3200

Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Versement – Personne isolée – Ressources – Remise – Exécution – Conseil d’Etat – Autorité de la chose jugée – Juridictions de l’aide sociale et juridictions administratives de droit commun – Compétence – Recours – Prescription

Dossier no 140070

Mme X…

Séance du 29 février 2016

Décision lue en séance publique le 28 avril 2016

Vu le recours en date du 13 décembre 2013 formé par Maître Ronan GARET, conseil de Mme X…, qui demande l’annulation de la décision en date du 4 octobre 2013 par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Finistère a rejeté son recours tendant à l’annulation des décisions en date des 28 mars et 26 avril 2012 du président du conseil général du même département, lui refusant le versement de l’allocation de revenu minimum d’insertion à titre rétroactif depuis août 2001 ;

Maître Ronan GARET, conseil de Mme X…, conteste la décision en faisant valoir :

 que le département du Finistère a déposé plainte contre Mme X…, et que le juge pénal ne s’est prononcé qu’en mai 2012 ;

 que, dès la position du parquet connue, la requérante a introduit une demande auprès du président du conseil général du Finistère ; que la prescription biennale ne peut lui être opposée dans la mesure où Mme X… a constamment demandé la révision de ses droits ;

 que l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion de 10 726,44 euros n’était pas fondé ; que le conseil général du Finistère a uniquement reversé à sa cliente 2 442,35 euros et qu’ainsi, il reste la somme de 8 284,09 euros à lui restituer ;

 que l’indu de 3 822,99 euros mis à la charge de Mme X… à raison de montants d’allocations de revenu minimum d’insertion indûment perçus sur la période de janvier 2002 à juin 2004, de mai 2004 à avril 2006 et de juillet 2006 doit lui être remboursé, dans la mesure où le juge pénal a écarté la fraude ;

 que les droits au revenu minimum d’insertion de Mme X… doivent être calculés au titre d’une personne avec deux enfants à charge ; que l’enfant Thomas doit être intégré dans le foyer avec effet rétroactif à compter d’août 2001 ;

 que les droits au revenu minimum d’insertion de Mme X… durant la période litigieuse d’octobre 2006 à décembre 2010 s’élèvent à 23 584,77 euros et 6 411,55 euros, soit un total de 29 996,32 euros ;

Vu la décision contestée ;

Vu le mémoire en date du 30 décembre 2015 de Mme X… qui indique qu’elle a obtenu l’aide juridictionnelle ; que la caisse d’allocations familiales avait reconsidéré sa situation mais a changé de position après la décision de la commission centrale d’aide sociale ; que ses enfants ont toujours été à sa charge et que c’est son ex-époux qui a dissimulé sa situation ;

Vu le mémoire en date du 23 février 2016 de Maître Ronan GARET, conseil de Mme X…, qui rappelle que le rapport de l’expert-comptable atteste que la société dont l’intéressée était gérante n’avait pas réalisé de bénéfice au titre des années 2005 et 2006 et que sa cliente ne disposait donc d’aucun revenu ;

Vu le mémoire en défense en date du 10 février 2016 du président du conseil départemental du Finistère qui conclut au rejet de l’intégralité de la requête de Mme X…, et demande de la condamner à lui verser la somme de 200 euros au titre de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative ;

Vu la décision no 100325 en date du 29 septembre 2011 rendue par la commission centrale d’aide sociale ;

Vu la décision en date du 19 février 2016 du bureau d’aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Paris accordant à Mme X… le bénéfice de l’aide juridictionnelle, la dispensant ainsi de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros instituée par l’article 1635 bis Q du code général des impôts entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 ;

Vu l’arrêt en date du 16 janvier 2013 du Conseil d’Etat ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 29 février 2016, M. BENHALLA, rapporteur, Maître Ronan GARET et Mme X… en leurs observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262‑11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262‑39 (…). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article L. 262‑2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge (…) » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑40 du même code : « L’action du bénéficiaire pour le paiement de l’allocation (…) se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X… a déposé une demande de revenu minimum d’insertion au titre d’une personne isolée avec des enfants à charge en août 2001 ; que le président du conseil général du Finistère, par décision en date du 11 octobre 2001 l’a rejetée ; que l’intéressée a effectué une deuxième demande de revenu minimum d’insertion le 3 janvier 2002 et qu’un droit lui a été ouvert en qualité de travailleur indépendant ;

Considérant que Mme X… a saisi la commission départementale d’aide sociale du Finistère d’un recours dirigé contre la décision du 11 octobre 2001 ; que celle-ci, par décision en date du 22 octobre 2002 a fait droit à la requête et lui a ouvert un droit au revenu minimum à compter du 1er août 2001 ;

Considérant que, comme suite à un contrôle de l’organisme payeur, il a été constaté que Mme X…, qui s’était déclarée travailleur indépendant, était en réalité gérante minoritaire de deux SARL, « C… » et « B… », et d’une SCI dénommée « K… » ; que les comptes de ces sociétés faisaient apparaître un bénéfice de 8 432 euros et de 22 504 euros au titre des années 2004 et 2005 ; que la qualité de gérante minoritaire lui conférait un statut de salariée et qu’elle pouvait dès lors s’octroyer un salaire au moins équivalent au revenu minimum d’insertion ; qu’il s’ensuit, que par décision en date du 9 décembre 2009, la caisse d’allocations familiales agissant sur délégation du président du conseil général du Finistère, a mis à la charge de Mme X… le remboursement de la somme de 10 726,44 euros, à raison d’ allocations de revenu minimum d’insertion indûment perçues pour la période de janvier 2004 à décembre 2005 ; que le président du conseil général, par décision en date du 9 décembre 2009, lui a accordé une remise gracieuse de 8 284,09 euros ; que Mme X… a formé un recours auprès de la commission départementale d’aide sociale du Finistère, en réclamant la remise de la somme de 2 442,35 euros laissée à sa charge et qui avait été récupérée par le département ; que la commission départementale d’aide sociale, par décision en date du 15 octobre 2010, a accordé une remise totale de la somme de 2 442,35 euros ; que le département du Finistère a exécuté cette décision et a reversé la somme prélevée à Mme X… ; qu’ainsi l’intéressée a été remplie de ses droits ;

Considérant en premier lieu, que la décision en date du 15 octobre 2010 de la commission départementale d’aide sociale du Finistère n’a pas été frappée d’appel ; que, dès lors, les conclusions de Maître Ronan GARET concernant la somme de 8 284,09 euros ayant fait l’objet d’une remise par le président du conseil général ne peuvent qu’être rejetées ;

Considérant en deuxième lieu que, s’agissant de la majoration pour l’enfant à charge, la commission centrale d’aide sociale a, par décision no 100325 rendue le 29 septembre 2011, jugé que le président du conseil général du Finistère n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que Mme X… ne remplissait pas les conditions lui permettant de bénéficier de la majoration de l’allocation de revenu minimum d’insertion définie par les dispositions règlementaires susmentionnées ; que le Conseil d’Etat, par arrêt en date du 16 janvier 2013, a confirmé la décision de la commission centrale d’aide sociale ; qu’ainsi, les conclusions de Maître Ronan GARET portant sur la somme de 3 822,99 euros qui a fait l’objet de la décision prise par la commission centrale d’aide sociale le 29 septembre 2011, ignorent l’autorité de la chose jugée, et ne peuvent, par suite, qu’être écartées ;

Considérant en troisième lieu, que Mme X…, par l’intermédiaire de son conseil a, par courrier en date du 11 mai 2011, réclamé au président du conseil général du Finistère la somme de 51 000 euros de droits au revenu minimum d’insertion auxquels s’ajoute une demande de 15 000 euros au titre du préjudice subi pour une période de référence qui s’étend d’août 2001 à décembre 2010 ; que le président du conseil général du Finistère, par courriers en date des 28 mars et 26 avril 2012, a indiqué que Mme X… ne pouvait prétendre qu’à somme de 6 681,50 euros pour la période d’octobre 2006 à août 2008 ; que Mme X… a formé en date du 26 mai 2012 un recours contre les décision précitées du président du conseil général devant la commission départementale d’aide sociale ; que cette dernière a, par décision en date du 4 octobre 2013, rejeté ce recours aux motifs que l’action en paiement de l’allocation de revenu minimum d’insertion était prescrite, et que le contentieux des primes de Noël et du revenu de solidarité active d’insertion était dévolu à la juridiction administrative de droit commun ;

Considérant d’une part que le contentieux de la prime de Noël, versée par l’Etat, est de la compétence des juridictions administratives de droit commun ; que, dès lors, les conclusions de Maître Ronan GARET, conseil de Mme X…, en tant qu’elles concernent la prime de Noël sont irrecevables ; que les conclusions relatives à la période postérieure au 31 mai 2009 concernant le revenu de solidarité active sont également irrecevables dans la mesure où la loi no 2008‑1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active, a confié le contentieux de cette prestation aux juridictions administratives de droit commun ;

Considérant d’autre part que la prestation de revenu minimum d’insertion a pris fin au 31 mai 2009 et a été remplacée par le revenu de solidarité active ; que le recours de Mme X… devant la commission départementale d’aide sociale du Finistère a été introduit le 26 mai 2012, soit près de trois ans après la fin de la prestation du revenu minimum d’insertion ; qu’il suit de là qu’il a été atteint par la prescription biennale établie par l’article L. 262‑40 du code de l’action sociale et des familles susvisé ; que, dès lors, Mme X… ne pouvait prétendre à un réexamen de ses droits au revenu minimum d’insertion qui, en tout de cause, cessaient au 31 mai 2009 ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède, que Mme X… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale du Finistère, par sa décision en date du 4 octobre 2013, a rejeté son recours ;

Considérant enfin, que la demande du président du conseil départemental du Finistère de condamner Mme X… à lui verser la somme de 200 euros au titre de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative est rejetée,

Décide

Art. 1er Le recours de Mme X… est rejeté.

Art. 2.  La présente décision sera notifiée à Mme X…, à Maître Ronan GARET, au président du conseil départemental du Finistère. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 29 février 2016 où siégeaient M. BELORGEY, président, Mme PEREZ-VIEU, assesseure, M. BENHALLA, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 28 avril 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET