-15 pour bénéficier de plein droit de l’allocation de revenu minimum d’insertion peuvent être examinés, à titre dérogatoire, si ces personnes se trouvent dans une situation exceptionnelle ; qu’il résulte de l’article R. 262-22 du même code que lorsqu’il est constaté qu’un allocataire ou un membre de son foyer exerce une activité non salariée qui ne donne lieu à aucune rémunération ou seulement à une rémunération partielle, que cette situation résulte ou non d’un choix délibéré de ce dernier, le président du conseil général peut tenir compte des rémunérations, revenus ou avantages auxquels l’intéressé serait en mesure de prétendre du fait de cette activité, sans compromettre, le cas échéant, son projet d’insertion ;
    Considérant que M. X... a déposé une demande de revenu minimum d’insertion le 21 novembre 2008 au titre d’une personne isolée, sans enfant à charge, sans activité professionnelle ni revenu, étant chômeur non indemnisé depuis le 1er novembre 2008, et s’acquittant d’un loyer ; que comme suite à une déclaration de situation pour les prestations familiales et les aides au logement effectuée par M. X... le 24 décembre 2010, la caisse d’allocations familiales du Doubs a découvert que ce dernier était travailleur indépendant en tant que cogérant d’une société à responsabilité limitée exploitée depuis le 3 mars 2006 ; qu’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 1 600,28 euros au titre de la période du 1er février au 31 mai 2009 lui a été assigné ; que par une décision en date du 23 juin 2011, la commission fraude de la direction de l’insertion a proposé de retenir la fraude avec avertissement sans pénalités à l’encontre de M. X... ; que le président du conseil général du Doubs a émis, le 10 août 2011, un titre exécutoire concernant l’indu litigieux contre l’allocataire ; que par courrier en date du 12 septembre 2011 adressé à la commission départementale d’aide sociale du Doubs, M. X... a contesté l’indu porté à son débit ainsi que la période relative au trop-perçu, affirmant qu’à ce moment-là, il était effectivement sans ressources, ayant perdu emploi et indemnisations ASSEDIC ; que par une décision en date du 9 décembre 2011, la commission départementale d’aide sociale du Doubs a confirmé la décision d’assignation de l’indu de la caisse d’allocations familiales du Doubs en date du 24 février 2011 au motif d’une part que « quel que soit le caractère frauduleux ou non de la demande de M. X..., son statut de travailleur indépendant exerçant dans le cadre d’un régime fiscal réel, ne lui permettait pas de bénéficier, au moment de sa demande [en novembre 2011], de l’ouverture d’un droit au revenu minimum d’insertion », d’autre part « (...) l’attribution du revenu minimum d’insertion n’a pas pu être accordée à titre dérogatoire à M. X..., l’intéressé n’ayant pas fait valoir de circonstances exceptionnelles justifiant une dérogation au moment de sa demande » ;
    Considérant que cette décision, en ce qu’elle méconnaît l’étendue du pouvoir du président du conseil général qui peut accorder, pour tenir compte de situations exceptionnelles, une dérogation à la règle selon laquelle le bénéficiaire du revenu minimum d’insertion est réservé aux contribuables imposés au forfait, n’ayant employé aucun salarié et dont le montant du dernier chiffre d’affaires connu n’excède pas les montant fixés aux articles 50-0 et 102 du code général des impôts, est entachée d’une erreur de droit ; qu’elle doit par suite être annulée ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la requête de M. X... ;
    Considérant d’une part que le secrétariat de la commission centrale d’aide sociale a demandé, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 mars 2014 au président du conseil général du Doubs, reçue dans ses services le 7 mars 2014, de lui faire connaître, justificatifs à l’appui, le statut exact (associé salarié ou travailleur indépendant) de M. X..., gérant minoritaire d’une SARL, de lui communiquer la nature et le montant des ressources effectivement perçues par celui-ci durant la période litigieuse (du 1er février au 31 mai 2009), et de lui transmettre tout document de nature à justifier sa décision en date du 24 février 2011 ; que par une réponse en date du 8 avril 2014, tout en relevant les nombreuses déclarations contradictoires dans le dossier du requérant, le président du conseil général d’une part précise que, durant la période de février à mai 2009, M. X... avait le statut de travailleur indépendant, étant gérant minoritaire de la SARL S... sans avoir perçu de rémunération, et ne relevant d’aucun régime obligatoire de sécurité sociale, d’autre part affirme ne disposer d’aucun bilan comptable ni de compte de résultat détaillé lui permettant d’apprécier ou d’évaluer les ressources non salariées effectivement perçues, les avis d’imposition 2009 et 2010 ne mentionnant aucun revenu ; que l’avis d’imposition sur le revenu 2011 indique des salaires d’un montant total de 9 520 euros pour une période postérieure à celle en litige ;
    Considérant d’autre part qu’il résulte de l’extrait K  bis en date du 29 décembre 2009 que M. X... est cogérant associé de la SARL S... dont les statuts ont été signés le 1er mars 2006, inscrit au registre du commerce et des sociétés le 24 décembre 2009 ; que la SARL S... est imposée au régime réel, n’employant personne et n’ayant pas la possibilité de dégager un salaire ; que M. X... ne perçoit des rémunérations que depuis 2010, avec un salaire de 1 100 euros par mois ; que par un jugement en date du 3 septembre 2012, le Tribunal de commerce du Doubs a constaté l’état de cessation des paiements de la SARL S... et prononcé la liquidation judiciaire simplifiée ;
    Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède, notamment des productions du président du conseil général du Doubs qui n’établissent pas que M. X... n’était pas éligible au droit au revenu minimum d’insertion, que l’indu n’est pas fondé en droit ; qu’en conséquence, il convient de décharger M. X... de la totalité de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 1 600,28 euros qui lui a été assigné,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision en date du 9 décembre 2011 de la commission départementale d’aide sociale du Doubs, ensemble la décision du président du conseil général du Doubs en date du 24 février 2011, sont annulées.
    Art. 2.  -  M. X... est intégralement déchargé de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 1 600,28 euros porté à son débit.
    Art. 3.  -  La présente décision sera notifiée à M. X..., au président du conseil général du Doubs. copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 23 mai 2014 où siégeaient M. BELORGEY, président, M. CULAUD, assesseur, Mme DIALLO, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 3 octobre 2014.
    La République mande et ordonne à la ministre en charge de l’aide sociale, de la santé et des droits des femmes et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet