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Dispositions spécifiquesaux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

Placement en établissement

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Prise en charge – Renouvellement – Décision – Motivation

Dossier no 140410

Mme X…

Séance du 26 septembre 2016

Décision lue en séance publique le 30 novembre 2016

Vu le recours formé le 25 juin 2014 par l’association tutélaire du Pas-de-Calais tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale du Pas-de-Calais réunie le 16 mai 2014 qui a confirmé la décision du président du conseil général du 24 février 2014 ayant rejeté la demande de renouvellement de prise en charge des frais d’hébergement de Mme X… au regard des ressources de la bénéficiaire augmentées de l’aide possible des enfants ;

La requérante soutient que, sur la forme, la simple mention « compte tenu de ses ressources augmentées de l’aide possible de ses enfants » est un argument insuffisant pour expliquer le refus d’aide sociale et entache le principe du contradictoire ; que la motivation des décisions doit être écrite, comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision et ne pas se limiter à la simple mention des textes de loi ; que cette motivation s’étend aux décisions par lesquelles les organismes et institutions refusent l’attribution d’aides ou de subventions dans le cadre de leur action sanitaire et sociale ; que, sur l’argument des ressources insuffisantes, les frais de séjour en maison de retraite, auxquels s’ajoutent la somme laissée à la disposition de l’intéressée, la cotisation mutuelle et la participation financière à la mesure de protection s’élèvent à un montant mensuel de 2 765,92 euros ; que Mme X… perçoit 2 085,97 euros de ressources mensuelles ; que suivant un jugement du 14 juin 2011 du tribunal de grande instance de Béthune, les enfants de l’intéressée contribuent à l’entretien de leur mère à hauteur de 805 euros par mois ; que le 6 mars 2012, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Béthune décharge Mme A… et M. S… de leur obligation alimentaire pour impécuniosité ; que Mme A… a ensuite retrouvé un travail et par jugement du 27 janvier 2015, le juge aux affaires familiales fixe la contribution alimentaire de Mme A… à 50 euros par mois ; que le montant total des pensions alimentaires versées par les enfants s’élèvent à 755 euros par mois, ce qui est insuffisant au regard des charges mensuelles ;

Vu la décision attaquée ;

Vu l’absence de mémoire en défense du président du conseil général du Pas-de-Calais ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 26 septembre 2016, Mme GOMERIEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article 205 du code civil : « Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin. » ; qu’aux termes de l’article 208 du même code : « Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit. » ; qu’en vertu de l’article L. 132‑6 du code de l’action sociale et des familles : « Les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. (…) La proportion de l’aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l’obligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l’aide sociale d’une décision judiciaire rejetant sa demande d’aliments ou limitant l’obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l’organisme d’admission. (…) » ;

Considérant que s’il appartient aux seules juridictions de l’aide sociale de fixer le montant du concours des collectivités publiques en vue de l’hébergement des personnes prises en charge au titre de l’aide sociale, compte tenu notamment de l’évaluation qu’elles font des ressources des intéressées ainsi que de celle des débiteurs de l’obligation alimentaire, il n’appartient en revanche qu’au juge judiciaire, en cas de contestation sur ce point, de fixer le montant des contributions requises au titre de l’une ou l’autre de ces obligations ; que, par suite, en cas de contestation du montant qu’il est proposé de laisser à leur charge, il appartient aux obligés alimentaires de saisir le juge aux affaires familiales ; que le représentant de l’Etat ou le président du conseil général peut également saisir ce dernier pour demander à l’autorité judiciaire la fixation de la dette alimentaire et le versement de son montant ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction du dossier que Mme X… est entrée en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) le 27 avril 2009 ; que, par décision du 12 décembre 2011, le président du conseil général a admis Mme X… au bénéfice de l’aide sociale le 1er juillet 2009 moyennant le reversement de 90 % de ses ressources ainsi que la participation mensuelle de ses enfants à hauteur de 805 euros ; que suite au renouvellement de cette demande d’aide sociale le 8 octobre 2013, le président du conseil général a, le 24 février 2014, décidé de rejeter la demande de prise en charge des frais d’hébergement selon la motivation suivante « compte tenu de ses ressources augmentées de l’aide possible de ses enfants » ; que, par décision du 16 mai 2014, la commission départementale d’aide sociale du Pas-de-Calais a confirmé la décision contestée selon les mêmes motivations ; que cette décision est contestée devant la commission centrale d’aide sociale ;

Considérant que la décision du président du conseil général motive le rejet du recours ainsi : « compte tenu des ressources augmentées de l’aide possible des enfants » ; que cette mention ne suffit pas pour permettre de connaître les motifs qui ont conduit à la décision de rejet de la demande de prise en charge des frais d’hébergement ; que ladite décision doit être annulée, ensemble la décision de la commission départementale d’aide sociale du Pas-de-Calais qui l’a confirmé ; qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;

Considérant que sur le fond, Mme X… a treize enfants ; que par jugement du juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Béthune le 6 mars 2012, ce dernier a déchargé Mme A… de son obligation alimentaire en raison de son impécuniosité, à l’identique de M. S… par la même juridiction le 23 avril 2013 ; que Mme A… a retrouvé un travail et sur saisine de l’association tutélaire du Pas-de-Calais, le juge aux affaires familiales a, par jugement du 27 janvier 2015, fixé la contribution alimentaire de Mme A…à 50 euros par mois ; que le montant total des pensions alimentaires versées par les enfants de Mme X… s’élève à 755 euros mensuels ; qu’aux regard des nombreuses informations concernant les ressources et charges de X…, il n’apparaît pas possible de calculer le montant des droits de cette dernière ; que l’examen des droits de Mme X… est renvoyé devant le président du conseil départemental du Pas-de-Calais,

Décide

Art. 1er.  La décision du président du conseil général du 24 février 2014 du Pas-de-Calais, ensemble la décision de la commission départementale d’aide sociale du Pas-de-Calais réunie le 16 mai 2014, sont annulées.

Art. 2.  L’examen des droits de Mme X… est renvoyé devant le président du conseil départemental du Pas-de-Calais.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à l’Association tutélaire du Pas-de-Calais, au président du conseil départemental du Pas-de-Calais. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 26 septembre 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme GOMERIEL, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 30 novembre 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET