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Dispositions communesà tous les types d'aide sociale

Détermination de la collectivité débitrice

Domicile de secours

Mots clés : Domicile de secours (DOS) – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Sans domicile fixe – Commission départementale d’aide sociale (CDAS) – Compétence juridictionnelle – Résidence – Preuve – Hébergement

Dossier no 150049

M. X…

Séance du 7 octobre 2016

Décision lue en séance publique le 7 octobre 2016 à 13 heures

Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 16 juillet 2012, la requête présentée par M. X…, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision du préfet de Paris en date du 29 juin 2009 lui refusant l’admission à l’aide sociale, par les moyens que depuis la vente de son commerce en 2006 situé à Paris Nième dans lequel il dormait, il est sans domicile fixe et alterne les nuits chez des amis qui l’hébergent et dans la rue ; qu’à ce jour, il est sans domicile de secours et reçoit à ce titre son courrier à la permanence sociale d’accueil (PSA) ;

Vu la décision du 22 juin 2012 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Paris s’est déclarée incompétente pour statuer sur la requête de M. X… tendant à réformer la décision du préfet de Paris en date du 29 juin 2009 et a renvoyé l’affaire devant la commission centrale d’aide sociale ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré le 11 septembre 2015, le mémoire par lequel la présidente du conseil de Paris, siégeant en formation de conseil départemental, demande à la juridiction de céans de reconnaître le préfet de Paris compétent pour la prise en charge des dépenses d’aide sociale à l’hébergement de M. X… aux motifs que l’intéressé doit être considéré comme une personne sans domicile fixe au sens de l’article L. 111‑3 du code de l’action sociale et des familles et, à ce titre, sans domicile de secours, celui-ci se présentant lui-même comme sans résidence fixe depuis de nombreuses années, alternant vie à la rue et hébergements occasionnels aux domiciles de tiers, sans que ceux-ci puissent néanmoins en attester et sans qu’il soit possible de savoir si ces hébergements précaires sont tous situés à Paris ;

Vu, enregistré le 25 septembre 2015, le mémoire en défense par lequel le préfet de Paris demande à la commission centrale d’aide sociale de reconnaître la compétence du département de Paris pour la prise en charge des frais d’aide sociale de M. X… en application de l’article L. 121‑1 du code de l’action sociale et des familles, aux motifs que sa situation de sans domicile de secours n’est pas prouvée ; qu’il résulte de l’évaluation sociale de l’assistante sociale de la PSA en date du 27 mai 2009 que M. X… est, depuis 2006, hébergé chez différents amis à Paris ; que, dès lors, il a eu une présence physique, habituelle et notoire dans le département de Paris ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 7 octobre 2016, Mme Camille ADELL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Sur la recevabilité de la requête ;

Considérant qu’aux termes du I de l’article R. 131‑8 : « Lorsqu’un président de conseil départemental est saisi d’une demande d’admission à l’aide sociale, dont la charge financière au sens du 1o de l’article L. 121‑7 lui paraît incomber à l’Etat, il transmet le dossier au préfet au plus tard dans le mois de la réception de la demande. Si ce dernier n’admet pas la compétence de l’Etat, il transmet le dossier au plus tard dans le mois de sa saisine à la commission d’aide sociale, qui statue dans les conditions de l’article L. 134‑3 » ;

Considérant que, saisi de la demande d’aide sociale de M. X… pour la prise en charge de ses frais d’hébergement au sein d’une résidence services pour personnes âgées, le département de Paris, rejetant sa compétence, a transmis le dossier au préfet de Paris ; que ce dernier n’a pas admis sa compétence mais n’a pas pour autant saisi la commission centrale d’aide sociale, comme il lui incombait de le faire ; que le 24 juillet 2009, M. X… a saisi la commission départementale d’aide sociale de Paris aux fins de voir réformer la décision du préfet de Paris en date du 29 juin 2009 rejetant sa demande d’aide sociale ;

Considérant que, lorsque la commission centrale d’aide sociale est saisie, comme en l’espèce, d’un recours faisant apparaître que, alors qu’aucun domicile de secours n’a été reconnu, ni le département à qui la demande a été transmise initialement, ni le préfet auquel a été transmis le dossier n’entendent s’en saisir en application des dispositions de l’article R. 131‑8 du code de l’action sociale et des familles précitées, il lui appartient de se prononcer sur la question du domicile de secours de l’intéressé puis, si elle est en mesure de le faire, de statuer sur le droit au bénéfice de l’aide sociale ;

Considérant qu’il suit de ce qui précède que la requête de M. X… est recevable ;

Sur la décision de la commission départementale d’aide sociale de Paris ;

Considérant que M. X… a saisi la commission départementale d’aide sociale de Paris de sa demande tendant à ce que soit réformée la décision du préfet de Paris en date du 29 juin 2009 rejetant sa demande d’aide sociale au motif que la situation de sans domicile de secours n’était pas prouvée ; que par une décision du 22 juin 2012, la commission départementale d’aide sociale de Paris s’est déclarée incompétente pour statuer sur le litige en application de l’article R. 131‑8 du code de l’action sociale et des familles et a renvoyé le dossier devant la commission centrale d’aide sociale ;

Considérant qu’en vertu du 1er alinéa de l’article L. 134‑3 du code de l’action sociale et des familles, « Les recours formés contre les décisions prises en vertu de l’article L. 111‑3, du deuxième alinéa de l’article L. 122‑1 et des articles L. 122‑2 à L. 122‑4 et L. 212‑1 relèvent en premier et dernier ressort de la compétence de la commission centrale d’aide sociale instituée par l’article L. 134‑2 » ;

Considérant que tant le département de Paris que le préfet de Paris s’estiment incompétents aux motifs, pour le premier, que l’intéressé est sans domicile fixe et, pour le second, que M. X… a son domicile de secours dans le département de Paris ; que le présent litige suppose ainsi la détermination du domicile de secours de M. X… ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la commission départementale d’aide sociale de Paris a renvoyé la présente affaire devant la commission centrale d’aide sociale, seule compétente pour se prononcer sur la détermination du domicile de secours ;

Sur la décision du préfet de Paris du 29 juin 2009 ;

Considérant que, par une décision du 29 juin 2009, le préfet de Paris a refusé l’admission à l’aide sociale de M. X… au motif que sa situation de sans domicile de secours n’est pas prouvée ;

Considérant que si le domicile de secours est utilisé en matière d’aide sociale comme critère d’imputation des dépenses d’aides sociale, il permet de déterminer la collectivité qui prendra en charge les dépenses d’aide sociale engagées mais ne saurait en aucun cas constituer une condition d’attribution des prestations ; que le bénéficiaire de l’aide sociale ne peut, en tout état de cause, supporter financièrement le conflit opposant un département à l’Etat pour savoir qui est en charge du financement des dépenses d’aide sociale ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la décision du préfet en date du 29 juin 2009 doit être annulée ;

Sur la détermination du domicile de secours ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 122‑1 du code de l’action sociale et des familles : « Les dépenses d’aide sociale prévues à l’article L. 121‑1 sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours. A défaut de domicile de secours, ces dépenses incombent au département où réside l’intéressé au moment de la demande d’admission à l’aide sociale » ; que, selon l’article L. 122‑2 du même code, le domicile de secours « (…) s’acquiert par une résidence habituelle de trois mois dans un département postérieurement à la majorité ou à l’émancipation, sauf pour les personnes admises dans des établissements sanitaires ou sociaux, ou accueillies habituellement, à titre onéreux ou au titre de l’aide sociale au domicile d’un particulier agréé ou faisant l’objet d’un placement familial en application des articles L. 441‑1, L. 442‑1 et L. 442‑3, qui conservent le domicile de secours qu’elles avaient acquis avant leur entrée dans l’établissement et avant le début de leur séjour chez un particulier. Le séjour dans ces établissements ou au domicile d’un particulier agréé ou dans un placement familial est sans effet sur le domicile de secours » ; qu’en application de l’article L. 122‑3 du même code, il se perd « 1o Par une absence ininterrompue de trois mois postérieurement à la majorité ou à l’émancipation, sauf si celle-ci est motivée par un séjour dans un établissement sanitaire ou social ou au domicile d’un particulier agréé ou dans un placement familial, organisé en application des articles L. 441‑1, L. 442‑1 et L. 442‑3 précités ;  2o Par l’acquisition d’un autre domicile de secours. (…) » ; que le 1o de l’article L. 121‑7 du même code prévoit que : « sont à la charge de l’Etat au titre de l’aide sociale les dépenses d’aide sociale engagées en faveur des personnes mentionnées aux articles L. 111‑3 (…) » ; qu’aux termes du premier alinéa dudit article ces personnes correspondent notamment à celles « pour lesquelles aucun domicile fixe ne peut être déterminé » ; qu’enfin, l’article L. 264‑1 dudit code dispose que : « Pour prétendre au service des prestations sociales légales, réglementaires et conventionnelles, à l’exercice des droits civils qui leur sont reconnus par la loi, ainsi qu’à la délivrance d’un titre national d’identité, à l’inscription sur les listes électorales ou à l’aide juridictionnelle, les personnes sans domicile stable doivent élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet. L’organisme compétent pour attribuer une prestation sociale légale, réglementaire ou conventionnelle est celui dans le ressort duquel la personne a élu domicile. Le département débiteur de l’allocation personnalisée d’autonomie, de la prestation de compensation du handicap (…), mentionnés respectivement aux articles L. 232‑1, L. 245‑1  (…), est celui dans le ressort duquel l’intéressé a élu domicile. » ;

Considérant que M. X… est arrivé dans le département de Paris en 1948 ; que jusqu’en 2006 il résidait dans son commerce situé à Paris ; qu’il a, dès lors, acquis un domicile de secours dans le département de Paris ;

Considérant qu’après la vente de son fonds de commerce en 2006 et selon l’évaluation sociale en date du 27 mai 2009 versée au dossier, M. X… alterne les hébergements chez différents amis à Paris et dans la rue ;

Considérant que la domiciliation à la PSA du requérant, ou du moins de sa correspondance, pour laquelle aucun document ne figure au dossier, constitue un autre indice attestant de sa présence dans le département de Paris, mais est toutefois sans incidence sur la détermination de son domicile de secours, dès lors que l’élection de domicile prévu aux articles L. 264‑1 et suivants du code de l’action sociale et des familles et qui s’impose aux personnes sans domicile stable n’a d’incidence que sur les droits de l’assisté dépourvu d’une telle résidence et non sur la détermination du domicile de secours ; que, par ailleurs, la collectivité débitrice de certaines prestations est, en vertu des dispositions de l’article L. 264‑1 précité, celle dans laquelle la personne sans résidence stable concernée a dû ainsi élire domicile, mais que ces dispositions, en tout état de cause, ne s’appliquent pas aux frais d’hébergement, seuls litigieux dans la présente instance ;

Considérant que, si l’article L. 121‑7 du code de l’action sociale et des familles prévoit que sont à la charge de l’Etat les dépenses d’aide sociale engagées en faveur des personnes mentionnées à l’article L. 111‑3, notamment celles pour lesquelles aucun domicile fixe ne peut être déterminé, les personnes bénéficiant d’un domicile de secours ne peuvent être regardées comme entrant dans le champ d’application de ces dispositions ; que, dès lors, M. X… ne relève pas desdites dispositions ;

Considérant qu’il ressort de tout ce qui précède que M. X… a acquis un domicile de secours à Paris ; qu’il ne l’a pas, après avoir quitté son fonds de commerce en 2006, perdu par une absence de plus de trois mois du département de Paris et/ou l’acquisition d’un domicile de secours dans un autre département ; qu’ainsi, nonobstant ses conditions de vie d’une extrême précarité et ses résidences discontinues, M. X… doit être regardé comme ayant conservé son domicile de secours à Paris ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X… a son domicile de secours fixé dans le département de Paris ;

Sur l’admission de M. X… à l’aide sociale ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 131‑2 du code de l’action sociale et des familles : « La décision d’admission à l’aide sociale est prise par le représentant de l’Etat dans le département pour les prestations qui sont à la charge de l’Etat en application de l’article L. 121‑7 et par le président du conseil départemental pour les autres prestations prévues au présent code. » ;

Considérant que les pièces produites au dossier ne permettent pas de déterminer si M. X… remplit les conditions pour bénéficier de la prise en charge par l’aide sociale de ses frais d’hébergement en résidence pour personnes âgées, notamment la condition de ressources, pour laquelle les coûts de l’établissement sont pris en compte ;

Considérant qu’il suit de là que l’instruction de la demande de prise en charge des frais d’hébergement en établissement pour personne âgées doit être renvoyée devant le département de Paris, dans lequel l’intéressé a acquis son domicile de secours,

Décide

Art. 1er.  La décision du préfet de Paris en date du 29 juin 2009 est annulée.

Art. 2.  Le domicile de secours de M. X… est fixé dans le département de Paris, à qui il appartiendra de statuer sur la demande de prise en charge par l’aide sociale des frais d’hébergement de l’intéressé en établissement pour personne âgées.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à M. X…, à la présidente du conseil de Paris, au préfet de Paris. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 7 octobre 2016 où siégeaient M. Denis RAPONE, président, Mme Pauline DESCHAMPS, assesseure, Mme Camille ADELL, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 7 octobre 2016 à 13 heures.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET