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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH)

Placement en établissement

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) – Placement – Frais – Tuteur – Prise en charge – Législation – Modalités de calcul – Règlement – Age – Avocat – Versement – Légalité – Règlement départemental d’aide sociale

Dossier no 150022

M. X…

Séance du 23 septembre 2016

Décision lue en séance publique le 23 septembre 2016 à 12 heures

Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 28 août 2014, la requête présentée, pour M. X…, par l’Union départementale des associations familiales (UDAF) de la Dordogne, agissant en qualité de tuteur de ce dernier, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision en date du 16 juin 2014 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Charente a rejeté son recours contre la décision du 14 janvier 2014 par laquelle le président du Conseil général de la Charente lui accorde l’aide sociale à l’hébergement du 26 avril 2014 au 30 avril 2019, mais lui refuse la déduction de l’assurance complémentaire santé dans le calcul de ses revenus ;

Vu, enregistré le 15 octobre 2015, le mémoire présenté par Maître Guillaume DEGLANE, pour l’UDAF de la Dordogne, agissant en qualité de tuteur de M. X… ; il soutient que le refus opposé par le président du conseil départemental de la Charente ainsi que le rejet du recours par la commission départementale d’aide sociale de la Charente méconnaissent les dispositions de l’article L. 241‑1 du code de l’action sociale et des familles ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré le 10 mars 2016, le mémoire en défense présenté par le président du conseil départemental de la Charente tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale rejeter le recours formé pour M. X… au motif qu’il a été admis à l’aide sociale à l’hébergement pour personnes handicapées avant l’âge de soixante ans et que, dès lors, les dispositions relatives à l’aide sociale aux personnes handicapées, notamment telles que prévues dans le règlement départemental d’aide sociale de la Charente, lui sont applicables, même s’il a aujourd’hui plus de soixante ans ;

Vu, enregistré le 15 juin 2016, le mémoire en réplique présenté pour l’UDAF de la Dordogne, agissant en qualité de tuteur de M. X…, persistant dans ses premières conclusions par les mêmes moyens ; l’UDAF de la Dordogne conclut, en outre, à ce que le département de la Charente soit condamné à verser à Maître Guillaume DEGLANE, avocat dont M. X… a bénéficié au titre de l’aide juridictionnelle, la somme de 1 440 euros, s’il renonce au bénéfice de ladite aide pour éviter de faire supporter ces erreurs à la collectivité ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu la loi no 91‑647 du 10 juillet 1991 ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 23 septembre 2016, M. Vianney CAVALIER, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant que l’article L. 132‑3 du code de l’action sociale et des familles dispose que : « Les ressources de quelque nature qu’elles soient à l’exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l’aide aux personnes âgées ou de l’aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d’hébergement et d’entretien dans la limite de 90 %. Toutefois, les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de l’aide sociale sont déterminées par décret. » ; que l’article L. 344‑5 du même code prévoit que : « Les frais d’hébergement et d’entretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés au b du 5o et au 7o du I de l’article L. 312‑1, à l’exception de celles accueillies dans les établissements relevant de l’article L. 344‑1, sont à la charge : 1o A titre principal, de l’intéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous d’un minimum fixé par décret et par référence à l’allocation aux handicapés adultes, différent selon qu’il travaille ou non. Ce minimum est majoré, le cas échéant, du montant des rentes viagères mentionnées à l’article 199 septies du code général des impôts ainsi que des intérêts capitalisés produits par les fonds placés sur les contrats visés au 2o du I de l’article 199 septies du même code ainsi que du montant de la prime mentionnée à l’article L. 841‑1 du code de la sécurité sociale ; 2o Et, pour le surplus éventuel, de l’aide sociale sans qu’il soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à l’obligation alimentaire à l’égard de l’intéressé, et sans qu’il y ait lieu à l’application des dispositions relatives au recours en récupération des prestations d’aide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire décédé sont son conjoint, ses enfants, ses parents ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé ni sur le légataire, ni sur le donataire ou le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie. Les sommes versées, au titre de l’aide sociale dans ce cadre, ne font pas l’objet d’un recouvrement à l’encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune. » ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’intéressé, personne en situation de handicap placée en établissement et bénéficiaire de l’aide sociale à l’hébergement, doit, afin de pouvoir s’acquitter des dépenses exclusives de tout choix de gestion, conserver un minimum de ressources calculées après déduction, notamment, des sommes nécessaires à l’acquisition d’une couverture maladie complémentaire destinée à assurer la couverture de la part des tarifs de sécurité sociale restant à la charge des assurés sociaux ainsi que du forfait journalier ;

Considérant que le président du conseil départemental de la Charente a, par une décision du 14 janvier 2014, refusé de déduire des ressources de M. X… les frais de couverture maladie complémentaire dans le calcul du montant de sa participation aux frais d’hébergement ; qu’il a fondé sa décision sur le règlement départemental d’aide sociale de la Charente, au terme duquel les personnes handicapées ne peuvent déduire de l’état de reversement des ressources la cotisation à une assurance complémentaire santé lorsqu’elles disposent d’un reste à vivre différent de celui calculé pour les personnes âgées ;

Considérant qu’il ne pouvait, sans entacher sa décision d’illégalité, se borner ainsi à appliquer les dispositions de ce règlement, alors même que celles-ci méconnaissent les dispositions légales précitées et aboutissent à traiter d’une manière plus défavorable le demandeur lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de prestations d’aide sociale légales ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. X… est fondé à demander l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente du 16 juin 2014 rejetant son recours contre ladite décision du président du conseil départemental de la Charente ;

Considérant que M. X… a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Maître DEGLANE, avocat de M. X…, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, de mettre à la charge du département de la Charente la somme de 1 000 euros à verser à Maître DEGLANE,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente en date du 16 juin 2014 et la décision du président du Conseil général de la Charente en date du 14 janvier 2014 sont annulées.

Art. 2.  Pour l’appréciation des revenus de M. X…, il sera fait déduction de l’assiette de ses ressources des cotisations d’assurance maladie complémentaire nécessaires à la couverture de ses dépenses pour le calcul de sa participation à ses frais d’hébergement et d’entretien.

Art. 3.  Le département de la Charente versera à Maître Guillaume DEGLANE, avocat de M. X…, la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Maître Guillaume DEGLANE renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à l’UDAF de la Dordogne, au président du conseil départemental de la Charente et à Maître Guillaume DEGLANE. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de la Charente et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 23 septembre 2016 où siégeaient M. Denis RAPONE, président, Mme Audrey THOMAS, assesseure, M. Vianney CAVALIER, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 23 septembre 2016 à 12 heures.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET