Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Hébergement - Capitaux fonciers - Subsidiarité - Date d’effet
 

Dossier no 140152

M. X...
Séance du 19 juin 2015

Décision lue en séance publique le 19 juin 2015, à 19 heures     Vu, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, le 4 avril 2014, la requête présentée pour M. X..., par l’association A...) tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme en date du 26 novembre 2013 rejetant sa demande dirigée contre la décision du président du conseil général du Puy-de-Dôme du 16 avril 2013 de refus de prise en charge par l’aide sociale des frais d’hébergement et d’entretien en foyer pour adultes handicapés de M. X... à compter du 1er décembre 2012 par les moyens que le président du conseil général du Puy-de-Dôme a rejeté la demande de prise en charge des frais d’hébergement au motif que le capital mobilier détenu par l’intéressé lui permet de couvrir ses frais d’hébergement, alors que l’article L. 114-1-1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que « La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie. Cette compensation consiste à répondre à ses besoins, qu’il s’agisse de l’accueil de la petite enfance, de la scolarité, de l’enseignement, de l’éducation, de l’insertion professionnelle, des aménagements du domicile ou du cadre de travail nécessaires au plein exercice de sa citoyenneté et de sa capacité d’autonomie, du développement ou de l’aménagement de l’offre de service, permettant notamment à l’entourage de la personne handicapée de bénéficier de temps de répit, du développement de groupes d’entraide mutuelle ou de places en établissements spécialisés, des aides de toute nature à la personne ou aux institutions pour vivre en milieu ordinaire ou adapté, ou encore en matière d’accès aux procédures et aux institutions spécifiques au handicap ou aux moyens et prestations accompagnant la mise en œuvre de la protection juridique régie par le titre XI du livre Ier du code civil. Ces réponses adaptées prennent en compte l’accueil et l’accompagnement nécessaires aux personnes handicapées qui ne peuvent exprimer seules leurs besoins (...) » ; que l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles pose le principe que : « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire » ; que l’article R. 132-1 du même code précise : « Pour l’appréciation des ressources des postulants prévue à l’article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux » ; que dès lors, la valeur des biens et capitaux non productifs de revenus ne peut pas être intégrée dans les ressources prises en compte ; que la jurisprudence de la commission centrale d’aide est claire et constante à ce sujet et une décision du 9 avril 2002 a, par exemple, considéré abusive l’obligation faite d’utiliser les capitaux de l’intéressé pour payer ses frais de placement ; que de même la décision du 29 mai 2000 a annulé la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Aveyron indiquant qu’elle est entachée d’une erreur de droit pour avoir pris en compte en méconnaissance de l’article L. 141 du code de la famille et de l’aide sociale et du décret no 54-883 du 2 septembre 1954, non les revenus du capital placé de l’intéressé, mais l’existence de ce capital lui-même ; qu’a aussi été jugé illégal le refus d’accorder le bénéfice de l’aide sociale au motif que la personne pourrait présenter une demande une fois qu’elle aura épuisé son capital (CCAS du 27 mars 2000) ; qu’ainsi seuls les revenus du capital mobilier de M. X... peuvent être pris en compte pour son admission à l’aide sociale ; qu’en l’espèce, le président du conseil général du Puy-de-Dôme a donc fait une interprétation erronée des textes en vigueur ; que l’article L. 344-5 précise en outre, concernant les personnes adultes handicapées « Les frais d’hébergement et d’entretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés au b du 5o et au 7o du I de l’article L. 312-1, à l’exception de celles accueillies dans les établissements relevant de l’article L. 344-1, sont à la charge : 1o A titre principal, de l’intéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous d’un minimum fixé par décret et par référence à l’allocation aux handicapés adultes, différent selon qu’il travaille ou non. Ce minimum est majoré, le cas échéant, du montant des rentes viagères mentionnées à l’article 199 septies du code général des impôts ainsi que des intérêts capitalisés produits par les fonds placés sur les contrats visés au 2o du I de l’article 199 septies du même code » ; que l’article D. 344-35 du code de l’action sociale et des familles ajoute : « Lorsque l’établissement assure un hébergement et un entretien complet, y compris la totalité des repas, le pensionnaire doit pouvoir disposer librement chaque mois : (...) 2o S’il travaille, s’il bénéficie d’une aide aux travailleurs privés d’emploi, s’il effectue un stage de formation professionnelle ou de rééducation professionnelle, du tiers des ressources garanties résultant de sa situation ainsi que de 10 % de ses autres ressources, sans que ce minimum puisse être inférieur à 50 % du montant mensuel de l’allocation aux adultes handicapés » ; que l’article D. 344-36 du même code prévoit également que « Lorsque le pensionnaire prend régulièrement à l’extérieur de l’établissement au moins cinq des principaux repas au cours d’une semaine, 20 % du montant mensuel de l’allocation aux adultes handicapés s’ajoutent aux pourcentages mentionnés aux 1o et 2o de l’article D. 344-35. La même majoration est accordée lorsque l’établissement fonctionne comme internat de semaine. » ; que M. X... perçoit comme seuls revenus mensuels un salaire de 590,75 euros, une allocation aux adultes handicapés d’un montant de 530,67 euros, une allocation logement de 271,75 euros et 275,02 euros des produits des capitaux, soit un total de 1 668,37 euros ; que le coût de l’hébergement s’élève à 2 701,96 euros par mois ; que M. X... doit bénéficier du tiers des ressources garanties résultant de sa situation c’est-à-dire le tiers de son salaire, soit 196,91 euros ainsi que de 10 % de ses autres ressources et donc de son AAH, ce qui correspond à un montant de 53,07 euros, soit une somme globale de 249,98 euros par mois ; que la moitié du montant de l’AAH s’élevant à 388,29 euros, il convient de prendre ce montant en considération ; qu’en vertu de l’article D. 344-36 du code de l’action sociale et des familles, M. X... dispose en plus de 20 % du montant de l’AAH, soit 155,31 euros ; que les ressources à prendre en considération ne s’élèvent donc plus qu’à la somme de 1 124,77 euros avec un déficit mensuel de 1 577,19 euros ; qu’elle sollicite l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale et l’admission de M. X... à l’aide sociale à l’hébergement à compter du 1er décembre 2012 ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré le 4 avril 2014, le mémoire en défense du président du conseil général du Puy-de-Dôme tendant au rejet de la requête par les motifs qu’à la demande de renouvellement de l’aide sociale et au vu des éléments transmis par l’association tutélaire A... M. X... dispose d’un capital mobilier de 91 516 euros, composé de 636,15 euros sur le compte courant Société Générale, de 12 238,04 euros sur LEP Société Générale, de 63 124,54 euros de portefeuilles titres à la même banque et de 15 518,03 euros sur un livret A Caisse d’épargne ; que l’attribution de l’aide sociale est soumise au principe de subsidiarité de cette aide et intervient qu’en cas d’insuffisance de ressources personnelles du demandeur ; qu’au regard de la situation financière de M. X..., celui-ci ne se trouve pas en état de besoin ; que l’aide sociale est attribuée à M. X... au titre de son placement depuis le 14 décembre 1992 ; que la créance d’aide sociale est à ce jour de 221 950,20 euros mais qu’actuellement sa situation financière lui permet de payer temporairement le coût de son placement ; que l’ouverture du droit à l’aide sociale en matière de placement est soumise à l’appréciation des facultés contributives des demandeurs d’aide sociale ; que le département est soumis au principe du bon usage des deniers publics, principe que le Conseil constitutionnel a érigé en « exigence constitutionnelle » (CC no 2010-624 DC du 20 janvier 2011 Loi portant réforme de la représentation devant les cours d’appel) ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 19 juin 2015, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que la décision attaquée du président du conseil général du Puy-de-Dôme de refus de l’aide sociale à l’hébergement des adultes handicapés à M. X... en date du 16 avril 2013 a été prise au motif que « le capital mobilier détenu par l’intéressé lui permet de couvrir ses frais d’hébergement » ; que par la décision attaquée du 26 novembre 2013, la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme a confirmé cette décision pour le même motif et en outre pour le motif que « le principe du bon usage des deniers publics, auquel le département est soumis, avait été érigé en « exigence constitutionnelle » par le conseil constitutionnel (CC no 2010-624 DC du 20 janvier 2011, loi portant réforme de la représentation devant les cours d’appel) » ;
    Considérant que selon les dispositions combinées des articles L. 132-1 à 3 du code de l’action sociale et des familles et des dispositions réglementaires prises pour leur application, seuls les revenus produits par les capitaux placés peuvent être pris en compte ; que ces dispositions ouvrent droit à l’aide sociale indépendamment du montant des capitaux possédés par le demandeur d’aide ; que c’est par suite à tort que le premier juge s’est fondé sur la détention du capital et le principe de subsidiarité de l’aide sociale qui ne joue que pour autant que les dispositions applicables telles qu’interprétées par la jurisprudence du conseil d’Etat n’y font pas obstacle, pour refuser l’admission de M. X... à l’aide sociale au placement des personnes handicapées ;
    Considérant que le principe invoqué par le premier juge et le défendeur en appel du « bon usage des deniers publics » érigé en exigence constitutionnelle par la décision précitée, est inopérant dans la présente instance concernant les dispositions législatives différentes précitées, en l’absence, en toute hypothèse, de soumission au juge d’une question prioritaire de constitutionalité relative à ces dispositions présentée par mémoire distinct ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction et n’est pas contesté que, pour l’application des dispositions combinées du 2o de l’article D. 344-55 et du 1er alinéa de l’article D. 344-36 du code de l’action sociale et des familles, M. X... devait bénéficier, compte tenu de sa situation et de ses revenus à la date d’effet le 1er décembre 2012 de la décision à intervenir sur sa demande de renouvellement de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement et d’entretien au foyer F... (63), d’un minimum de revenu laissé à sa disposition de 70 % du montant mensuel de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et que, compte tenu du tarif de l’établissement applicable à cette date du 1er décembre 2012, la participation de l’aide sociale devait être fixée par déduction du montant du tarif des revenus de M. X... correspondant au minimum qu’il devait conserver ; qu’il y a lieu de renvoyer le requérant devant le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme pour liquidation de la participation de l’aide sociale au titre de décembre 2012 sur les bases ainsi déterminées ; qu’en l’état du dossier, il n’est pas contesté que pour les mois compris dans la période courant du 1er janvier 2013 à la date de la présente décision, le même minimum de revenu soit garanti à M. X... et que la liquidation de la participation de l’aide sociale doit bien intervenir sur les mêmes bases ; que toutefois, dans l’hypothèse où depuis l’introduction de la requête, la production du mémoire en défense enregistré le 4 avril 2014 se bornant à soutenir que les ressources en capital pouvaient, contrairement à ce qui vient d’être jugé, être prises en compte, des modifications de la situation du requérant au regard de sa situation professionnelle ou de la détermination, compte tenu des revenus de chaque mois de la période en cause du montant du minimum devant lui être laissé, seraient intervenues, il appartiendrait à l’administration de fixer, pour chaque période où la situation de M. X... se serait ainsi modifiée, la participation de l’aide sociale sous le contrôle en tant que de besoin du juge de l’aide sociale, rien au dossier ne permettant à la commission centrale d’aide sociale de présumer en l’état d’une telle modification en la contraignant ainsi à un supplément d’instruction complémentaire pour la faire apparaitre, le cas échéant, à la date de la présente décision... ; qu’il y a donc lieu de renvoyer M. X..., par son tuteur l’association A..., devant le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme pour qu’il soit procédé à la fixation de la participation de l’aide sociale aux dépenses d’hébergement et d’entretien de l’assisté au foyer de Cunlhat, conformément aux motifs qui précédent,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme en date du 26 novembre 2013, ensemble la décision du président du conseil général du Puy-de-Dôme du 16 avril 2013 sont annulées.
    Art. 2.  -  M. X... est admis à l’aide sociale au placement des personnes handicapées à compter du 1er décembre 2012.
    Art. 3.  -  M. X... est renvoyé devant le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme, afin que la participation de l’aide sociale à ses frais d’hébergement et d’entretien au foyer F... soit fixée, conformément aux motifs de la présente décision.
    Art. 4.  -  La présente décision sera notifiée à l’association A..., au président du conseil départemental du Puy-de-Dôme. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 19 juin 2015 où siégeaient M. LEVY, président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 19 juin 2015 à 19 heures.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet