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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Ressources – Capitaux placés

Dossier no 140300

Mme X…

Séance du 11 janvier 2016

Décision lue en séance publique le 11 janvier 2016

Vu le recours formé le 2 mai 2014 par l’union départementale des associations familiales de la Dordogne, représentant les intérêts de Mme X…, tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne réunie le 20 mars 2014 ayant rejeté son recours contre la décision du président du conseil général du 30 septembre 2013 rejetant l’aide sociale à l’hébergement de la bénéficiaire compte tenu du caractère subsidiaire de l’aide sociale et des éléments relatifs au capital détenu par Mme X… ;

La requérante soutient que, conformément à l’article L. 132‑1 du code de l’action sociale et des familles, il ne peut être opposé à Mme X… la possession de capitaux placés dès lors que les intérêts perçus ajoutés aux ressources courantes du bénéficiaire, ne couvrent pas la totalité des frais liés à l’hébergement ; que, conformément à la jurisprudence constante de la commission centrale d’aide sociale et notamment la décision du 25 juin 2010, le principe de subsidiarité de l’aide sociale ne peut être retenu ; que la prise en charge d’aide sociale doit être accordée à compter du 1er avril 2014 ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, reçu le 30 juillet 2014, le courrier de Maître Guillaume DEGLANE saisi par l’union départementale des associations familiales de la Dordogne pour intervenir dans le cadre du litige opposant Mme X… au conseil général ; qu’il demande un délai complémentaire à la commission centrale d’aide sociale pour prendre connaissance du dossier et établir un mémoire en réponse ;

Vu, envoyé le 4 août 2014, le courrier du greffe de la commission centrale d’aide sociale communiquant à Maître Guillaume DEGLANE le mémoire en défense et les pièces complémentaires du mémoire du président du conseil départemental (courrier n’ayant pas eu de réponse) et prolongeant la période d’observations au 30 septembre 2014 ;

Vu, reçu le 29 décembre 2015, le mémoire de Maître Guillaume DEGLANE ; qu’il indique que le président du conseil général et la commission départementale de la Dordogne ont méconnu les dispositions des articles L. 132‑3 et R132‑1 du code de l’action sociale et des familles, en rejetant la demande d’aide sociale présentée par l’union départementale des associations familiales pour le compte de Mme X… à compter du 1er avril 2013 ; que la pratique du conseil général consistant à laisser au postulant à l’aide sociale une somme de 5 000 euros pour faire face à ses obsèques est incompatible avec les dispositions susvisées ; que la jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale a rappelé que pour l’appréciation des ressources de l’intéressé, il y a lieu de prendre en compte les revenus du capital placé et non le capital lui-même (décision 16 novembre 2001, no 2002‑02) ; qu’est injustifiée la décision refusant d’accorder le bénéfice de l’aide sociale à une personne âgée en précisant qu’une nouvelle demande pourra être déposée après épuisement du capital détenu par celle-ci (décision 27 mars 2000, CJAS no 2000/05) ; que par décision du 14 mai 2009, la commission centrale d’aide sociale a rappelé que le principe de subsidiarité ne saurait aller à l’encontre des dispositions de nature législative, interprétées par le juge, des articles L. 132‑1 et suivants du code de l’action sociale et des familles ; que selon les décisions des 23 mai 2014 et 3 avril 2015, la commission centrale d’aide sociale a sanctionné la pratique consistant à prendre en considération l’intégralité des capitaux détenus par un postulant à l’aide sociale ; que Mme X… possède 885,98 euros de ressources mensuelles pour un coût d’hébergement de 1 473,74 euros, résultant un découvert de 587,76 euros auquel il convient de déduire une mutuelle et les frais de tutelle pour 69,56 euros par mois ; que Mme X… est bien admissible au titre de l’aide sociale concernant ses frais d’hébergement en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ; qu’il ne faut pas tenir compte des capitaux placés pour apprécier la demande d’aide sociale et que l’octroi de l’aide sociale n’a pas pour conséquence de permettre à Mme X… de se constituer une épargne ; qu’il est pas interdit pour le conseil général de prendre des garanties pour obtenir le remboursement de ces sommes ; qu’à ce titre, s’il est prévu une hypothèque légale à l’article L. 132‑9 du code susvisé sur les immeubles appartenant au bénéficiaire de l’aide sociale, s’agissant des recours prévus à l’article L. 132‑8, rien n’empêche au département d’obtenir d’autres suretés tels que des nantissements conventionnels ; que le fait qu’une personne admise à l’aide sociale dispose de capitaux placés permet justement au département ou à l’Etat d’exercer les recours prévus à l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles ; qu’enfin, Mme X… a déposé un dossier d’aide juridictionnelle ; que compte tenu de la modicité de ses ressources en deçà du plafond fixé par décret pour l’obtention de l’aide juridictionnelle totale, cette dernière bénéficiera de l’aide étatique à 100 % ; que l’erreur de droit commise par le président du conseil général de la Dordogne et la commission départementale d’aide sociale contraignent l’union des associations des affaires familiales à saisir la juridiction de céans ; que la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès doit être condamnée à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l’aide aurait exposé s’il n’avait pas eu cette aide ; que la somme doit correspondre à l’ensemble de la défense de l’intéressée et ne doit pas se limiter à l’indemnisation forfaitaire prévue dans le cadre de l’aide juridictionnelle ; que Mme X… aurait exposé des frais irrépétibles d’un montant de 1 200 euros TTC outre les frais de cabinet, qu’il aurait été inéquitable de laisser à sa charge ; qu’il sera donné acte à Maitre DEGLANE de ce qu’il s’engage à renoncer aux bénéfices de l’aide juridictionnelle […] si dans le délai de douze mois à compter de la délivrance de l’attestation de fin de mission, il parvient à récupérer auprès du conseil général la somme allouée au titre des textes précités ;

Vu, enregistré le 22 juillet 2014, le mémoire en défense du président du conseil général de la Dordogne tendant au rejet du recours formé par l’union départementale des associations familiales aux motifs que Mme X… dispose de ressources mensuelles de 852,94 euros, y compris les intérêts des capitaux décès, desquels il convient de soustraire 94 euros d’argent de poche et d’ajouter 179 euros d’allocation logement, soit un disponible de 938,85 euros ; que le coût mensuel de l’hébergement s’élève à 1 457,89 euros et qu’il reste à recouvrir 519,04 euros ; que Mme X… détient des capitaux placés déclarés de 30 292,16 euros ; qu’elle n’est manifestement pas en état de besoin et peut acquitter ses frais d’hébergement sans avoir recours à la solidarité collective ; qu’aux termes de l’article L. 121‑1 du code de l’action sociale et des familles, le président du conseil général a la compétence d’attribution des aides financières ; qu’il ne peut engager les finances du département en accordant une aide sociale injustifiée ; qu’en application des articles L. 132‑1 et R. 132‑1 du code de l’action sociale et des familles « il est tenu compte pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres, de la valeur en capital des bien non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie règlementaire » ; que pour être admise à l’aide sociale, une personne âgée doit être privée de ressources suffisantes et de créances alimentaires ; que l’aide sociale est un droit subsidiaire, la prise en charge par la collectivité n’intervient qu’à défaut de ressources du bénéficiaire ou de droits de ce dernier à tout autre type de solidarité, dès lors la collectivité n’accorde son financement qu’après avoir pris l’exacte mesure des ressources du demandeur ; que la décision de rejet confirmée par la commission départementale d’aide sociale a fait l’objet d’une juste appréciation de la situation financière du demandeur ; que Mme X… détient des capitaux qui, au regard des justificatifs de relevés des placements divergent mais révèlent une réelle capacité de paiement des frais d’hébergement durant trois ans minimum sans altérer le capital décès (si l’on considère qu’il manque 520 euros par mois soit 6 240 euros par an) ; que si le demandeur n’a pas d’obligé alimentaire, il dispose en plus des capitaux sus énoncés d’une assurance vie dont le bénéficiaire n’est assurément pas la collectivité ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 11 janvier 2016, Mme GOMERIEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes des articles L. 113‑1, L. 132‑3, R. 132‑1 et R. 231‑6 du code de l’action sociale et des familles toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d’une aide à domicile, soit d’un placement chez des particuliers ou dans un établissement ; que pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, les biens non productifs de revenu, à l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ; que les ressources de quelque nature qu’elles soient à l’exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l’aide aux personnes âgées ou de l’aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d’hébergement et d’entretien dans la limite de 90 % ; qu’aux termes de l’article L. 132‑1 du code de l’action sociale et des familles : « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenus qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire » ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu tenir compte, pour apprécier les ressources des personnes demandant l’aide sociale, des seuls revenus périodiques, tirés notamment d’une activité professionnelle, du bénéfice d’allocations de sécurité sociale ou d’aide sociale et des revenus des capitaux mobiliers et immobiliers ; qu’à défaut de placement de ces derniers, dès lors qu’il ne s’agit pas de l’immeuble servant d’usage principal d’habitation, il a prévu d’évaluer fictivement les revenus que le placement de ces capitaux serait susceptible de procurer au demandeur ; qu’en tout état de cause, il a écarté la prise en compte du montant des capitaux eux-mêmes dans l’estimation de ces ressources ;

Considérant qu’il ressort de l’instruction du dossier que Mme X…, célibataire sans enfant, est entrée en EHPAD le 1er septembre 2009 ; que le 23 septembre 2013, l’union départementale des associations familiales de la Dordogne a déposé, dans l’intérêt de sa protégée, une demande d’aide sociale aux personnes âgées pour les frais d’hébergement en EHPAD ; que cette demande a été rejetée par décision du 30 septembre 2013 aux motifs que « les ressources y compris les capitaux placés de Mme X… lui permettent d’acquitter ses frais de séjour sans recourir à l’aide sociale qui présente un caractère subsidiaire » ; que par décision du 20 mars 2014, la commission départementale d’aide sociale a rejeté le recours formé par l’union départementale des associations familiales et confirmé la décision de rejet du président du conseil départemental du 30 septembre 2013 ;

Considérant que les ressources de Mme X… s’élèvent à 852,94 euros mensuels, y compris les revenus de capitaux placés, dont 94 euros d’argent de poche ; qu’elle perçoit en plus 179 euros d’allocation logement, soit en tout 938,85 euros mensuels ; que le coût de l’hébergement s’avère supérieur puisqu’il s’élève à 1 457,89 euros et qu’il reste à couvrir 519,04 euros ; que, bien que Mme X… dispose de capitaux placés déclarés de 30 292,16 euros, seuls les intérêts que ces capitaux produisent ou seraient susceptibles de produire, peuvent être pris en compte, ce qui ne lui permet pas de régler ces frais d’hébergement ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler ensemble la décision du président du conseil général de la Dordogne du 30 septembre 2013 et la décision de la commission départementale de la Dordogne en date du 20 mars 2014 et d’admettre Mme X… au bénéfice de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement en EHPAD à compter du 1er avril 2013,

Décide

Art. 1er Ensemble sont annulées les décisions du président du conseil général de la Dordogne du 30 septembre 2013 et de la commission départementale de la Dordogne du 20 mars 2014.

Art. 2.  Mme X… est admise au bénéfice de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement en EHPAD à compter du 1er avril 2013 et l’union départementale des associations familiales de la Dordogne et Maitre DEGLANE sont renvoyés devant le président du conseil départemental de la Dordogne pour liquidation de ses droits.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Maître Guillaume DEGLANE, à l’union départementale des associations familiales de la Dordogne, au président du conseil départemental de la Dordogne. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 11 janvier 2016 où siégeaient M. BELORGEY, président, M. MATH, assesseur, Mme GOMERIEL, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 11 janvier 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine. Rieubernet