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Dispositions spécifiquesaux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH)

Placement en établissement

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) – Placement – Tuteur – Service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) – Participation financière – Actif successoral – Aide sociale facultative

Dossier no 150036

Mme X…

Séance du 7 octobre 2016

Décision lue en séance publique le 7 octobre 2016 à 13 heures

Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 16 janvier 2015, la requête présentée par Mme Y…, en sa qualité de tutrice de sa fille Mme X…, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne en date du 26 septembre 2014, qui confirme la décision du 24 avril 2014 du président du conseil général de l’Yonne de laisser à la charge de sa fille une participation forfaitaire de 35 euros par mois pour son accompagnement par le service d’accompagnement médico-social pour adulte handicapé (SAMSAH) « F… » situé dans l’Yonne, par les moyens qu’elle n’avait pas été informée du caractère récupérable des sommes avancées par le département au titre de l’accompagnement de sa fille par le service d’aide à la vie sociale (SAVS), puis par le SAMSAH « F… » ; qu’aucun détail quant au forfait, trop élevé, laissé à la charge de sa fille ne lui a été fourni ; qu’enfin, la créance que le département affirme détenir au titre des sommes avancées pour l’accompagnement de l’intéressée doit également être recalculée et réduite au vu des sommes réellement avancées par le département ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré le 16 janvier 2015, le mémoire en défense présenté par le président du conseil général de l’Yonne ; il fait valoir que le département a estimé qu’une information systématique du caractère récupérable de la prestation litigieuse n’était pas nécessaire, les récupérations restant exceptionnelles au vu de la législation et une telle information risquant d’inquiéter la majorité des familles ; qu’il ne s’agit que d’une récupération hypothétique, qui ne pourrait intervenir qu’au décès du bénéficiaire et n’aurait donc aucune incidence sur sa vie ; que cette récupération dépendrait, en outre, de la qualité des héritiers et s’effectuerait sur la part de l’actif de succession supérieur à 46 000 euros, à hauteur de la créance ; qu’enfin, le calcul de la créance est effectué sur la base d’un prix de journée fixé par arrêté ; qu’il ne s’agit pas d’un paiement à l’acte mais d’un paiement globalisé sur l’année entière, quelle que soit la périodicité des visites ; qu’en l’espèce, l’intéressée a bénéficié d’un accompagnement par le SAVS « F… » du 17 janvier 2005 au 31 juillet 2008 ; qu’à ce titre, le montant des sommes avancées par la collectivité s’élève à 18 053,60 euros ; que pour son accompagnement par le SAMSAH « F… » du 1er août 2008 au 31 mai 2014, le montant est de 48 457,28 euros, soit une créance totale de 66 510,88 euros ;

Vu, enregistré le 20 octobre 2015, le mémoire en réplique présenté par Maître Fabien KOVAC, pour Mme X… ; elle demande à la commission centrale d’aide sociale :

1o A titre principal, annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne en date du 26 septembre 2014 et la décision du président du conseil général de l’Yonne en date du 24 avril 2014 pour insuffisance de motivation et erreur d’appréciation ;

2o Fixer à hauteur de 10 euros par mois la participation de sa fille ;

3o Ordonner au président du conseil départemental de l’Yonne de lui communiquer le détail des sommes réellement avancées par le département ;

4o Dire que les sommes litigieuses avancées par le département de l’Yonne ne sont pas récupérables ;

5o A titre subsidiaire, dire que lesdites sommes doivent être réévaluées ;

6o En tout état de cause, mettre à la charge du département de l’Yonne la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative ;

La requérante soutient que le montant de la participation laissée à la charge de sa fille est irrégulier, d’une part, parce que celui-ci varie sans explication, d’autre part, parce qu’aucune information ne lui a été transmise quant au prix de journée fixé et quant au détail des prestations facturées ; que sa fille ne bénéficie d’une prise en charge du service d’accompagnement « F… » que de quatre à cinq heures par mois ; que, dès lors, la contribution laissée à sa charge ne saurait être calculée en fonction d’une fréquentation à temps plein ; qu’enfin, les sommes avancées par le département, faute d’information, ne peuvent être récupérées, ou doivent, en tout état de cause et à titre subsidiaire, être réévaluées au regard des sommes réellement avancées par le département en fonction de la fréquentation effective de l’établissement par l’intéressée ;

Vu, enregistré le 18 janvier 2016, le mémoire complémentaire présenté par le président du conseil départemental de l’Yonne qui fait valoir que les arrêtés de tarification ont bien été fournis à la requérante ; que le détail de la créance ne peut être plus précis que le prix de journée, qui sert de base de calcul pour toute créance ; que ce prix de journée est indiqué dans la notification de la décision contestée ; que, s’agissant d’un service d’accompagnement, la prise en charge est diffuse et ne se limite pas à une activité précise ; que, dès lors, le financement est globalisé et la participation du bénéficiaire, indépendante du nombre d’heures du suivi, est forfaitaire, calculée en fonction d’un barème voté par l’assemblée départementale et prévu dans le règlement départemental d’aide sociale de l’Yonne et tient compte des ressources et des charges de logement ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 7 octobre 2016, Mme Camille ADELL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant que, par décision du 22 septembre 2005, la commission d’admission à l’aide sociale de l’Yonne a admis la prise en charge du coût du suivi de Mme X… par le SAVS « C… » à partir du 17 janvier 2005, puis par le SAMSAH « F… » à compter du 1er août 2008 ; que l’intéressée bénéficie d’un accompagnement par ce service de quatre à cinq heures par mois ; que son taux de contribution, initialement de 17 % du prix de journée, auquel s’est substituée par la suite une participation forfaitaire mensuelle, a varié entre 2005 et 2014 ; que par décision du 24 avril 2014, le président du conseil général de l’Yonne a porté la participation de l’intéressée à 35 euros par mois pour la période du 1er décembre 2013 au 30 septembre 2015 ; que par courrier du 2 mai 2014 puis du 16 mai 2014, le président du conseil général de l’Yonne a informé Mme X… que les sommes avancées par le département étaient récupérables et qu’à ce titre sa créance s’élevait à la somme de 66 094,40 euros ; qu’elle a sollicité l’interruption de la prise en charge de sa fille par le SAMSAH à compter du 1er juin 2014 ; que le 26 juin 2014, le président du conseil général de l’Yonne précisait à Mme X… que l’action en remboursement des sommes avancées par le département ne pourrait, en tout état de cause, être formée qu’après le décès de la bénéficiaire ; que, par courrier du 21 juillet 2014, le président du conseil général a maintenu le montant de la participation forfaitaire de l’intéressée à 35 euros par mois ; que, le 11 septembre 2014, Mme X…, en sa qualité de mère et tutrice de la bénéficiaire, a fait appel de la décision du 21 juillet 2014 ; que la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne, par une décision du 26 septembre 2014, a rejeté le recours de la requérante aux motifs qu’elle avait eu connaissance du détail des prestations facturées, le conseil général ayant calculé le montant de la participation du bénéficiaire en fonction du prix de journée arrêté par le président du conseil général, et que la méconnaissance du recours du conseil général n’avait aucune incidence sur le principe de ce recours ; que la requérante a fait appel de cette décision devant la commission centrale d’aide sociale le 17 octobre 2014 ;

