3420

Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH)

Placement en établissement

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) – Placement – Curateur – Règlement – Hébergement – Délai – Forclusion – Exception – Ressources – Procédure – Prise en charge

Dossier no 150328

Mme X…

Séance du 10 juin 2016

Décision lue en séance publique le 10 juin 2016 à 12 h 30

Vu, enregistrée le 20 février 2015 au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, la requête présentée par Maître Déborah CHELLI, pour Mme X…, sous curatelle de Mme F…, tendant à ce qu’il plaise à la juridiction de céans :

1o Annuler la décision du 8 décembre 2014 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne a rejeté pour irrecevabilité le recours formé par la requérante contre une décision du président du Conseil général de la Haute-Garonne en date du 16 janvier 2014 rejetant sa demande de prise en charge des frais d’hébergement de Mme X… au foyer d’hébergement « H… » (Aveyron) pour la période du 2 avril 2013 au 15 octobre 2013 ;

2o Réformer l’arrêté du président du Conseil général de la Haute-Garonne en date du 12 juin 2014 en tant qu’il décide de n’accorder, suite au recours gracieux de l’intéressée, une prise en charge des frais d’hébergement de Mme X… qu’à compter du 1er septembre 2013 et non du 2 avril 2013, date de son entrée au foyer d’hébergement « H… » situé en Aveyron ;

La requérante soutient que le principe du contradictoire n’a pas été respecté par la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne en ce qu’elle a affirmé, dans sa décision, avoir envoyé à Mme F… un courrier en date du 25 février 2014 lui demandant de transmettre soit un pouvoir l’autorisant à agir au nom de Mme X…, soit un recours cosigné par l’intéressée, courrier que Mme F… n’a jamais reçu ; que la preuve de la réception de ce courrier n’a pas été rapportée et que ledit courrier ne lui a pas été transmis durant l’audience ; qu’elle a qualité à agir, ayant produit le pouvoir de Mme X… datant du 4 août 2014 et attestant « avoir donné tout pouvoir à ma curatrice Mme F… pour procéder à l’ensemble des formalités nécessaires à la constitution du dossier de prise en charge pour l’aide sociale de mes frais d’hébergement au foyer H… » ; que ce pouvoir a une portée générale et concerne tant les démarches diligentées par la requérante auprès des administrations que les actions en justice exercées devant les juridictions compétentes ; qu’il est de jurisprudence constante qu’un pouvoir spécial peut être justifié à tout moment de la procédure, et ce avant l’expiration du délai d’appel ; qu’un nouveau pouvoir autorisant Mme F… à ester en justice au nom et pour le compte de Mme X… est, en tout état de cause, produit devant la commission centrale d’aide sociale ; qu’elle a intérêt à agir, son recours n’étant pas devenu sans objet suite à la décision du président du Conseil général de la Haute Garonne en date du 12 juin 2014 qui, faisant suite à son recours gracieux, a accordé une prise en charge des frais d’hébergement de Mme X… à compter du 1er septembre 2013, alors qu’était sollicitée une prise en charge totale à compter du 2 avril 2013 ; que Mme X… doit se voir accorder une prise en charge de ses frais d’hébergement pour la période du 2 avril 2013 au 30 août 2013 dans la mesure où, d’une part, sa situation financière ne lui permet pas de faire face à la charge de ses frais d’hébergement et, d’autre part, la jurisprudence du Conseil d’Etat admet l’existence d’une exception au délai de 2 mois prévu par l’article R. 131‑2 du code de l’action sociale des familles « lorsque, antérieurement à l’entrée dans l’établissement, l’intéressée bénéficiait déjà et a un même titre de la prise en charge de ses frais d’hébergement », l’auteur de cette prise en charge de même que le mode temporel d’hébergement  à temps plein ou à temps partiel  important peu ; qu’en l’espèce, Mme X… doit bénéficier de cette exception dès lors que, avant son entrée au foyer « H… », elle était accueillie dans un institut médico-éducatif (IME) sept jours sur sept avec deux jours d’hébergement par semaine et que ses frais d’accueil et hébergement étaient totalement pris en charge par l’Etat ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré le 28 septembre 2015, le mémoire en défense par lequel le président du conseil départemental de la Haute-Garonne demande à la juridiction de céans :

1o A titre principal, de déclarer irrecevable la requête de Mme F… dans la mesure où cette requête ne respecte pas l’article 469 du code civil qui prévoit que le curateur ne peut se substituer à la personne en curatelle pour agir en son nom, où la requérante n’a pas régularisé son recours suite au courrier du secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne en date du 25 février 2014, où le moyen invoqué par Mme F… selon lequel elle n’a pas reçu ledit courrier est inopérant, le président du conseil départemental n’ayant pas à prouver la bonne réception de ce courrier par la requérante et où le pouvoir établi par Mme X… le 4 août 2014 ne peut pas être pris en compte, celui-ci intervenant au-delà du délai de 2 mois prévu par l’article R. 134‑10 du code de l’action sociale et des familles ;

2o A titre accessoire et dans l’hypothèse où la commission centrale d’aide sociale considérerait le recours de Mme F… comme recevable, de rejeter sa requête au motif que le rejet de la prise en charge des frais d’hébergement de Mme X… pour la période du 2 avril 2013 au 31 août 2013 au titre de l’article R. 131‑2 du code de l’action sociale et des familles est fondé ; que le moyen tiré de la continuité dans la prise en charge des frais d’hébergement invoqué par la requérante doit être rejeté, cette exception ne s’appliquant pas au cas d’espèce, et que le moyen tiré de la situation financière de Mme X… ne peut être retenu, la commission centrale d’aide sociale ayant déjà eu l’occasion d’affirmer que « l’insuffisance des ressources de l’assisté pour faire face aux recouvrements à venir à son encontre n’est pas de nature à permettre de ne pas appliquer les dispositions de l’article R. 131‑2 » ;

Vu, enregistré le 26 octobre 2015, le mémoire en réplique présenté par Maître Déborah CHELLI, pour Mme X…, sous curatelle de Mme F…, persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu, enregistré le 13 novembre 2015, le nouveau mémoire par lequel le président du conseil départemental de la Haute-Garonne persiste dans ses précédentes conclusions pour les mêmes motifs ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code civil ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 10 juin 2016, Mme Camille ADELL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant que, par décision du 8 décembre 2014, la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne a estimé irrecevable la requête de Mme F… au motif que le recours initialement formé par la requérante, curatrice de l’intéressée, n’avait pas été cosigné par la majeure protégée, comme prévu par les articles 467, 468 et 469 du code civil, « et ce malgré un courrier envoyé le 25 février 2014 à Mme F… par le secrétariat de la commission départementale d’aide sociale lui demandant de transmettre soit un pouvoir l’autorisant à agir au nom de Mme X… , soit le recours cosigné par Mme Y… » ; que Mme F… n’a transmis une copie du pouvoir en date du 4 août 2014, par lequel Mme X… autorise la requérante à agir en son nom, qu’après avoir réceptionné le mémoire en défense du président du Conseil général de la Haute-Garonne ; que la commission départementale d’aide sociale a, dès lors, considéré que « les délais de recours contentieux prévus par les dispositions de l’article R. 134‑10 du code de l’action sociale et des familles n’ont pas été respectés, et que ceux-ci sont forclos » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 134‑4 du code de l’action sociale et des familles : « Tant les recours devant la commission départementale que les recours et les appels devant la commission centrale peuvent être formés par le demandeur, ses débiteurs d’aliments, l’établissement ou le service qui fournit les prestations, le maire, le président du conseil départemental, le représentant de l’Etat dans le département, les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole intéressés ou par tout habitant ou contribuable de la commune ou du département ayant un intérêt direct à la réformation de la décision. » ; que l’article 467 du code civil prévoit que : « La personne en curatelle ne peut, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille. Lors de la conclusion d’un acte écrit, l’assistance du curateur se manifeste par l’apposition de sa signature à côté de celle de la personne protégée. A peine de nullité, toute signification faite à cette dernière l’est également au curateur. » ; que l’article 468 du même code dispose que » (…) La personne en curatelle ne peut, sans l’assistance du curateur, conclure un contrat de fiducie ni faire emploi de ses capitaux. Cette assistance est également requise pour introduire une action en justice ou y défendre. » ; qu’enfin, aux termes de l’article 469 du même code : « Le curateur ne peut se substituer à la personne en curatelle pour agir en son nom. Toutefois, le curateur peut, s’il constate que la personne en curatelle compromet gravement ses intérêts, saisir le juge pour être autorisé à accomplir seul un acte déterminé ou provoquer l’ouverture de la tutelle. Si le curateur refuse son assistance à un acte pour lequel son concours est requis, la personne en curatelle peut demander au juge l’autorisation de l’accomplir seule. » ;

Considérant, toutefois, qu’il y a lieu de distinguer deux types d’irrecevabilités, à savoir celles non susceptibles d’être couvertes en cours d’instance et celles qui peuvent l’être ; qu’entre dans cette dernière catégorie le défaut de mandat justifiant de la qualité à agir du requérant au nom d’une autre personne physique ; que cette irrecevabilité est susceptible d’être couverte en cours d’instance par la production de la pièce justificative du mandat, et ce même après l’expiration du délai de recours contentieux ;

Considérant que ces irrecevabilités régularisables en cours d’instance impliquent, pour pouvoir être opposées, que le juge invite l’auteur de la requête à la régulariser ; que, cependant, le juge n’est pas tenu d’inviter le requérant à cette régularisation lorsque cette irrecevabilité est expressément soulevée en défense ;

Considérant qu’en l’espèce, le défaut de qualité à agir avait été opposé en défense par le président du Conseil général de la Haute-Garonne ; que son mémoire, au titre du contradictoire, a bien été communiqué à Mme F… ; que, celle-ci a produit en cours d’instance, aux fins de régularisation, un pouvoir de Mme X…, daté du 4 février 2014, l’autorisant à procéder à l’ensemble des formalités nécessaires à la constitution du dossier de prise en charge pour l’aide sociale des frais d’hébergement de cette dernière au foyer H… ; qu’ainsi, c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale a estimé irrecevable la requête présentée par Mme F… au motif que celle-ci n’avait pas qualité à agir ; qu’il suit de là, que la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne en date du 8 décembre 2014 doit être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;

Sur la recevabilité de la requête ;

Considérant que la requérante avait la faculté de communiquer un pouvoir à tout moment durant l’instance, et ce même après l’expiration du délai de recours, dès lors que le principe du contradictoire était respecté ; que tel a bien été le cas puisque Mme F… a produit un pouvoir en date du 4 août 2014 par lequel Mme X… atteste « avoir donné tout pouvoir à ma curatrice Mme F… pour procéder à l’ensemble des formalités nécessaires à la constitution du dossier de prise en charge pour l’aide sociale de mes frais d’hébergement au foyer H… » ; que, dans son second mémoire en date du 15 septembre 2014, le président du Conseil général de la Haute-Garonne a fait référence audit pouvoir ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, que le pouvoir en date du 4 août 2014 permettait de donner à Mme F… qualité à agir au nom de Mme X… ; que dès lors, la requête est recevable ;

Sur le fond ;

Considérant que Mme X…, née en 1994, est entrée au foyer d’hébergement « H… » (Aveyron) le 2 avril 2013 ; que par ordonnance du 25 juin 2013 du tribunal d’instance de Millau, elle a été placée sous sauvegarde de justice, Mme F… ayant été désignée comme mandataire spécial ; que par jugement du 12 novembre 2013 du tribunal d’instance de Millau, l’intéressée a été placée sous curatelle renforcée avec désignation de Mme F… en qualité de curatrice ; qu’une demande de prise en charge de ses frais d’hébergement à compter du 2 avril 2013, au titre de l’aide sociale, a été déposée le 30 août 2013 auprès des services du département de la Haute-Garonne ; que par décision du 19 décembre 2013, le président du Conseil général de la Haute Garonne a décidé la prise en charge des frais d’hébergement de l’intéressée du 16 octobre 2013 au 31 janvier 2018 mais a rejeté la demande de prise en charge de ces frais pour la période du 2 avril 2013 au 15 octobre 2013, au motif que la demande n’avait pas été déposée dans les deux mois suivant le jour de son entrée en établissement ; que, le 7 février 2014, Mme F… a formé un recours gracieux auprès du président du Conseil général de la Haute-Garonne demandant la prise en charge des frais d’hébergement à compter du 2 avril 2013 ; que le 12 juin 2014, le président du Conseil général a décidé d’octroyer la prise en charge des frais d’hébergement uniquement à compter du 1er septembre 2013 ; que parallèlement, par requête en date du 10 février 2014, Mme F… a formé un recours devant la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne aux mêmes fins que celles de son recours gracieux ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 131‑4 du code de l’action sociale et des familles : « Les décisions attribuant une aide sous forme d’une prise en charge de frais d’établissement peuvent prendre effet à compter de la date d’entrée dans l’établissement à condition que l’aide ait été demandée dans un délai fixé par voie réglementaire » ; que l’article R. 131‑2 du même code précise que : « (…) les demandes tendant à obtenir le bénéfice de l’aide sociale prévue aux titres III et IV du livre II prennent effet au premier jour de la quinzaine suivant la date à laquelle elles ont été présentées. Toutefois, pour la prise en charge des frais d’hébergement des personnes accueillies dans un établissement social ou médico-social, habilité à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale ou dans un établissement de santé dispensant des soins de longue durée, la décision d’attribution de l’aide sociale prendra effet à compter du jour d’entrée dans l’établissement si la demande a été déposée dans les deux mois qui suivent ce jour. Ce délai peut être prolongé une fois, dans la limite de deux mois, par le président du Conseil général (…) » ;

Considérant que la jurisprudence du Conseil d’Etat a estimé que ces dispositions n’étaient pas applicables, en tant qu’elles instaurent une solution de continuité dans la prise en charge des frais d’hébergement, lorsque, antérieurement à l’entrée dans l’établissement, l’intéressée bénéficiait déjà et à un même titre de la prise en charge de ses frais d’hébergement ou lorsque la demande portait sur le renouvellement de cette prise en charge dans l’établissement où l’intéressé était déjà accueilli ; que dans ces cas, la prise en charge des frais d’hébergement doit prendre effet à compter de la date d’entrée dans l’établissement ou de la date d’expiration de la prise en charge précédente ;

Considérant qu’en l’espèce, la requérante allègue, sans pour autant en justifier, que Mme X…, avant son entrée au foyer d’hébergement « H… », était accueillie dans un IME sept jours sur sept avec deux jours d’hébergement par semaine et que ses frais d’accueil et d’hébergement étaient totalement pris en charge par l’Etat ;

Considérant que les IME sont des établissements médico-sociaux accueillant des enfants et adolescents handicapés âgés de 3 à 20 ans pour leur assurer une éducation adaptée et un accompagnement médico-social ; que les dépenses d’enseignement incombent à l’Etat et que les frais d’hébergement et de traitement sont pris en charge par l’assurance maladie ; qu’une fois accueillis en établissement pour personnes adultes handicapées, les jeunes adultes handicapés sont pris en charge non plus en tant qu’assurés mais comme assistés et dès lors pour la première fois admis à l’aide sociale à l’hébergement aux adultes handicapés ; que cette prise en charge est assurée soit par l’Etat, soit par le département du domicile de secours de l’intéressé ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme X… ne bénéficiait pas, avant son entrée au foyer d’hébergement « H… » (Aveyron), d’une même forme d’aide sociale ; que l’exception jurisprudentielle susmentionnée n’est, dès lors, pas applicable en l’espèce ; que la requête doit, en conséquence, être rejetée,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne du 8 décembre 2014 est annulée.

Art. 2.  La requête présentée par Maître Déborah CHELLI, pour Mme X…, sous curatelle renforcée de Mme F…, est rejetée.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Mme F…, au président du conseil départemental de la Haute-Garonne, à Maître Déborah CHELLI. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 10 juin 2016 où siégeaient M. Denis RAPONE, président, Mme Pauline DESCHAMPS, assesseure, Mme Camille ADELL, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 10 juin 2016 à 12 h 30.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET