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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Indu – Ressources – Déclaration – Compétence juridictionnelle – Précarité – Prélèvement pour répétition de l’indu – Légalité

Dossier no 130680

Mme X…

Séance du 17 avril 2015

Décision lue en séance publique le 18 juin 2015

Vu le recours formé le 18 novembre 2013 par Mme X… à l’encontre de la décision en date du 24 septembre 2013 par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Val-d’Oise a rejeté sa demande d’annulation de la décision du président du conseil général du Val-d’Oise en date du 21 avril 2010, refusant de lui accorder toute remise gracieuse sur un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant initial de 1 969,89 euros décompté au titre de la période du 1er mars 2008 au 28 février 2009, pour non déclaration de revenus salariés depuis le 21 décembre 2007 ;

Mme X… affirme avoir toujours été de bonne foi dans ses déclarations trimestrielles de ressources ; elle reconnaît effectivement avoir exercé des missions de travail ponctuelles et de courte durée en tant qu’agent de service, durant la période litigieuse, qu’elle a toujours déclarées ; elle conteste formellement le trop-perçu porté à son débit ; elle précise qu’elle ne pouvait pas se présenter à la séance en date du 22 août 2013 devant la commission départementale d’aide sociale l’invitant à établir sa situation personnelle car, sa fille étant décédée le 12 août 2013, elle a dû se rendre précipitamment en Algérie pour ses funérailles, et n’est rentrée que le 29 août 2013 ; elle se prévaut d’une situation d’extrême précarité, ne percevant qu’une retraite mensuelle d’environ 700 euros avec un loyer mensuel à hauteur de 500 euros et plusieurs factures à régler ; elle sollicite une exonération de dette ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le mémoire complémentaire et pièces de Mme X… en date du 11 février 2014 ;

Vu les pièces desquelles il ressort que Mme X… s’est acquittée de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros instituée par l’article 1635 bis Q du code général des impôts entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 17 avril 2015 Mme Fatoumata DIALLO, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant d’une part, qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles : « tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262‑11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262‑39 (…). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑3 du même code : « les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (…) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (…) et notamment les avantages en nature, ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (…) » ;

Considérant d’autre part, qu’il ressort des dispositions de l’article L. 262‑42 du code de l’action sociale et des familles que, dès qu’une demande de remise de dette est déposée et qu’un contentieux se développe, le recours est suspensif et le recouvrement doit être suspendu jusqu’à l’épuisement de la procédure devant les juridictions du fond ; que tout prélèvement pour répétition de l’indu revêt un caractère illégal ;

Considérant que le dossier ne fait pas apparaître à quelle date Mme X… est entrée dans le dispositif du revenu minimum d’insertion ; qu’il ressort des éléments fournis, qu’elle est en situation de veuvage depuis le 6 janvier 1993, avec trois enfants à charge nés en 1981, 1983 et 1988 ; que, par une notification de droits et paiements en date du 16 décembre 2009, la caisse d’allocations familiales du Val-d’Oise lui a assigné un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant initial de 1 969,89 euros pour non-déclaration de revenus salariés dans ses déclarations trimestrielles de ressources ; que, par une décision en date du 21 avril 2010, le président du conseil général du Val-d’Oise a refusé d’accorder à l’allocataire une remise gracieuse de cette dette ; que, par un courrier en date du 17 mai 2010 adressé à la commission départementale d’aide sociale du Val-d’Oise, Mme X… a sollicité une exonération de dette, affirmant que ses déclarations de ressources ont été remplies par erreur, et que sa situation financière rendait impossible le remboursement de l’indu car elle ne percevait que de faibles revenus tirés de missions ponctuelles et temporaires ; que, par une décision en date du 24 septembre 2013 dont Mme X… relève appel, la commission saisie a également rejeté son recours au motif du bien-fondé de l’indu ;

Considérant que, pour l’application des dispositions législatives et réglementaires relatives à la procédure de remise gracieuse des dettes résultant d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion, il appartient à la commission départementale d’aide sociale, en sa qualité de juridiction de plein contentieux, non seulement d’apprécier la légalité des décisions prises par le président du conseil général pour accorder ou refuser la remise gracieuse d’une dette, mais encore de se prononcer elle-même sur le bien-fondé de la demande de l’intéressée d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une ou l’autre partie à la date de sa propre décision ; qu’en l’espèce, la commission départementale d’aide sociale du Val-d’Oise ne s’est pas interrogée sur la question de savoir si la situation de précarité de l’allocataire justifiait qu’il lui soit accordé une remise de dette ; qu’il en résulte qu’elle a méconnu sa compétence et que sa décision doit, par suite, être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la requête de Mme X… ;

Considérant qu’il résulte du dossier que, si l’indu est fondé dans son principe, aucun élément ne permet d’estimer le montant des revenus effectivement perçus par Mme X… au titre de la période litigieuse, ni de s’assurer que les conditions de calcul de cet indu ont été conformes aux dispositions législatives et réglementaires applicables ; qu’il n’est pas établi que les insuffisances de déclaration de la requérante auraient résulté d’une intention frauduleuse ; que Mme X… fait valoir, pièces à l’appui, qu’elle fait face à de lourdes difficultés financières qui font obstacle au remboursement de sa dette ; qu’elle ne perçoit qu’une retraite mensuelle d’environ 700 euros avec un loyer mensuel à hauteur de 500 euros et de nombreuses dettes à s’acquitter ; qu’en conséquence, il convient d’accorder à Mme X… une remise de la totalité de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion qui lui a été assigné ;

Considérant en outre, qu’il résulte du dossier que, nonobstant le caractère suspensif conformément aux dispositions de l’article L. 262‑42 du code de l’action sociale et des familles sus-rappelé, du recours formé par Mme X…, il a été procédé sur ses prestations sociales à des prélèvements en vue du remboursement de l’indu ; que par suite, il y a lieu de procéder au remboursement intégral des montants qui auraient été illégalement récupérés,

Décide :

Art. 1er  La décision en date du 24 septembre 2013 de la commission départementale d’aide sociale du Val-d’Oise, ensemble la décision en date du 21 avril 2010 du président du conseil général du Val-d’Oise, sont annulées.

Art. 2.  Il est accordé à Mme X… une remise totale de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant initial de 1 969,89 euros, qui lui a été assigné.

Art. 3.  Il est enjoint au président du conseil départemental du Val-d’Oise de procéder au remboursement intégral des prélèvements qui auraient été illégalement opérés.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à Mme X…, au président du conseil départemental du Val-d’Oise. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 17 avril 2015 où siégeaient M. BELORGEY, président, M. CULAUD, assesseur, Mme DIALLO, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 18 juin 2015.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

M.-C. Rieubernet