Sur le montant de la participation laissée à la charge de Mme X… ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 312‑1 du code de l’action sociale et des familles : « I.  Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d’une personnalité morale propre, énumérés ci-après : (…) 7o Les établissements et les services, y compris les foyers d’accueil médicalisé, qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert » ; que l’article R. 314‑105 du même code dispose que » Les dépenses liées à l’activité sociale et médico-sociale des établissements et services régis par le présent chapitre sont, sous réserve de l’habilitation mentionnée à l’article L. 313‑6, prises en charge : I.  Pour les établissements et services mentionnés au 1o de l’article L. 312‑1  : 1o Pour ceux des services d’aide à domicile qui relèvent également des 6o et 7o du même article, par le département (…) » ; que l’article L. 344‑5 du même code dispose que : « Les frais d’hébergement et d’entretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés au b du 5o et au 7o du I de l’article L. 312‑1, à l’exception de celles accueillies dans les établissements relevant de l’article L. 344‑1, sont à la charge : 1o A titre principal, de l’intéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous d’un minimum fixé par décret et par référence à l’allocation aux handicapés adultes (…) ; 2o Et, pour le surplus éventuel, de l’aide sociale (…) » ;

Considérant qu’il résulte des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles que les dépenses liées aux SAVS et aux SAMSAH, qui relèvent du 7o de l’article L. 312‑1 dudit code, incombent au département pour les frais d’accompagnement à la vie sociale ; que, si les dispositions réglementaires relatives à l’organisation, au fonctionnement et à la tarification de ces services ont été prises, consécutivement à la loi no 2002‑2 du 2 janvier 2002, l’article L. 344‑5 du même code ne prévoit la prise en charge par l’aide sociale au titre de l’aide sociale légale que des frais d’hébergement et d’entretien en établissement et non en service ; que, dès lors, le financement de ces services relève de l’aide sociale facultative mise en place par le département et non de l’aide sociale légale ;

Considérant qu’il n’appartient pas au juge de l’aide sociale de connaître des décisions administratives prises dans le cadre de l’aide sociale facultative, ces décisions relevant de la compétence du juge administratif de droit commun ; que, dès lors, la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne, en ce qu’elle est entachée d’incompétence, doit être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, qu’il y a lieu de rejeter la demande de la requérante tendant à annuler la décision litigieuse du président du conseil général de l’Yonne et à fixer à 10 euros par mois la participation de sa fille ; qu’il appartiendra à la requérante, si elle s’y croit fondée, de saisir, dans les conditions de délai qui lui sont imparties, la juridiction compétente de la question du montant de la participation laissée à la charge de sa fille ;

Sur la créance du département au titre des frais avancés ;

Considérant, en premier lieu, qu’il n’existe aucune obligation pour l’administration, quand elle accorde une prestation d’aide sociale, d’informer les héritiers éventuels d’un possible recours en récupération sur succession ; que, dès lors, le moyen invoqué par la requérante et tiré du caractère non récupérable des frais avancés par le département au titre de l’accompagnement de sa fille au SAVS puis au SAMSAH « F… » pour défaut d’information, ne peut qu’être rejeté ;

Considérant, en second lieu, que les décisions de récupération peuvent faire l’objet d’un recours devant les juridictions de l’aide sociale pour les prestations versées par le département ; qu’en l’espèce, aucune décision de récupération n’est intervenue ; que la créance contestée par la requérante est relative à une récupération qui reste éventuelle et hypothétique ; que, dès lors, la créance n’est pas certaine ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la créance n’étant pas actuelle et aucune action en récupération n’étant intervenue, la demande de la requérante d’en réévaluer le montant ne peut qu’être rejetée ;

Considérant que Mme X… sollicite la condamnation du département de l’Yonne à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative ; qu’il ne saurait être fait droit à une demande présentée sur un tel fondement, les dispositions de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative n’étant pas applicable dans la présente instance,

Décide

Art. 1er.  La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne du 26 septembre 2014 est annulée.

Art. 2.  La requête présentée par Mme Y…, en sa qualité de tutrice, pour Mme X…, est rejetée.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Mme Y…, au président du conseil départemental de l’Yonne, à Maître Fabien KOVAC. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 7 octobre 2016 où siégeaient M. Denis RAPONE, président, Mme Pauline DESCHAMPS, assesseure, Mme Camille ADELL, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 7 octobre 2016 à 13 heures.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET