3420

Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH)

Placement en établissement

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) – Placement – Foyer – Participation financière – Recours – Recevabilité – Compétence – Délégation – Conseil d’Etat

Dossier no 130468

Mme Y…

Séance du 12 décembre 2014

Décision lue en séance publique le 12 décembre 2014 à 13 h 30

Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 10 juillet 2013, la requête présentée par le président du conseil général de la Marne tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Marne en date du, selon les mentions alternatives de ladite décision… !, 4 mars 2013 (cf. dispositif, dernier paragraphe) ou du 10 avril 2013 (cf. mention en tête de la décision… !) annulant à la demande des consorts Y…, enregistrée le 4 avril 2012, sa décision du 21 février 2012 rejetant la demande du 27 septembre 2011 de Mme Y… de prise en charge par l’aide sociale de ses frais d’hébergement au foyer F… (Belgique) et rejeter la demande formulée devant la commission départementale d’aide sociale par les moyens que la demande du 27 septembre 2011 portait sur une période courant mai 2012, date programmée d’entrée en établissement ; que la demande a été rejetée au motif que lors de l’établissement du plan de compensation devant la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ce choix n’avait pas été formulé ; qu’après l’ajournement de deux inscriptions au rôle, la commission départementale d’aide sociale ne s’est prononcée que par jugement du 10 avril 2013 ; que Mme Y… est accueillie au titre de l’amendement Creton à l’institut médico-éducatif (IME) en semi-internat et effectue des séjours temporaires au foyer de jour F…, bénéficiant pour ces deux prises en charge d’une admission à l’aide sociale jusqu’au 31 mai 2012 ; que la décision du 21 février 2012 invitait Mme Y… à saisir la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) si sa demande avait évolué, ce qui n’a pas été fait, non plus qu’une saisine du conseil général pour le renouvellement des prises en charge à l’IME et au foyer de jour, alors même qu’elle était toujours accueillie à l’IME I… et que des séjours temporaires étaient prévus après les vacances d’été au foyer de jour l’Alizée sans prise en charge financière par le département faute de démarches effectuées, Mme Y… se fondant sur les termes de la décision rectificative de la CDAPH du 2 août 2011 désignant le foyer de vie F… ; qu’à la suite de l’audience non suivie de décision de la commission départementale d’aide sociale du 7 octobre 2012, il a été décidé que Mme Y…, mère, prendrait contact avec la MDPH pour formulation du nouveau projet de vie de sa fille, transmis à la MDPH le 19 octobre 2012 en même temps que la demande de renouvellement de l’orientation adulte ; qu’à l’audience de renvoi du 19 décembre 2012, le conseil général a expliqué qu’il n’avait pas eu le temps d’étudier le nouveau projet de vie reçu le 17 décembre 2012 et a relevé que les démarches de prise en charge au titre de l’amendement Creton tant à la MDPH qu’au conseil général étaient nécessaires pour la prise en charge financière à l’IME ; qu’une demande complémentaire de renouvellement à ce titre du 1er juin 2012 au 31 mai 2013 n’est parvenue à la MDPH que le 26 décembre 2012 ; que le dossier de renouvellement de la prise en charge financière par le conseil général de l’accueil de jour à l’IME I… à compter du 1er juin 2012 a été déposé le 27 décembre 2012 ; que les deux moyens du premier juge tirés de la notification produite par la MDPH (notification rectificative du 2 août 2011) et des caractéristiques de foyer de vie « F… » ne sont pas fondés ; que la commission départementale d’aide sociale a fait une lecture particulièrement restrictive des dispositions de l’article L. 241‑8 du code de l’action sociale et des familles qui prévoit que les décisions de la CDAPH s’imposent au président du conseil général sous réserve notamment des conditions administratives de prise en charge ; que par-delà cette réserve il convient de contester la version de la notification de décision retenue par la commission départementale d’aide sociale ; que celle-ci a traité la demande d’orientation avec une grande confusion ; qu’il n’en demeure pas moins que la notification de la décision définitive en faveur de Mme Y… ne précise pas l’établissement belge demandé par la famille ; que l’orientation a fait l’objet de quatre notifications de décision du 12 juin 2008, du 30 juin 2008, du 2 août 2011 et du 22 novembre 2011 ; que la commission départementale d’aide sociale s’est prononcée1 au vu de la seule notification du 2 août 2011 intervenue par modification des services administratifs de la MDPH à la demande de la famille de Mme Y… sans formulation de changement de projet de vie de cette dernière et sans examen de la CDAPH, ce pourquoi l’erreur a été corrigée en annulant la notification le 22 novembre 2011 ne précisant aucun foyer de vie en particulier qui s’imposait au président du conseil général à la date de la décision de rejet ; que, s’agissant de l’exception liée aux conditions administratives de prise en charge, aucune disposition applicable à l’aide sociale à la différence de la sécurité sociale n’organise la possibilité de prise en charge hors de France ; que seuls les établissements des articles L. 312‑1 7o et R. 313‑6 peuvent bénéficier d’un financement par l’aide sociale ; que la prise en charge des personnes handicapées hors de France est l’objet d’un vide juridique de la législation française comme des règlements européens et des conventions bilatérales entre la France et un Etat de l’Union européenne ; que la commission centrale d’aide sociale a rappelé que le conseil général n’était dans ces conditions lié par aucun texte dans une décision du 27 novembre 2008 ; qu’en outre l’aide sociale ne peut intervenir qu’auprès d’établissements habilités au sens de l’article L. 313‑6 du code de l’action sociale et des familles ; que, s’agissant de la Belgique, les diligences entreprises depuis 1994 par les pouvoirs publics français conduisant notamment à des rapports de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et à un rapport parlementaire n’ont conduit, s’agissant de l’aide sociale, à aucune organisation similaire à celle prévue par la règlementation pour l’assurance maladie ; qu’en 2004, en réponse à question écrite, le ministre a indiqué que les placements à l’étranger devaient demeurer exceptionnels ; qu’en cet état, la prise en charge ne peut relever que de l’aide sociale « extra-légale » ou « supplémentaire » mise en place, le cas échéant, par une collectivité d’aide sociale et s’imposant seule alors au président du conseil général ; que, s’agissant du département de la Marne, un dispositif conventionnel supplémentaire aux obligations légales et réglementaires prévues au code de l’action sociale et des familles a été adopté par délibération du 19 janvier 2012 modifiant le règlement départemental d’aide sociale (RDAS) de la Marne ; qu’à la date du dépôt de la demande de Mme Y…, aucun dispositif n’existait mais qu’il a été appliqué à la date de la décision ; que la prise en charge financière n’est dorénavant prévue par le RDAS qu’au titre des établissements avec lesquels le département a conclu une convention-cadre et que les demandes d’accueil dans un établissement ainsi conventionné doivent être examinées compte tenu du projet de vie, du projet d’établissement hors de France et de l’absence, localement, d’une offre adaptée à la situation personnelle du demandeur, des dérogations ne pouvant être accordées que dans la limite des places conventionnées ce qui permet d’assurer la garantie des prestations, mais ne créé pas d’obligation pour le conseil général pour financer tout accueil à l’étranger ; que tant au regard du projet de vie qu’elle avait exprimé, que de l’absence de solutions marnaises ou françaises, Mme Y… ne remplissait pas les conditions d’une prise en charge en Belgique ; que, conformément à l’article L. 241‑6 III, le choix de l’établissement F… aurait dû faire l’objet d’un nouvel examen du dossier par la CDAPH et donc d’une décision ; qu’ainsi la notification du 2 août 2011, intervenue en l’absence de toute décision, doit être regardée comme nulle et non créatrice de droit ; que le projet de vie de Mme Y… avait été exprimé par courrier du 15 juillet 2008 pour l’entrée au foyer de jour F… et n’avait pas été révisé, ce pourquoi la commission départementale d’aide sociale avait souhaité lors de l’audience du 17 octobre 2012 qu’il le soit en préconisant également que soient effectuées les démarches nécessaires pour la prise en charge au titre du maintien « Creton », Mme Y… étant toujours accueillie à l’IME I… mais sans prise en charge, faute de démarches administratives effectuées par la famille ; qu’aucune des deux notifications de la CDAPH des 27 novembre 2012 et 19 décembre 2012 n’a spécifié l’établissement belge F… ; qu’a aucun moment, une prise de contact entre la MDPH et la famille Y… n’a été possible contrairement aux dispositions de l’article L. 146‑3 § 2 ; que la demande de Mme Y… s’appuie uniquement sur un stage réalisé en décembre 2009, alors qu’il n’est pas acquis que celle-ci s’intègre de la même façon compte tenu du développement de la structure depuis et de son environnement ; que le conseil général n’était et n’est toujours pas conventionné avec l’établissement F… tel que le prévoit le nouvel article II-25 21 du RDAS ; que la commission départementale d’aide sociale n’a manifestement pas apprécié la situation personnelle de Mme Y… et la qualité de l’offre locale sur le territoire français ; que l’appréciation de la commission départementale d’aide sociale de l’incompatibilité entre les besoins de Mme Y… et la prise en charge au foyer J… (Marne) a été réalisée uniquement à la lecture des productions de la demanderesse sans recourir à l’évaluation d’un expert possible selon l’article R. 134‑12 ; que le foyer de vie J…, à la différence de la plupart de ceux de la sorte, bénéficiait bien d’une infirmière à ¾ temps alors, au demeurant, que de manière paradoxale la commission départementale d’aide sociale a fait référence aux « besoins et aspirations » de Mme Y… « dont l’état de santé ne nécessite pas de prise en charge ou suivi médical particulier » ; que le foyer a fait évoluer son projet pour accueillir un plus grand nombre de jeunes adultes handicapés ; que cette évolution comporte la création de 17 nouvelles places par le même gestionnaire au foyer d’accueil spécialisé « A… » pour recevoir les personnes handicapées vieillissantes ; que la visite en février 2013 par Mme Y… et sa famille a fait apparaitre l’adaptation de la structure au projet et aux besoins de l’assistée, compromise par le comportement et les exigences de la famille ; que Mme Y… qui envisageait d’intégrer « A… » dans l’Aube en juin 2013 est revenue sur cette position à réception du jugement de la commission départementale d’aide sociale attaqué ; que le dit jugement est entaché de « quatre erreurs de forme » s’ajoutant à celle déjà relevée ; que d’abord, la commission départementale d’aide sociale n’était pas compétente pour reconnaître à l’établissement belge Institut F… le statut de « foyer de vie » qui ne peut être retenu qu’à la suite d’une étude approfondie par le président du conseil général, actuellement en cours sans que l’institut n’ait encore accepté la proposition de convention formulée par le conseil général ; qu’ensuite, la commission départementale d’aide sociale n’a indiqué aucune durée de validité de sa décision, laquelle ne saurait avoir une validité permanente sans date de terme, alors que la notification de la décision de la CDAPH prenait fin au 31 décembre 2012 ; qu’encore le jugement ne prévoit aucune modalité de calcul de la participation de l’assistée en n’assumant pas la responsabilité du juge à ce titre ; qu’enfin l’article L. 345‑5 invoqué est « inexistant »2 ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré le 23 septembre 2013, le mémoire présenté pour les consorts Y…, par Maître LUDOT, avocat, tendant au rejet de la requête par les motifs que le président du conseil général de la Marne ne justifie pas d’une délégation lui permettant d’agir en justice au nom et pour le compte du département et que M. C…, signataire de la requête, ne justifiait nullement d’une sous délégation que lui aurait consenti le président du conseil général ; que par application de l’article 122 du code de procédure civile applicable dans les faits de l’espèce, le recours est irrecevable ; qu’il y a lieu d’émettre les plus expresses réserves de la recevabilité de l’appel quant à son éventuelle tardiveté ;

Vu, enregistré le 14 novembre 2013, le mémoire en réplique du président du conseil général de la Marne persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que les articles L. 3221‑1 et L. 3221‑10‑1 du code général des collectivités territoriales fondent la compétence du président du conseil général qui a bénéficié lors de la réunion du conseil général du 19 mai 2011 d’une délégation générale afin de lui permettre d’ester en justice ; que, s’agissant de la délégation du Directeur général des services, le défendeur confond délégation de pouvoir ou de compétence avec la délégation de signature ; que, s’agissant de cette dernière, elle doit, d’une part avoir été prévue par une disposition législative ou réglementaire, d’autre part être expresse ; que tel est le cas compte tenu des dispositions de l’article L. 3221‑3 alinéa 3 du CGCT et de l’arrêté du 1er avril 2011 dûment publié dans le recueil des actes administratifs du département qui prévoit deux exceptions seulement non applicables en l’espèce ; que l’appel a été envoyé en recommandé avec accusé de réception le 5 juillet 2013, alors que la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Marne a été notifiée le 6 mai 2013, le délai d’appel a donc été respecté ;

Vu, enregistré le 4 décembre 2013, le mémoire en duplique présenté pour les consorts Y…, par Maître LUDOT, avocat, persistant dans leurs précédentes conclusions par les mêmes motifs et les motifs que les pièces produites ne permettent pas de régulariser l’irrecevabilité tenant à l’absence de qualité du signataire de la requête ; qu’on ignore si l’arrêté produit pour justifier la subdélégation à M. C… est postérieur ou antérieur à la délégation de pouvoir donnée par le conseil général au président du conseil général du 19 mai 2011 ; que les autres pièces sont sans intérêt ; que les pièces produites ne peuvent ainsi, en aucun cas, permettre de régulariser l’irrecevabilité ; que de manière surabondante, le président du conseil général ne déclare nullement agir au nom et pour le compte du département et ne fait état en aucune façon d’une éventuelle délégation ; qu’il agit dans le cadre de ce qu’il pense être ses pouvoirs propres indépendamment de ceux du conseil général, aucune délégation n’étant visée ;

Vu, enregistré le 21 janvier 2014, le nouveau mémoire du président du conseil général de la Marne persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu, enregistré le 1er septembre 2014, la production par Maître LUDOT du jugement du juge des tutelles du tribunal d’instance de Reims du 17 octobre 2013 désignant M. et Mme Y… cotuteurs de leur fille, Mme Y… ;

Vu, enregistrée le 8 septembre 2014, la transmission par le préfet de la Marne de la décision du président du conseil général du 13 décembre 2013 portant admission au titre de l’article II-25 21 pour la prise en charge à l’institut l’Albatros F… (Belgique) du 11 juin 2013 au 31 décembre 2017 ;

Vu, enregistré le 29 septembre 2014, le mémoire du président du conseil général de la Marne en réponse à supplément d’instruction du 12 août 2014 et les pièces produites en indiquant :

que M. B… a été réélu en qualité de président du conseil général de la Marne le 31 mars 2011 en renouvelant la délégation de compétentes par arrêté du 1er avril 2011 ;

que sont jointes les différentes prises en charge par l’aide sociale du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2017, notamment la décision d’admission à titre dérogatoire, en vertu de l’article II 25 21 du règlement départemental d’aide sociale, du 11 juin 2013 au 31 décembre 2017 au foyer F…, Belgique ;

qu’il n’est pas en mesure en tant que partie de répondre au point d du supplément d’instruction, ni de demander des explications auprès du premier juge ;

qu’il n’est pas, à ce jour, informé d’une mesure de protection de Mme Y… qui a signé personnellement son projet de vie ;

qu’il a exécuté la décision attaquée par une décision de prise en charge ; que cependant, même si, par principe, la décision est exécutoire et que l’appel n’est pas suspensif, le contenu de la décision la rendait difficilement applicable et aurait justifié, s’il n’y avait pas eu appel, une procédure à interprétation ; que tout en reconnaissant la force exécutoire, cette décision est de fait caduque à la date d’entrée de Mme Y… au foyer F… le 11 juin 2013 ;

Vu, enregistré le 27 octobre 2014, le nouveau mémoire présenté pour les consorts Y…, par Maître LUDOT, persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et les motifs que le conseil général a produit différentes pièces mettant en évidence l’existence d’une délégation de pouvoir qu’aurait consenti le président du conseil général à M. C…, délégation non datée prévoyant l’abrogation d’une précédente délégation en date du 21 mars 2008 ; que cette délégation est faite par le président du conseil général dans le cadre de ses attributions strictement liées à la présidence dudit conseil et non des délégations au nom et pour le compte du conseil général à proprement dit ; que cette délégation n’a pas de date certaine et ne figure pas au rang du recueil des actes administratifs portant un numéro, une pagination, une référence ; que l’argumentation du mémoire en date du 23 septembre 2014 portant que la décision rendue par la commission départementale d’aide sociale est exécutoire mais que l’appel n’est pas suspensif et qu’en référer autrement aurait contraint le conseil général à une procédure en interprétation, s’avère difficilement compréhensible ; que le conseil général a exécuté spontanément, sans aucune condition, la décision rendue ; que cette exécution vaut acquiescement et que l’appel est par conséquent doublement irrecevable : que Mme D…, signataire du mémoire, ne justifie pas d’une délégation de pouvoir ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 12 décembre 2014, Mme ERDMANN, rapporteure, les consorts Y…, en leurs observations et Maître LUDOT, en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant que postérieurement à la date d’entrée en vigueur du jugement du juge des tutelles du tribunal d’instance de Reims du 17 octobre 2013 produit en cours d’instance, Mme Y… est représentée par ses cotuteurs, les consorts Y…, ses parents ; que pour autant, sa demande à la commission départementale d’aide sociale était recevable ;

Sur la recevabilité de l’appel ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 134‑10 du code l’action sociale et des familles : « Les recours sont introduits devant la commission centrale d’aide sociale (…) dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier, que la décision attaquée a été notifiée au président du conseil général de la Marne le 6 mai 2013 et que la requête a été enregistrée le 10 juillet 2013, postérieurement à l’expiration du délai de recours contentieux qui expirait en l’espèce le lundi 8 juillet 2013 ; que toutefois, la requête en date du 5 juillet 2013 a été postée le même jour, soit dans des conditions telles qu’il doit être admis qu’un fonctionnement normal du service postal impliquait qu’elle parvint à la commission centrale d’aide sociale avant l’expiration du délai (voir notamment pour le cas particulier de l’espèce où la requête a été postée le 5 juillet 2013, un vendredi, et devait parvenir au plus tard le lundi, Conseil d’Etat 26 mars 2003 no 249344) ; qu’ainsi, alors même que ladite requête n’a été enregistrée, quels qu’aient pu être les motifs de cette situation éventuellement tenant à l’organisation interne des services de transmission à l’intérieur du ministère dont relève la commission centrale d’aide sociale, que le 10 juillet 2013, postérieurement à l’expiration du délai d’appel, elle n’est pas tardive ;

Considérant par ailleurs, que, contrairement à ce que soutient l’intimée dans son dernier mémoire enregistré le 27 octobre 2014, les précisions apportées par l’administration au supplément d’instruction du 12 août 2014, sur les modalités de l’exécution de la décision du premier juge sont claires et compréhensibles ; que c’est la requérante qui ignore la jurisprudence précisant les conséquences du caractère non suspensif de l’appel devant le juge administratif ; qu’en aucun cas, elle n’est fondée à soutenir que « l’exécution de cette décision frappée de recours devant la commission nationale (sic) d’aide sociale (…) sans condition (…) vaut acquiescement à la décision et l’appel est par conséquent (…) irrecevable » ;

Mais considérant qu’aux termes de l’article L. 3221‑1 du code général des collectivités territoriales : « Le président du conseil général est l’organe exécutif du département. Il prépare et exécute les délibérations du conseil général » ; qu’à ceux de l’article L. 3221‑3 3e alinéa du même code : « Le président du conseil général est le chef des services du département. Il peut sous sa surveillance et sa responsabilité donner délégation de signature en toute matière aux responsables desdits services » ; qu’à ceux de l’article L. 3221‑10‑1 : « Le président du conseil général (…) peut par délégation du conseil général être chargé pour la durée de son mandat d’intenter au nom du département des actions en justice ou de défendre le département dans les actions intentées contre lui dans les cas définis par le conseil général. Il rend compte à la plus proche séance du conseil général de l’exercice de cette compétence » ; qu’à ceux enfin de l’article L. 3221‑13 : « Sauf dispositions contraires dans la délibération portant délégation, le président peut subdéléguer les attributions confiées par le conseil général dans les conditions prévues par l’article L. 3221‑3 » ;

Considérant que M. B… a été réélu président du conseil général de la Marne le 31 mars 2011 ; que par arrêté du 1er avril 2011, il a conféré « délégation de signature à M. C…, directeur général des services du département, à l’effet de signer toutes décisions, tous actes administratifs et toutes correspondances relatifs aux affaires de ma compétence à l’exception des rapports au conseil général et à la commission permanente » ; qu’à cette date, il n’était délégataire d’aucune compétence du conseil général pour intenter les actions en justice ; que par délibération du 19 mai 2011, le conseil général de la Marne a conféré au président pour la durée de son mandat compétence générale pour « dans tous les cas, intenter au nom du département les actions en justice et défendre le département dans les actions dirigées contre lui (…) » ; que le 5 juillet 2013, M. C…, directeur général des services du département, a introduit la présente instance d’appel ;

Considérant qu’à la date où elle a été conférée, la délégation du 1er avril 2011 ne pouvait porter que sur les compétences propres du président du conseil général et non sur celles déléguées, même de manière générale pendant l’exercice de son mandat, par celui-ci, telle la décision d’agir en justice, laquelle s’analyse, selon les termes mêmes d’ailleurs de l’article L. 3221‑13 précité, comme une subdélégation ; qu’alors même que cette subdélégation intervient selon le texte « dans les conditions prévues par l’article L. 3221‑1 et l’article L. 3221‑3 », ledit texte n’a pas eu pour objet et pour effet qu’une délégation conférée avant l’entrée en vigueur de la délibération du Conseil général comportant délégation générale de la décision d’agir en justice, relative à la date où elle est intervenue, aux seules compétences propres du président du conseil général puisse être regardée comme recouvrant et fondant légalement, après l’entrée en vigueur de la délibération du conseil général incluant les compétences déléguées par ce conseil au président, la subdélégation accordée en ce qu’elle concerne les délégations qu’elle comporte qui ne pouvaient être visées par la seule subdélégation antérieurement accordée, dussent elles l’être « dans les conditions prévues par l’article L. 3221‑3 » ; qu’ainsi et alors même que la requête a été introduite le 5 juillet 2013, postérieurement à la publication de la délibération du conseil général du 19 mai 2011 portant sur toute « la durée (du) mandat de M. B… », dont il n’est d’ailleurs pas justifié de la publication au recueil officiel des actes administratifs du département et de l’affichage indépendamment de la seule transmission justifiée au contrôle de légalité, M. C… ne disposait pas d’une subdélégation expresse des attributions relevant, non des compétences propres du président du conseil général, mais de celles déléguées par le conseil général à celui-ci ; qu’ainsi M. C… était sans qualité pour introduire l’instance et la requête du président du conseil général de la Marne ne peut être que rejetée ;

Considérant qu’à compter, notamment en tout cas, de la date à laquelle la présente décision deviendrait définitive, il appartiendrait à l’administration, si elle l’estimait utile et si elle s’y croyait juridiquement fondée, de solliciter de la Section du rapport et des études du Conseil d’Etat, seule compétente en la matière s’agissant des décisions de la juridiction d’aide sociale, compte tenu de la motivation et des conséquences de la décision attaquée, le concours qu’il appartient à cette section d’apporter en cas de difficultés dans l’interprétation et/ou l’exécution des décisions des juridictions administratives,

Décide

Art. 1er La requête du président du conseil général de la Marne est rejetée.

Art. 2.  La présente décision sera notifiée au président du conseil général de la Marne, aux consorts Y… et à Maître LUDOT. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de la Marne et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 12 décembre 2014 où siégeaient M. LEVY, président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 12 décembre 2014 à 13 h 30.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine Rieubernet

 

1 La CCAS interprète la formulation du président du conseil général !

2 Il s’agit manifestement de l’article L. 344‑5 selon la commission centrale d’aide sociale !