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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Indu – Ressources – Revenus des capitaux – Bien immobilier – Déclaration – Fraude – Précarité – Charges

Dossier no 130528

Mme X…

Séance du 22 janvier 2015

Décision lue en séance publique le 6 mars 2015

Vu le recours en date du 30 septembre 2011 formé par Mme X… qui demande l’annulation de la décision en date du 29 juin 2011 par laquelle la commission départementale d’aide sociale d’Indre-et-Loire a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général d’Indre-et-Loire du 17 mars 2009, qui a refusé toute remise gracieuse sur un indu de 11 714,11 euros, résultant d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion couvrant la période de septembre 2002 à février 2004 et de juin 2004 à août 2006 ;

La requérante conteste une partie de l’indu ; elle a un enfant à charge et souffre d’une affection de longue durée la contraignant à un suivi médical régulier ; elle fait valoir que ses économies constituaient son seul revenu pour assurer sa formation et mettre en place son activité artisanale indépendante, et que la précarité de sa situation justifie qu’il lui soit accordé une remise significative ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense présenté par le président du conseil général d’Indre-et-Loire en date du 10 septembre 2013, qui conclut comme étant infondée la requête aux motifs :

1o) que sur les périodes allant de septembre 2002 à février 2004 et de juin 2004 à août 2006, Mme X… a perçu le revenu minimum d’insertion alors qu’elle possédait des capitaux placés qui n’ont pas été mentionnés sur ses déclarations trimestrielles de ressources ;

2o) qu’elle percevait des revenus salariés, non déclarés, constituant l’indu ;

3o) que la bonne foi de Mme X… est contestable au regard de son recours mentionnant l’absence d’une case, dans les déclarations trimestrielles de ressources, pour inscrire les revenus de capitaux placés ; qu’il « ressort que la liste énumérée pour la case “autres revenus” n’est ni exhaustive ni limitative, et qu’ainsi le bénéficiaire peut déclarer l’ensemble de ses revenus » ;

4o) qu’il y a absence de précarité de Mme X… au regard de l’achat de son bien immobilier situé en Indre-et-Loire ;

5o) que le 24 juillet 2012, le département d’Indre-et-Loire a déposé plainte contre Mme X… pour des faits d’escroquerie et de fausse déclaration ;

Vu le mémoire en date du 3 novembre 2013 de Mme X… ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celle d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informée de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 22 janvier 2015, Mme N’HARI, rapporteure, Mme X… en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262‑11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262‑39 (…). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (…) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toute les personnes composant le foyer, tel qu’il est défini à l’article R. 262‑1 (…) » ;

Considérant qu’en vertu de l’article L. 262‑41 in fine du code de l’action sociale et des familles modifié par la loi no 2004‑809 du 13 août 2004  art.58 (V) JORF du 17 août 2004 en vigueur le 1er janvier 2005 : « (…) En cas de précarité de la situation du débiteur, la créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général » ; qu’aux termes de l’article L. 262‑41 in fine du code de l’action sociale et des familles en vigueur au 25 mars 2006 : « (…) La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ;

Considérant que Mme X… a été admise au bénéfice du droit au revenu minimum d’insertion en septembre 2002 au titre d’une personne seule avec un enfant à charge ; que, comme suite à une régularisation de dossier, il a été constaté qu’elle avait, depuis juin 2003, des capitaux placés sur trois comptes différents et qu’elle percevait des revenus liés à ces placements ; que Mme X… n’a pas déclaré le placement des capitaux ainsi que la perception de revenus liés à ces placements ; que, par suite, par décision en date du 25 septembre 2008, la caisse d’allocations familiales agissant sur délégation du président du conseil général d’Indre-et-Loire lui a assigné un indu de 11 714,11 euros, à raison de montants d’allocations de revenu minimum d’insertion indûment perçus pour la période de septembre 2002 à février 2004 et de juin 2004 à août 2006 en recalculant les revenus des capitaux détenus au taux de 0,75 % par trimestre ; que, par ailleurs, le président du conseil général a déposé plainte contre Mme X… pour des faits d’escroquerie et de fausse déclaration mais que l’affaire est en cours d’instruction auprès du procureur de la République, et qu’il n’y a pas encore été statué ;

Considérant que le président du conseil général, par décision en date du 17 mars 2009, a refusé toute remise gracieuse ; que, saisie d’un recours contre cette décision, la commission départementale d’aide sociale d’Indre-et-Loire, par décision en date du 29 juin 2011, l’a rejeté au motif que : « Mlle X… avait des capitaux placés qu’elle n’a pas déclarés sur ses déclarations trimestrielles de ressources » ;

Considérant que, pour l’application des dispositions précitées relatives à la procédure de remise gracieuse résultant de paiement d’indu d’allocations de revenu minimum, il appartient à la commission départementale d’aide sociale en sa qualité de juridiction de plein contentieux, non seulement d’apprécier la légalité des décisions prises par le président du conseil général, mais encore de se prononcer elle-même sur le bien-fondé de la demande de l’intéressée d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une ou l’autre partie à la date de sa propre décision ; que la commission départementale d’aide sociale d’Indre-et-Loire a rejeté le recours de Mme X… au motif du bien-fondé de l’indu, sans répondre au moyen tiré par la requérante de sa situation de précarité ; qu’ainsi, elle a méconnu sa compétence et que sa décision doit, par suite, être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;

Considérant que Mme X… ne conteste pas l’indu, mais en demande une remise ; elle fait valoir que, sauf au cours de la dernière année du litige, elle ne disposait pas d’information lui permettant de remplir les déclarations trimestrielles de ressources des revenus des capitaux placés ; que la période litigieuse porte majoritairement sur la période antérieure à mars 2006 ; qu’ainsi, les dispositions précitées de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles applicables avant l’intervention de la loi du 23 mars 2006 ne font pas, en toute hypothèse, obstacle à ce qu’il en soit accordé une remise gracieuse ;

Considérant que Mme X… exerce une activité artisanale en tant que travailleur indépendant dans laquelle elle a investi les capitaux dont elle disposait antérieurement ; qu’elle fait état de revenus variables et modestes (déficit de 2007 à 2010 de 4 000 euros, déficit en 2014 de 800 euros), d’une situation professionnelle précaire ne lui permettant pas de disposer de ressources suffisantes pour le moment ; qu’elle a un enfant de 14 ans à charge ; qu’ainsi, ses capacités contributives sont limitées et le remboursement de la totalité de l’indu ferait peser de graves menaces de déséquilibre sur son budget ; que, dès lors, il sera fait une juste appréciation de la situation en limitant l’indu laissé à la charge de Mme X… à la somme de 2 000 euros,

Décide

Art. 1er La décision en date du 29 juin 2011, la commission départementale d’aide sociale d’Indre-et-Loire, ensemble la décision du président du conseil général d’Indre-et-Loire du 17 mars 2009, sont annulées.

Art. 2.  L’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion laissé à la charge de Mme X… est limité à la somme de 2 000 euros.

Art. 3.  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à MmeX…, au président du conseil général d’Indre-et-Loire. Copie en sera adressée au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 22 janvier 2015 où siégeaient M. BELORGEY, président, M. CULAUD, assesseur, Mme N’HARI, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 6 mars 2015.

La République mande et ordonne au ministre en charge de l’aide sociale, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine Rieubernet