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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Ouverture des droits – Ressources – Obligation alimentaire – Législation – Jugement – Autorité de la chose jugée – Rétroactivité – Date d’effet

Dossier no 140324

Mme B…

Séance du 25 mai 2016

Décision lue en séance publique le 21 juin 2016

Vu le recours formé le 6 août 2013 formé par l’Association tutélaire des majeurs protégés (ATMP) pour le compte de Mme B… tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse réunie le 11 juin 2013 ayant confirmé la décision du président du conseil général de Vaucluse du 4 mars 2013 tendant à refuser le bénéfice de l’aide sociale au motif que les ressources de la requérante et la participation des obligés alimentaires permettent d’assurer le financement des frais d’hébergement ;

La requérante soutient que Mme B… est entrée en maison de retraite le 11 septembre 2011 et placée sous tutelle le 10 septembre 2012 ; que le 30 octobre 2012, le dossier d’aide sociale est envoyé au conseil général de Vaucluse pour instruction avec demande de prise en charge au 1er mai 2012 ; que les avoirs étant de 18 243,68 euros au 16 octobre 2012, cette somme a permis de régler 16 272 euros à la maison de retraite sur la période du 11 septembre 2011 au 31 avril 2012 ; qu’après épuisement de cette épargne, l’aide sociale est demandée au 1er mai 2012 mais est refusée au motif que ses ressources (retraite et placement mobilier) et l’aide financière de ses débiteurs d’aliments sont suffisantes pour couvrir les frais d’hébergement ; que l’article L. 132‑1 du code de l’action sociale et des familles fait référence, pour apprécier les ressources des postulants à l’aide sociale « aux revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenus », ce qui exclut du calcul les placements mobiliers ; qu’au 1er janvier 2015, 15 000 euros sont versés à la maison de retraite pour apurer les dettes de Mme B…, montant déduit sur le reste à devoir sur la période antérieure à la prise en charge par le Conseil général de Vaucluse ; que par jugement du tribunal de grande instance de Carpentras en date du 7 janvier 2015, les enfants de Mme B… sont déchargés de toutes obligations ; que Mme B… a obtenu la prise en charge des frais d’hébergement à compter du 7 janvier 2015 jusqu’au 31 décembre 2015 ; que Mme B… verse depuis le 1er janvier 2013 90 % de ses ressources, soit 748 euros, et que les sommes versées ont permis de couvrir la période du 1er septembre 2011 au 31 décembre 2012 ; que les montants restant à prendre en compte à ce jour correspondent à la période du 1er janvier 2013 au 6 janvier 2015 ; que le document récapitulatif détaille mois par mois le montant restant à recouvrir, laissant apparaître un solde restant dû avant la prise en charge du conseil général au 7 janvier 2015 de 20 069,37 euros ; que la maison de retraite menace d’expulser Mme B… ; qu’il est demandé une rétroactivité de l’aide sociale pour Mme B… à compter du 1er janvier 2013 ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré le 10 avril 2014, le mémoire en défense du président du Conseil général de Vaucluse complété d’un autre mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2015 suite à la notification du jugement du tribunal de grande instance du 7 janvier 2015 ; qu’il soutient que l’ATMP a déposé un recours auprès du juge des affaires familiales aux fins de participation des obligés alimentaires ; que le 7 janvier 2015, la décision du tribunal de grande instance de Carpentras prononçait l’exonération des enfants de Mme B… à toute obligation alimentaire envers leur mère ; que l’ATMP a redéposé un dossier d’aide sociale pour l’hébergement en date du 4 février 2015 auquel est joint ledit jugement ; qu’il est précisé que « aide sociale avec effet rétroactif au 1er mai 2012 du fait des recours engagés et de la saisine du juge aux affaires familiales » ; que le département a pris acte de ce jugement et une admission à l’aide sociale pour l’hébergement a été prononcée par le président du conseil départemental le 5 juin 2015, décidant d’une prise en charge à compter du 7 janvier 2015 (date du jugement) ; qu’il ne s’est pas prononcé sur la rétroactivité demandée et s’en remet au jugement faisant l’objet du présent recours ; que les services départementaux ont repris l’examen du dossier au regard de la situation de l’intéressé au 1er mai 2012 sans participation au titre de l’obligation alimentaire ; que l’analyse du département se base sur les articles R. 131‑2 du code de l’action sociale et des familles et L. 132‑8 du même code ; que les pièces justificatives et complémentaires versées à la demande d’aide sociale du 30 octobre 2012 attestent que Mme B… percevait alors des ressources mensuelles de 866,31 euros et détenait un patrimoine de 24 595 euros tous capitaux confondus (banque Chaix : 12 128 euros ; Caisse d’épargne : 5 711 euros et Crédit coopératif : 6 756,14 euros) ; que Mme B… a été admise en établissement le 19 septembre 2011 et a subi un examen psychiatrique le 16 février 2012 ; que la demande d’aide sociale à l’hébergement a été constituée le 30 octobre 2012 avec une demande de prise en charge sollicitée au 1er mai 2012 ; qu’entre le 19 septembre 2011 et le 30 avril 2012, Mme B… est à considérer en qualité de payante ; que la date d’effet de la demande de prise en charge d’aide sociale sera examinée au regard de l’alinéa 3 de l’article R. 131‑2 du code de l’action sociale et des familles ; que le jugement du tribunal de grande instance de Carpentras du 7 janvier 2015 stipule qu’au regard « des ressources mensuelles de Mme B… (899 euros) et du coût de son hébergement (2 000 euros), il est établi un différentiel mensuel de 1 300 euros » ; que la dette d’hébergement indiquée au jugement précité s’élevant à la date du 31 octobre 2014 à la somme de 35 815 euros et, au vu des 1 300 euros mensuels manquants, concernerait 27 mois d’impayés, ce qui équivaudrait à un impayé depuis août 2012 jusqu’au 31 octobre 2014 à 35 100 euros (15 600 euros sur la période du 1er novembre 2013 au 31 octobre 2014, 15 600 euros du 1er novembre 2012 au 31 octobre 2013 et 3 900 euros du 1er août 2012 au 31 octobre 2012) ; que le patrimoine détenu au dépôt de la demande, 24 595 euros en octobre 2012, aurait dû lui permettre d’assurer le paiement de son hébergement pendant environ 18 mois avant de requérir l’aide sociale (18 mois à compter du 1er mai 2012 soit jusqu’au 30 octobre 2013) ; qu’à la nouvelle demande d’aide sociale du 4 février 2015, le patrimoine détenue par l’intéressée ne s’élevait plus qu’à 2 338,65 euros ; qu’il reste à éclaircir l’utilisation faite du patrimoine détenu par l’intéressé au 1er octobre 2012 (24 595 euros), lequel, du fait que Mme B… est qualifiée de pensionnaire payante, devait prioritairement être destiné à lui permettre d’acquitter ses frais de séjour ; qu’il s’agit de déterminer la date de prise en charge des frais d’hébergement de Mme B… par l’aide sociale départementale au regard de l’article R. 131‑2 du code de l’action sociale et des familles ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 25 mai 2016, Mme GOMERIEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’en vertu des articles L. 232‑4 et L. 232‑8 du code de l’action sociale et des familles le montant des prestations d’allocation personnalisée d’autonomie allouées à chaque bénéficiaire, qu’il soit hébergé à domicile ou en établissement, est diminué du montant de sa participation, calculée en fonction de ses ressources, elles-mêmes déterminées dans les conditions fixées aux articles L. 132‑1 et L. 132‑2 du même code ; que le premier alinéa de l’article L. 132‑1 prévoit que, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, il est tenu compte des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire ; qu’aux termes de l’article R. 232‑5 du même code, l’appréciation des ressources du demandeur de l’allocation personnalisée d’autonomie, en vue du calcul de la participation mentionnée aux articles L. 232‑4 et L. 232‑8, tient compte notamment des biens ou capitaux qui ne sont ni exploités ni placés, selon les modalités fixées à l’article R. 132‑1 ; que l’article R. 132‑1 prévoit que pour l’appréciation des ressources des postulants prévue à l’article L. 132‑1, les biens non productifs de revenu (…) sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à (…) à 3 % du montant des capitaux ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction du dossier que Mme B… est entrée en maison de retraite le 19 septembre 2011 et placée sous tutelle le 10 septembre 2012 ; que le 30 octobre 2012, le dossier d’aide sociale est envoyé au conseil général de Vaucluse pour instruction avec demande de prise en charge au 1er mai 2012 ; que la période antérieure, entre le 19 septembre 2011 et 30 avril 2012, a été réglée avec les ressources personnelles de Mme B… ; que le 19 mars 2013, la demande d’aide sociale est refusée au motif que l’aide financière de ses débiteurs d’aliments sont suffisantes pour couvrir les frais d’hébergement ; qu’un recours est formé le 23 mars 2013 devant la commission départementale d’aide sociale qui rejette le recours formé par l’ATMP ; qu’à la date du 1er janvier 2015, 15 000 euros sont versés à la maison de retraite pour apurer les dettes de Mme B…, déduits du montant restant à devoir sur la période antérieure à la prise en charge par le département ; que le tribunal de grande instance de Carpentras, par jugement du 7 janvier 2015, a exonéré les enfants de Mme B… à toute obligation alimentaire envers leur mère ; que le département a pris acte de ce jugement et a admis Mme B… à l’aide sociale pour l’hébergement à compter du 7 janvier 2015 (date du jugement) sans se prononcer sur la rétroactivité demandée, soit le 1er janvier 2013 ; que la dette d’hébergement restant due, avant la prise en charge par l’aide sociale à compter du 7 janvier 2015, s’élève à 20 069,37 euros ;

Considérant que le département conteste l’utilisation faite du patrimoine détenu par l’intéressée au dépôt de la demande en octobre 2012 ; qu’il indique que, à la date du 30 octobre 2012, les pièces justificatives versées à la demande d’aide sociale attestaient que Mme B… détenait un patrimoine de 24 595 euros tous capitaux confondus et que cette somme aurait permis de régler environ dix-huit mois d’hébergement, soit jusqu’au 30 octobre 2013 ;

Considérant néanmoins, que pour déterminer la participation de l’aide sociale aux frais d’hébergement et d’entretien d’une personne âgée en foyer ne sont pris en compte conformément à l’article L. 132‑1 du code de l’action sociale et des familles que les revenus et non les ressources en capital ; que s’agissant des comptes épargne, seuls les revenus issus de ces placements, les intérêts, doivent être pris en compte dans l’appréciation des ressources ; que s’agissant des comptes courants, ils doivent être considérés comme des biens non productifs de revenus et que seuls 3 % du montant des sommes placées sur un compte courant doivent être prises en compte dans l’appréciation des ressources du postulant à l’aide sociale ; qu’en considérant que l’ensemble du capital de Mme B… à la date de l’évaluation de ses ressources, soit 24 595 euros, devait être pris en compte dans les ressources du bénéficiaire, la commission départementale d’aide sociale a fait une mauvaise appréciation des ressources de Mme B… ; que l’affaire est renvoyée devant la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse ;

Considérant qu’il convient d’évoquer et de statuer,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse réunie le 11 juin 2013, ensemble la décision du président du conseil départemental du 4 mars 2013 sont annulées, l’affaire est renvoyée devant la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse.

Art. 2.  La présente décision sera notifiée à l’ATMP de la Drôme, au président du conseil départemental de Vaucluse. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 25 mai 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, M. MATH, assesseur, Mme GOMERIEL, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 21 juin 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET