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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Participation financière – Obligation alimentaire – Compétence juridictionnelle – Autorité de la chose jugée

Dossier no 140113

M. Y…

Séance du 19 mars 2015

Décision lue en séance publique le 20 mars 2015

Vu le recours formé en date du 17 février 2014 par Maître Alice POISSON en sa qualité de conseil de Mme X…, tendant à l’annulation de la décision en date du 2 décembre 2013 par laquelle la commission départementale d’aide sociale d’Eure-et-Loir a, d’une part, confirmé la décision du président du conseil général d’Eure-et-Loir en date du 4 avril 2013 d’admettre partiellement M. Y…, père de la requérante, au bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées du 25 janvier 2012 au 31 décembre 2012 selon modalités avec participation conjointe de l’obligée alimentaire fixée à 60 euros par mois, et d’autre part, infirmé la même décision à partir du 1er janvier 2013 en admettant partiellement M. Y… au bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 selon modalité, avec participation conjointe de l’obligée alimentaire fixée à 160 euros par mois.

La requérante soutient que le président du conseil général d’Eure-et-Loir et la commission départementale d’aide sociale d’Eure-et-Loir n’ont pas tenu compte de la situation réelle de la famille Y… pour prendre leur décision, que cette famille doit en effet faire face à de nombreuses charges et élever ses trois enfants avec un salaire d’environ 1 800 euros par mois alors même que les ressources de M. Y… sont supérieures à celles de sa fille alors que celui-ci n’a personne à charge et qu’il dispose en plus d’un bien immobilier mis en location lui procurant des bénéfices qui ne semblent pas avoir été pris en compte dans le calcul du montant de l’aide sociale qui lui a été accordée, que ce dernier n’a, par ailleurs, jamais porté attention à sa fille et n’a jamais contribué ni moralement ni financièrement à son éducation ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 19 mars 2015, Mme DERVIEU, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article 207 du code civil : « (…) quand le créancier aura lui-même manqué à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 132‑1 du code de l’action sociale et des familles : « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire (…) » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 132‑6 du code de l’action sociale et des familles : « Les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. (…) La proportion de l’aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l’obligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l’aide sociale d’une décision judiciaire rejetant sa demande d’aliments ou limitant l’obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l’organisme d’admission. La décision fait également l’objet d’une révision lorsque les débiteurs d’aliments ont été condamnés à verser des arrérages supérieurs à ceux qu’elle avait prévus » ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article R. 132‑9 du code de l’action sociale et des familles ainsi que des dispositions de l’article 1137 du code de procédure civile, les obligés alimentaires ont qualité pour saisir le juge aux affaires familiales par requête remise ou adressée au greffe afin que celui-ci décide de l’opportunité d’exonérer totalement les obligés alimentaires de leur obligation de secours au regard des graves manquements à leurs obligations de leurs parents, qu’en l’espèce, en appui du présent recours la requérante a fourni un jugement rendu par le juge aux affaires familiales en date du 27 mars 2014 ordonnant la décharge de Mme X… de toute obligation alimentaire envers M. Y… ; que le juge aux affaires familiales est le juge naturel de l’obligation alimentaire, que la commission centrale d’aide sociale est tenue expressément par cette décision ; qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens, que la décision de la commission départementale d’Eure-et-Loir et la décision du président du conseil général d’Eure-et-Loir ne peuvent qu’être annulées,

Décide :

Art. 1er La décision en date du 2 décembre 2013 de la commission départementale d’aide sociale d’Eure-et-Loir et la décision du président du conseil général d’Eure-et-Loir en date du 4 avril 2013 sont annulées.

Art. 2.  Mme X… est déchargée de toute obligation alimentaire envers M. Y….

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Maître Alice POISSON, à Mme X…, au président du conseil général d’Eure-et-Loir. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 19 mars 2015 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme DERVIEU, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 20 mars 2015.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

M.-C. Rieubernet