Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

3420
 
  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Hébergement - Invalidité - Age - Conditions d’octroi - Ressources - Date d’effet
 

Dossier no 140160

Mme Y...
Séance du 19 juin 2015

Décision lue en séance publique le 19 juin 2015, à 19 heures

    Vu, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 6 janvier 2014, la requête présentée pour Mme Y..., par M. X..., son tuteur, demeurant dans le Doubs, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de Paris en date du 6 septembre 2013 rejetant sa demande dirigée contre la décision du président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général du 27 janvier 2012 en ce qu’elle refuse la prise en charge par l’aide sociale des frais d’hébergement et d’entretien de sa sœur à la résidence « R... » à Paris énième, par les moyens que le texte de cette décision comporte la phrase « il n’est aucunement produit au dossier des justificatifs de la reconnaissance d’invalidité de Mme Y... avant l’âge de 65 ans » ; que cela est inexact puisque le 22 octobre 2012 il justifiait de la reconnaissance de son invalidité en 2e catégorie, de ses droits à la prise en charge à 100 % par l’assurance maladie et du certificat médical indiquant la reconnaissance d’un handicap à 80 % depuis de nombreuses années en particulier depuis son amputation des deux mains début janvier 2004 avant qu’elle n’ait atteint l’âge de 65 ans ; que par courrier du 26 octobre 2012, il avait sollicité de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de Paris la reconnaissance d’un taux d’invalidité à 80 % ; que cette commission n’a traité le dossier que le 19 novembre 2013, soit avec plus de six mois de retard ; qu’elle a fondé son appréciation sur le contenu du certificat médical et considéré que le taux d’invalidité était supérieur à 80 % et lui a attribué une carte d’invalidité ; que ces éléments peuvent prouver que Mme Y... a été handicapée à plus de 80 % plus de 4 ans et demi avant le 11 août 2008, date à laquelle elle a eu 65 ans ; qu’il justifie de sa qualité de tuteur de sa sœur en produisant le jugement de tutelle du 26 janvier 2012 renouvelant pour une durée de 20 ans son mandat ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu enregistré le 9 octobre 2014, le mémoire en défense du président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général tendant au rejet de la requête par les motifs qu’un taux de handicap d’au moins 80 % a été reconnu à Mme Y... par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de Paris le 19 novembre 2013 à effet du 11 décembre 2012, date correspondant au dépôt de la demande auprès de la MDPH ; que l’intéressée était alors âgée de 69 ans ; que la décision de la CDAPH n’est cependant pas rétroactive à la date du mois de janvier 2004 préconisée par le médecin de l’intéressée ; que la circonstance que Mme Y... ait été titulaire d’une pension d’invalidité de 2o catégorie versée par la CRAMIF établit uniquement qu’elle était dans l’incapacité de travailler mais n’induit pas qu’elle présentait un taux de handicap égal ou supérieur à 80 % ; qu’à cet égard, il convient de préciser que seule la CDAPH est amenée à se prononcer sur le taux de handicap donnant lieu, le cas échéant, à la délivrance d’une carte d’invalidité ; qu’en l’espèce, lorsqu’elle a bénéficié de cette reconnaissance de son handicap le 19 novembre 2013, à effet rétroactif au 11 décembre 2012, Mme Y... avait plus de 65 ans ; qu’au surplus, le fait qu’elle bénéficie d’une couverture de l’intégralité de ses dépenses de santé par l’assurance maladie n’est pas caractéristique d’une reconnaissance d’un handicap quel qu’en soit le taux ; qu’il est donc exclu que la demande d’aide sociale puisse être examinée suivant les dispositions cumulées des articles L. 344-5, L. 344-5-1, L. 113-1 et D. 344-40 du code de l’action sociale et des familles réservées notamment aux personnes handicapées postulant à un hébergement en établissement pour personnes âgées ; que, quand bien même la situation de Mme Y... aurait exigé que la demande d’aide sociale soit instruite au titre de l’aide sociale aux personnes handicapées en application des textes précités, il n’en demeure pas moins que cet examen aurait été sans incidence sur le règlement du litige, dès lors que l’intéressée dispose de ressources suffisantes pour lui permettre de supporter les frais d’hébergement en établissement sans le concours de l’aide sociale, motivation qui n’est pas contestée en appel par M. X... ;
    Vu enregistré le 17 novembre 2014, le mémoire en réplique présenté par M. X..., pour Mme Y..., persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que le montant de 600,47 euros, différence entre le coût de l’hébergement et le montant des ressources, laisse supposer que la totalité de la retraite de Mme Y... sera absorbée par l’hébergement, alors qu’elle est non imposable ; que le coût de l’hébergement à l’EHPAD R... « soit un coût mensuel de 2 220,41 euros » montre l’à-peu-près, l’inexactitude, la non-pertinence des arguments produits plus haut (1 949,71 euros) et la volonté d’induire ainsi en erreur les membres de la commission par des chiffres aussi variables qu’inexacts ; qu’il est fait fi des besoins financiers autres que ceux liés à l’hébergement, tels que le besoin en habillement, menus dépenses, frais d’abonnement à deux revues, frais de voyage pour se rendre dans sa famille, cotisation d’assurance en responsabilité civile... ; que la commission a été destinataire le 22 octobre 2012 du certificat médical établi par le docteur D..., chef de l’hôpital Sainte-Anne, dans lequel en page 4 il reconnaît que « l’état de Mme X... ne s’est pas amélioré et qu’il préconise la reconnaissance d’un handicap à 80 % depuis de nombreuses années en particulier depuis son amputation des deux mains début janvier 2004 avant qu’elle ait atteint l’âge de 65 ans (...) » ; que cette amputation a été effectuée en janvier 2004 à la suite d’une tentative de suicide (elle s’est jetée sous le métro) alors qu’elle était insuffisamment ou inefficacement surveillée par l’équipe soignante ; qu’ajouté aux problèmes neuropsychologiques qu’elle avait depuis son enfance et qui se sont aggravés en 1988 entraînant une pension d’invalidité à 45 ans, la perte de ses deux mains en 2004 à l’âge de 61 ans serait donc aux yeux de la commission insuffisante pour que son état soit reconnu avant qu’elle ait l’âge de 65 ans ? ; qu’il ajoute que les services sociaux ont été particulièrement négligents, puisqu’ils ne l’ont jamais informé de l’importance de l’officialisation de la MDPH d’une reconnaissance de handicap à plus de 80 % et des avantages tant sociaux que fiscaux que cette reconnaissance procurait ; que sur la non-rétroactivité, il conçoit fort bien qu’un règlement doive être appliqué, mais une dérogation à cette disposition réglementaire reste seule la solution humaine et sociale d’autant plus que l’état de handicap de sa sœur est la conséquence de plusieurs négligences ci-dessus évoquées ; qu’elle reste très inquiète sur ses futurs moyens de vivre ; que c’est une de ses préoccupations majeures ; qu’une telle dérogation lui permettrait d’être rassurée et de ne pas tenter un autre suicide ; qu’il ajoute qu’au décès de l’intéressée, le département de Paris retrouvera l’intégralité de ses fonds puisqu’elle n’a ni ascendants vivant, ni conjoint, ni descendant ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 19 juin 2015, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur l’application de l’article L. 344-5-1 du code de l’action sociale et des familles et le régime social applicable ;
    Considérant qu’il est constant que Mme Y... ne s’est pas vu reconnaître un taux d’invalidité au moins égal à 80 % avant « l’âge mentionné au 1er alinéa de l’article L. 131-1 » mentionné au 2e alinéa de l’article précité, non plus qu’elle n’avait été antérieurement accueillie dans l’un des établissements mentionnés au 1er alinéa de cet article ; qu’ainsi - et nonobstant l’octroi antérieurement à l’âge de 65 ans d’une pension d’invalidité de 2e catégorie - le certificat médical produit par la requérante et les arguments d’ordre social et humain qu’elle invoque qui sont inopérants au regard des termes sus-rappelés de la loi, la requérante ne peut prétendre à l’application du régime d’aide sociale applicable selon celle-ci aux seules personnes handicapées admises en établissement répondant aux conditions soit, du 1er soit, du 2e alinéa de l’article L. 344-5-1 et que sont seules applicables les dispositions des articles L. 132-1 à 3 du code de l’action sociale et des familles et des décrets pris pour leur application relatives à l’aide sociale aux personnes âgées ;
    Sur les ressources à prendre en compte ;
    Considérant que le président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général relève dans son mémoire en défense que Mme Y... ne conteste pas dans sa requête d’appel, les modalités de détermination des ressources à prendre en compte (mais seulement l’application des dispositions relatives à l’aide sociale aux personnes âgées et non aux personnes handicapées) mais que dans sa réplique - 1er moyen - (2e page de la décision de la CDAS du 6 septembre 2013), Mme Y... est regardée, quelle que puisse être la pertinence des arguments qu’elle invoque et notamment de celui tiré de ce que sa pension de retraite n’est pas imposable, comme soulevant le moyen tiré de ce que c’est à tort que dans sa motivation, la commission départementale d’aide sociale a pris en compte les ressources en capital et non en revenus ;
    Considérant en premier lieu, qu’il ressort du dossier et n’est d’ailleurs pas contesté qu’à la date de la demande d’aide sociale, le différentiel entre le « plafond » de la participation de l’aide sociale constitué par le tarif de l’établissement et les ressources en revenus de la demanderesse était de 600 euros ; que pour l’application des articles L. 132-1 à 3 et des dispositions réglementaires prises pour leur application, seules doivent être prises en compte, comme il en aurait du reste été de même si avaient été applicables sur ce point les dispositions relatives à l’aide aux personnes handicapées, les ressources en revenus ; qu’il apparait du présent dossier que dorénavant le président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général et la commission départementale d’aide sociale de Paris retiennent, contrairement aux termes sus rappelés de la loi tels qu’interprétés par une jurisprudence constante du conseil d’Etat jamais remise en cause, non seulement les ressources en revenus, mais encore les ressources en capital, comme le faisaient depuis longtemps certains départements ; qu’il y a lieu, en conséquence, de réformer les décisions attaquées en ce qu’elles prennent en compte les ressources en capital de Mme Y... ;
    Considérant en second lieu, que pour déterminer le montant des revenus de l’assistée sur la base duquel est déterminé le pourcentage de revenus qui lui est laissé et en conséquence fixer la participation de l’aide sociale à la prise en charge du tarif, il appartient à l’administration de déduire préalablement des revenus de l’assisté, en premier lieu les dépenses obligatoires, en deuxième lieu les dépenses imposées par le respect de l’impératif de valeur constitutionnelle de protection du droit à la santé, en troisième lieu les dépenses qui doivent être prises en charge par le tarif de l’établissement ; que, devant le juge de première instance, Mme Y... est regardée avoir soulevé ce moyen, quelle que puisse être là encore la pertinence des arguments soulevés à son appui, dans sa demande du 22 octobre 2012 (page 1 « sur les besoins financiers de ma sœur » suivent les trois derniers paragraphes de cette page) ; que le premier juge n’a pas répondu au moyen ainsi considéré comme soulevé ; que dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, il appartient au juge d’appel de répondre aux moyens soulevés en première instance et auxquels le premier juge n’a pas répondu ; que tel est le cas de l’espèce ; qu’au nombre des dépenses mentionnées par Mme Y... et dont elle sollicite la prise en compte, relèvent seulement de la seconde des trois catégories susmentionnées, les dépenses de cotisation de mutuelle ; qu’ainsi, il y aura lieu pour l’application de la présente décision de déduire des revenus successifs de Mme Y... pendant chacune des périodes comprises entre sa date d’effet et la date à laquelle l’administration statuera sur le renvoi ordonné par son dispositif, les dépenses de cotisations dont s’agit, avant de déterminer sur le revenu « net » ainsi fixé les participations respectives de l’assistée et de l’aide sociale ; que, toutefois, rien ne s’oppose à ce que pour l’exécution de la présente décision Mme Y... fasse valoir, si elle s’y croit fondée, d’autres dépenses exposées durant les périodes en cause qui ressortiraient des trois catégories ci-dessus mentionnées, contrairement aux dépenses autres que celles de cotisations mutuelle, énoncées dans sa demande à la commission départementale d’aide sociale ;
    Considérant que le dossier ne permet pas de déterminer le début de la période d’effet, faute de quoi d’ailleurs la présente décision devrait être appliquée en prenant en compte la date même ultérieure d’entrée à l’EPHAD ; qu’il y a lieu dans ces conditions et sans qu’il soit besoin d’un supplément d’instruction sur ce point dans le cadre de la présente instance, de renvoyer à l’administration, pour l’application de cette décision, le soin de fixer sa date d’effet sous le contrôle, si besoin, de la juridiction de premier ressort de l’aide sociale ;
    Considérant, enfin, que si Mme Y... soutient que le tarif retenu dans le mémoire en défense (page 2 - Rubrique « coût de l’établissement à l’EPHAD R... Paris énième ») serait contradictoire avec celui antérieurement retenu, ce moyen manque en toute hypothèse, en fait,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de Paris en date du 6 septembre 2013, ensemble la décision du président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général en date du 27 janvier 2012 sont réformées en ce qu’elles n’admettent pas Mme Y... à l’aide sociale au titre des disposions applicables relatives à l’aide sociale aux personnes âgées.
    Art. 2.  -  Mme Y... est renvoyée devant le président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil départemental afin que sa participation à ses frais d’hébergement et d’entretien exposés à l’EHPAD « R... », à Paris énième et la participation de l’aide sociale auxdits frais soient fixées, conformément aux motifs de la présente décision.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions de la requête susvisée de Mme Y... est rejeté.
    Art. 4.  -  La présente décision sera notifiée à M. X..., au président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil départemental. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de Paris et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 19 juin 2015 où siégeaient M. LEVY, président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 19 juin 2015, à 19 heures.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet