2320

Dispositions communesà tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur donation

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur donation – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Aide-ménagère – Délai – Report

Dossier no 140392

M. X… et Mme X…

Séance du 21 juin 2016

Décision lue en séance publique le 30 novembre 2016

Vu le recours formé en date du 2 juillet 2014 par Maître Edith GUILLANEUX, en sa qualité de conseil de M. Y…, tendant à l’annulation de la décision en date du 25 février 2014 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne a confirmé la décision en date du 16 juillet 2007 par laquelle le président du conseil général de l’Aisne a engagé, dans le cadre d’un recours contre donataire, la récupération à l’encontre de M. Y…, des sommes avancées au titre de l’aide sociale pour la prise en charge des frais d’aide ménagère dont ont bénéficié M. X… et Mme X…, parents du requérant, pour un montant de 12 195,52 euros correspondant au montant de la valeur de la donation de la maison de ses parents ;

Maître Edith GUILLANEUX soutient dans un premier temps que le recours en récupération ne peut s’effectuer sur les sommes avancées au titre de l’aide ménagère au bénéfice de M. X…, la donation étant intervenue le 27 avril 1991, soit plus de 10 ans avant la demande d’aide sociale présentée par ce dernier le 1er juin 2005 ; dans un deuxième temps que M. X… et Mme X… sont toujours occupants de la maison ayant fait l’objet de l’acte de donation du 27 avril 1991, que ladite donation portait sur la valeur nette fiscale de la nue-propriété attribuée à leur fils, qui, en vertu de l’acte du 27 avril 1991, a interdiction formelle d’aliéner le bien donné « durant la vie du donateur et celle du survivant d’eux », qu’à cet égard, le président du conseil général de l’Aisne peut décider de reporter la récupération récursoire en tout ou partie dans la mesure où M. Y… n’est pas en possession des sommes réclamées ; dans un troisième temps que le président du conseil général ne s’est nullement expliqué sur les raisons pour lesquelles il a attendu juillet 2007 pour revendiquer la récupération d’une donation effectuée en avril 1991, ce qui est éminemment critiquable ; dans un quatrième temps que M. Y… entend réserver la portion de nue-propriété lui revenant pour la consacrer à ses parents âgés qui pourraient être dans une situation de besoin dans l’avenir ;

Vu le mémoire en défense produit par le président du conseil général de l’Aisne en date du 17 octobre 2014 qui conclut au maintien de la décision aux motifs que le recours exercé à l’encontre de la donation consentie par M. X… et Mme X… à leur fils M. Y… en avril 1991 est légalement fondé dès lors qu’elle est intervenue dans les 10 ans précédant la première demande d’admission à l’aide ménagère intervenue le 1er janvier 1993, qu’il est exercé jusqu’à concurrence de la valeur des biens donnés par le bénéficiaire de l’aide sociale, appréciée au jour de l’introduction du recours conformément aux dispositions de l’article R. 132‑11 du code de l’action sociale et des familles ; que le recours n’a été ordonné qu’en juillet 2007 du fait de l’ignorance des services du conseil général de l’existence de cette donation, que c’est par courrier en date du 22 mai 2007 que les époux ont averti eux-mêmes les services du conseil général de l’existence de cette donation suite à un appel les informant des modalités de récupération des frais avancés au titre de l’aide sociale à domicile ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu, à l’audience publique du 21 juin 2016, Mme DERVIEU, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 132‑8 (2o) du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département (…) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les 10 ans qui ont précédé cette demande » ; qu’aux termes de l’article R. 132‑11 du même code : « Les recours prévus à l’article L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale (…) » ;

Considérant qu’aux termes du 4e alinéa de l’article R. 132‑11 dudit code, « le président du conseil général ou le préfet fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X… a été admise au bénéfice de l’aide sociale pour la prise en charge d’une aide ménagère à compter du 1er janvier 1993, que cette prestation est susceptible de récupération dans les conditions précisées par les textes susvisés ;

Considérant que M. X… et Mme X… ont consenti à un acte de donation de la nue-propriété de leur résidence principale à leur fils M. Y… établi le 27 avril 1991 par Maître Yves LAUNOIS, notaire, soit 2 ans avant la première demande d’admission à l’aide sociale de Mme X… ; que la donation a donc bien été effectuée dans les 10 ans précédant la prise en charge par l’aide sociale de Mme X…, que le recours en récupération sur donation ordonné par le président du conseil général est donc fondé ;

Considérant toutefois que la donation dont a bénéficié M. Y… porte uniquement sur la nue-propriété du bien de ses parents, que ce bien, dont M. X… et Mme X… sont les usufruitiers, ne peut être ni aliéné, ni hypothéqué ; que le donataire ne bénéficie donc d’aucun enrichissement immédiat ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de reporter au décès de Mme X… (M. X… étant décédé le 9 juillet 2014) ou à la vente du bien immobilier si celle-ci intervient avant, la récupération des sommes avancées au titre de l’aide sociale pour la prise en charge des frais d’aide ménagère dont a bénéficié Mme X…,

Décide

Art. 1er.  La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne est réformée en ce qu’elle est contraire à la présente décision.

Art. 2.  La récupération de la créance d’aide ménagère est reportée au décès de Mme D… ou à la vente du bien immobilier, si celle-ci intervient avant.

Art. 3.  La demande d’annulation de Maître Edith GUILLANEUX de la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne est rejetée.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à Maître Edith GUILLANEUX, à M. Y… et au président du conseil départemental de l’Aisne. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 21 juin 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme DERVIEU, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 30 novembre 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET