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Dispositions spécifiquesaux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Récupération sur succession – Capitaux placés – Procuration – Donation – Preuve – Recours en récupération

Dossier no 140321

Mme X…

Séance du 25 avril 2016

Décision lue en séance publique le 7 novembre 2016

Vu le recours formé le 27 octobre 2013 par Mme Y… tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale du Rhône réunie le 6 septembre 2013 ayant rejeté le recours et confirmé la décision du président du conseil général du 19 juillet 2012 pour la récupération de la créance d’aide sociale d’un montant de 7 429,17 euros pour l’hébergement de Mme X… à l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Fondation Z… ;

La requérante soutient que la décision contestée est arbitraire car elle n’a pas été informée de la séance du 6 septembre 2013 ni entendue, rendant une décision sur les seuls éléments fournis par Mme B… qui est aussi secrétaire de la commission ; que toute personne a le droit de se défendre et que personne ne peut être juge et partie ; que l’article 1er de la décision indique que Mme X…, sa tante, décédée le 24 avril 2011, a effectué une donation d’une valeur de 14 858,35 euros à partir du 24 janvier 2004, soit trois mois avant son entrée en EHPAD, sans aucune preuve venant étayer les dires du département et sans avoir entendu les personnes accusées ; que pour mémoire, la demande d’aide sociale a été déposée en août 2004 et accordée le 7 septembre 2007 ; que lorsque Mme X… a été admise au titre de l’aide sociale, les sommes figuraient toujours sur son compte ; que les chambres des maisons de retraites sont sommairement équipées et que de l’électroménager a dû être acheté ; qu’en dix ans, des frais ont dû être engagés pour renouveler la garde-robe et l’appareil auditif de Mme X… ; qu’on ne peut la soupçonner d’avoir pris cet argent trois mois avant son admission et que la décision jette le discrédit sur l’aide qu’elle a pu apporter pour aider sa tante ; que Mme X… étant à ce jour décédée, il est impossible de fournir quelque justificatif que ce soit ; que Mme X… a vécu d’avril 2004 jusqu’à son décès en avril 2011 en maison de retraite et que la somme réclamée ne représente qu’environ 170 euros par mois ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré le 16 juin 2014, le mémoire en défense du président du conseil général du Rhône ; il soutient que Mme X… a bénéficié d’une avance du département au titre de la prise en charge de ses frais d’hébergement du 27 avril 2004 au 24 avril 2011 pour un montant de 98 629,04 euros sur laquelle a été récupérée la somme de 19 854,11 euros sur la succession de Mme X… ; que les documents du dossier d’aide sociale font apparaître une diminution de son épargne ; que le livret A présentait un solde créditeur de 14 585,35 euros au 24 janvier 2004 alors que les avoirs sur ce même compte étaient proches de zéro au 7 janvier 2011 ; que les courriers adressés par le département le 10 mai 2012 aux deux personnes ayant procuration sur les comptes de Mme X… sont restés, l’un sans réponse de M. G…, l’autre sans explication ni justificatif de la part de Mme Y… ; que le président du conseil général a, par décision du 19 juillet 2012 confirmée par la commission départementale d’aide sociale, prononcé la récupération à l’encontre de M. G… et Mme Y… la somme de 7 429,17 euros chacun compte tenu de la donation que Mme X… leur a consentie à compter du 24 janvier 2004, trois mois avant la demande d’aide sociale ; que, concernant le bien-fondé de la récupération, l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles dispose que le département peut exercer un recours contre donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; que la créance d’aide sociale résiduelle (une fois exercé le recours contre la succession) s’élève à 78 774,93 euros que le département est en droit de récupérer au titre du recours contre donataire en application de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles ; que concernant la diminution de l’épargne de Mme X… (14 858,35 euros au 24 janvier 2004, trois mois avant que l’aide sociale lui soit accordée), aucun justificatif n’a pu être présenté par les deux personnes qui avaient procuration sur les comptes de Mme X…, M. G… et Mme Y… ; qu’au décès de Mme X…, la fondation Z… qui l’hébergeait détenait 939,59 euros au titre de l’argent de poche ce qui signifie que pour les sept années de placement, l’argent de poche de Mme X… n’a pas été reversé sur ses comptes et a été utilisé en presque totalité ; que Mme Y… a été informée dès le 29 octobre 2012 par lettre de la commission départementale d’aide sociale du Rhône de la possibilité d’être entendue par cette commission et qu’elle devait en aviser le secrétariat de la commission par courrier sous un mois ; que si le département ne remet pas en cause l’investissement de Mme Y… au profit de Mme X… relevant de la solidarité familiale, il ne peut en être tenu compte lors de la récupération ; que le maintien de la décision de récupération de la somme de 7 429,17 euros à l’encontre de Mme Y… est sollicité ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 25 avril 2016, Mme GOMERIEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas par l’Etat ou le département : 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire ; qu’aux termes de l’article R. 132‑11 du même code, « Les recours prévus à l’article L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale » ; que le recours en récupération est exercé contre la succession du bénéficiaire, et non sur les biens propres des héritiers, dans la limite de l’actif net successoral et à hauteur des prestations allouées ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction du dossier que Mme X… a bénéficié de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement en EHPAD du 27 avril 2004 jusqu’à son décès le 24 avril 2011 ; que les avances du département s’élèvent à 98 629,04 euros et que la somme de 19 854,11 euros au titre du recours en récupération contre succession a été récupérée par le département ; que la somme résiduelle s’élève à 78 774,93 euros ; qu’il ressort des éléments du dossier que Mme X… détenait un Livret A présentant un solde créditeur de 14 858,35 euros le 24 janvier 2004 et proche de zéro le 7 janvier 2011 ;

Considérant par ailleurs, que s’il n’est pas contesté que deux personnes dont la requérante avaient procuration sur le livret A de Mme X…, aucun élément du dossier ne permet d’établir que soit Mme X… était sous tutelle, soit qu’elle n’ait pas fait fonctionner elle-même son livret A ; que l’affirmation du conseil général selon laquelle « Mme X… a effectué une donation » n’est étayée par aucun élément ; qu’en l’absence de toute preuve quant à une quelconque donation, il ne peut être exercé de récupération sur donation ; que de plus, rapporté à la période envisagée, du 24 janvier 2004 au 7 janvier 2011, la somme envisagée correspond à une sortie mensuelle d’environ 170 euros ce qui semble relativement raisonnable au regard des besoins financiers d’une personne âgée ; que surabondamment, si le conseil général envisage que la situation est constitutive d’un abus de faiblesse, il lui appartient de procéder à un signalement au procureur de la République ; qu’il en ressort que la commission départementale d’aide sociale du Rhône a commis une erreur de droit en requalifiant la procuration en donation ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler la décision du président du conseil général ensemble la décision de la commission départementale d’aide sociale dans les termes du dispositif,

Décide

Art. 1er.  Ensemble la décision de la commission départementale d’aide sociale du Rhône du 6 septembre 2013 et la décision du président du conseil général du 19 juillet 2012 sont annulées.

Art. 2.  La présente décision sera notifiée à Mme Y…, au président du conseil départemental du Rhône, à la Métropole de Lyon. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 25 avril 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme GOMERIEL, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 7 novembre 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET