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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Maison de retraite – Ressources – Obligation alimentaire – Compétence – Erreur

Dossier no 140397

M. W…

Séance du 21 juin 2016

Décision lue en séance publique le 26 septembre 2016

Vu le recours formé par l’association tutélaire de protection « » au nom et pour le compte de M. W… sur lequel elle exerce une mesure de tutelle, en date du 20 juin 2014, tendant à l’annulation de la décision en date du 19 mars 2014 par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône a confirmé la décision du président du Conseil général des Bouches-du-Rhône en date du 12 décembre 2013 prononçant le rejet de prise en charge des frais de placement à compter du 1er mai 2012 au sein de la maison de retraite « R… » de M. W… compte tenu des ressources de la requérante augmentées de la possibilité contributive des obligés alimentaires ;

La requérante soutient que les revenus de M. W… sont insuffisants pour régler ses frais en maison de retraire, qu’en effet, ce dernier possède une habitation secondaire dont l’entretien entraîne des dépenses incompressibles qui viennent amputer son budget mensuel et l’empêche de s’acquitter de ses frais en maison de retraite dans leur intégralité ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 21 juin 2016, Mme DERVIEU, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 113‑1 du code de l’action sociale et des familles « Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier soit d’une aide à domicile, soit d’un placement chez des particuliers ou dans un établissement », qu’à cette fin, aux termes de l’article L. 132‑1 du code de l’action et des familles : « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire. » ; qu’à ceux de l’article R. 132‑1 du même code pris pour l’application du précédent, « Pour l’appréciation des ressources des postulants prévue à l’article L. 132‑1, les biens non productifs de revenu, à l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et 3 % du montant des capitaux. »

Considérant qu’aux termes de l’article 205 du code civil : « Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin. » ; qu’aux termes de l’article 208 du même code : « Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit. » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 132‑6 du code de l’action sociale et des familles : « Les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. (…) La proportion de l’aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l’obligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l’aide sociale d’une décision judiciaire rejetant sa demande d’aliments ou limitant l’obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l’organisme d’admission. (…) » ;

Considérant que par sa décision no 286891 du 14 décembre 2007, le Conseil d’Etat est venu préciser « Il résulte des dispositions des articles L. 132‑3 et R. 231‑6 du code de l’action sociale et des familles que les personnes âgées hébergées en établissement au titre de l’aide sociale doivent pouvoir disposer librement de 10 % de leurs ressources et que la somme ainsi laissée à leur disposition ne peut être inférieure à 1 % du minimum vieillesse. Ces dispositions doivent être interprétées comme devant permettre à ces personnes de subvenir aux dépenses qui sont mises à leur charge par la loi et sont exclusives de tout choix de gestion, telles que les sommes dont elles seraient redevables au titre de l’impôt sur le revenu. Il suit de là que la contribution de 90 % prévue à l’article L. 132‑3 du code de l’action sociale et des familles doit être appliquée sur une assiette de ressources diminuée de ces dépenses. (…) ».

Considérant que pour estimer le montant des ressources de M. W…, le président du Conseil général des Bouches-du-Rhône s’est contenté de prendre en compte les revenus issus des retraites et retraites complémentaires sans déduire de ce montant les charges revêtant un caractère obligatoire et exclusives de tout choix de gestion, que sont entre autres les sommes dont les personnes sont redevables au titre de l’impôt sur le revenu, la taxe foncière, les sommes nécessaires à l’acquisition d’une couverture maladie complémentaire, les frais de gestion tutélaire qui s’impose à la personne en vertu d’une obligation législative, les frais de cotisation mutuelle santé ; que ce faisant le président du Conseil général des Bouches-du-Rhône a méconnu les textes et la jurisprudence susvisés ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que tant le président du Conseil général des Bouches-du Rhône que la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône ont fait une mauvaise appréciation de la situation, que leurs décisions respectives n’étaient donc pas fondées, qu’il y a lieu d’annuler ensemble la décision en date du 12 décembre 2013 du président du Conseil général des Bouches-du-Rhône et la décision en date du 19 mars 2014 de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône et de statuer sur le fond du litige en vertu de l’effet dévolutif de l’appel ;

Considérant qu’il procède de l’instruction du dossier que les revenus de M. W… s’élèvent à 2 408,48 euros mensuels, que le montant de ses charges à prendre en compte comme décrites ci-dessus s’élève à 713,01 euros par mois, qu’après déduction du minimum de ressources à conserver, ses ressources disponibles s’élèvent à 1 525,92 euros par mois, que les frais de placement s’élèvent à 2 575 euros par mois (inclus le tarif dépendance), soit un reste à couvrir de 1049,08 euros mensuels, que les ressources de M. W… ne lui permettent donc pas de supporter l’intégralité de ses frais d’hébergement au sein de la maison de retraite « R… » à compter du 1er mai 2012 ;

Considérant que la commission centrale d’aide sociale est compétente pour évaluer la participation globale des personnes tenues à l’obligation alimentaire, qu’il résulte de l’instruction que l’appréciation globale des ressources des trois obligés alimentaires permet d’établir qu’ils ne sont pas en mesure de contribuer aux frais d’hébergement de M. W… ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’admettre M. W… au bénéfice de l’aide sociale à l’hébergement pour son accueil au sein de la maison de retraite « R… » à Marignane à compter du 1er mai 2012,

Décide

Art. 1er La décision en date du 19 mars 2014 de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône et la décision en date du 12 décembre 2013 du président du Conseil général du Bouches-du-Rhône sont annulées.

Art. 2.  M. W… est admis au bénéfice de l’aide sociale à l’hébergement pour son accueil au sein de la maison de retraite « R… » à compter du 1er mai 2012 à hauteur de 1 048,09 euros par mois.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à l’association tutélaire de protection  « », au président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 21 juin 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme DERVIEU, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 26 septembre 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET