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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Retour à meilleure fortune

Mots clés : Retour à meilleure fortune – Recours en récupération – Bien immobilier – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Usufruit – Jugement – Compétence juridictionnelle

Dossier no 140319

Mme X…

Séance du 25 avril 2016

Décision lue en séance publique le 26 septembre 2016

Vu le recours formé le 16 juin 2014 par M. Y…, tuteur de Mme X…, représenté par Maître Arnaud HOUSSAIN, tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale du Bas-Rhin réunie le 17 février 2014 ayant rejeté le recours et confirmé la décision du président du conseil général du 16 juillet 2013 de récupération de la créance d’aide sociale d’un montant de 8 697,76 euros au titre du retour à meilleure fortune ;

Le requérant soutient que, sur l’absence de retour à meilleure fortune suite à la vente de biens immobiliers, Mme X… était propriétaire d’un bien immobilier en indivision dans le Bas-Rhin estimé entre 75 000 et 80 000 euros par un notaire ; qu’une convention du 7 janvier 2013 fait état de la répartition du produit de la vente entre les individisaires, les consorts X… ; que Mme X… a perçu la somme de 32 700 euros sur le prix de vente total et que les autres co-individisaires, excepté Mme O…, ont attribué leurs parts à Mme X… qui a donc perçu la somme totale de 60 000 euros ; que par courrier du 22 février 2013, Maître THOMAS, notaire, informait M. Y…, tuteur de Mme X…, de l’affectation de la somme de 25 939,89 euros à la maison de retraite où réside Mme X… ; que Mme X… était encore redevable de la somme de 12 668,74 euros au profit de la maison de retraite R… pour 2012 et pour les mois de janvier à mars 2013, somme qui a été acquittée dès la réception des fonds ; qu’à ce jour, Mme X… dispose de 21 934,93 euros mais elle est encore redevable de 8 381,35 euros au profit de ladite maison de retraite pour la période de juin 2013 à octobre 2013 ; qu’en conséquence, Mme X… ne va bientôt disposer que de la somme de 13 500 euros hors frais de nécessité de la vie courante, ce qui laisse dubitatif sur le retour à meilleure fortune ; que selon la jurisprudence, deux critères cumulatifs caractérisent le retour à meilleure fortune ; qu’il doit s’agir d’un événement nouveau, matériel ou non, qui améliore la situation économique de l’intéressée, il en est ainsi en cas de mariage, héritage, remboursement de créances antérieurement non recouvrable, gains exceptionnels (CCAS, 12 mai 2002) ; qu’il doit également être constaté une augmentation du patrimoine ou des revenus et qu’ainsi la vente d’un immeuble dont le bénéficiaire était déjà propriétaire lors de son admission à l’aide sociale ne constitue pas un « retour à meilleure fortune » (CCAS, 15 mars 1999) ; que, d’une part, les sommes reçues au titre de la vente de l’immeuble dont était propriétaire Mme X… ne peuvent constituer un retour à meilleure fortune, celle-ci étant initialement propriétaire du bien immobilier vendu au moment de l’octroi de l’aide sociale ; que, d’autre part, le reste des legs obtenus a été immédiatement utilisé pour couvrir les frais dus à la maison de retraite ; que le fait que Mme X… n’a réalisé aucune plus-value sur la vente des biens immobiliers n’est pas prouvée ; qu’enfin, la commission départementale reconnaît que le « reliquat du produit de la vente s’élevait à 13 500 euros et qu’il est admis que ce reliquat ne permettra pas à Mme X… de régler d’ici une année les frais d’hébergement et que Mme X… serait, eu égard à ses revenus, en mesure de bénéficier de l’aide sociale » ; qu’ainsi, Mme X…, selon la commission départementale, doit rembourser la créance détenue par le département du fait du retour à meilleure fortune, mais peut bénéficier de l’aide sociale du fait de sa nouvelle situation précaire ; que suite au remboursement des aides avancées par le département, Mme X… ne bénéficiera plus que d’un capital de 4 802,24 euros pour payer les mensualités de la maison de retraite de 1 800 euros par mois ; que l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles permet au département d’obtenir du bénéficiaire de prestations d’aide sociale, Mme X…, le remboursement de ces dernières lorsque la situation d’impécuniosité dans laquelle elle se trouvait et qui a justifié la prise en charge disparaît, étant revenu à meilleure fortune ; que le retour à meilleure fortune n’est pas caractérisé car le remboursement demandé plonge Mme X… dans une situation d’impécuniosité et justifie au contraire une nouvelle prise en charge par le département ; qu’il convient de faire droit au recours ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré le 16 juin 2014, le mémoire en défense du président du conseil général du Bas-Rhin en réponse au recours formé par M. Y… contre le département du Bas-Rhin devant le tribunal administratif de Strasbourg ; que le département soulève les moyens de l’incompétence du tribunal administratif en matière d’opposition à tiers détenteur relative à une aide sociale d’hébergement et du bien-fondé de l’opposition à tiers détenteur ;

Vu, enregistré le 16 juin 2014, le mémoire en défense du président du conseil général du Bas-Rhin ; il soutient que l’aide sociale départementale a été accordée à Mme X… au regard de son insolvabilité et nonobstant l’existence du bien immobilier ; qu’en application des dispositions légales, pour l’analyse du droit au bénéfice de la prestation, il n’est tenu compte que des intérêts des capitaux placés et non du capital lui-même ; qu’en deuxième lieu, le produit issu de la vente d’un bien immobilier ne peut être considéré comme un retour à meilleure fortune sous réserve d’une plus-value conséquente sur la vente dudit bien ; qu’en l’espèce, si la qualification juridique de la base légale de la décision du 16 juillet 2013 peut prêter à discussion, le fond doit l’emporter sur la forme ; qu’il est constant que c’est exclusivement sur demande de Mme X… que les services compétents se sont basés pour, d’une part, interrompre l’aide sociale et, d’autre part, procéder à la récupération des avances consenties ; que reprocher au département du Bas-Rhin d’avoir fait droit à la demande d’un usager reviendrait à admettre qu’il serait possible de se prévaloir sa propre turpitude ; qu’ainsi, il est demandé pourquoi le requérant ne conteste pas la décision de suppression de l’aide sociale alors même qu’elle est issue, tout comme la décision de récupération, de la même demande datée du 22 février 2011 ; que Mme X… conserve la possibilité de solliciter le bénéfice de l’aide sociale à tout moment ; qu’il convient de rejeter l’appel de M. Y… et de l’inviter à solliciter un échéancier de remboursement auprès de la paierie départementale du Bas-Rhin ; que le maintien de la décision contestée est sollicité ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 25 avril 2016 Mme GOMERIEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas par l’Etat ou le département : 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire ; qu’aux termes de l’article R. 132‑11 du même code, « Les recours prévus à l’article L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale » ; que le recours en récupération est exercé contre la succession du bénéficiaire, et non sur les biens propres des héritiers, dans la limite de l’actif net successoral et à hauteur des prestations allouées ;

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 132‑9 du code de l’action sociale et des familles « pour la garantie des recours prévus à l’article L. 132‑8 les immeubles appartenant aux bénéficiaires de l’aide sociale sont grevés d’une hypothèque légale » ; qu’il résulte de ces dispositions que la collectivité qui fait l’avance des prestations d’aide sociale ne peut percevoir le montant des sommes correspondant à une hypothèque inscrite pour en garantir le recouvrement que pour autant qu’un recours entrant dans le champ de ceux prévus à l’article L. 132‑8 est prévu par la loi et qu’elle ne peut obtenir restitution des prestations avancées que lorsque le recours légalement prévu est effectivement susceptible d’être exercé ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction du dossier que, suite à sa demande d’aide sociale du 24 novembre 2009, Mme X… s’est vu accorder la prise en charge de ses frais de séjour en EHPAD à compter du 1er août 2009 par décision du 12 octobre 2010 ; que par courrier du 22 février 2011, Mme X… a informé les services compétents du département du Bas-Rhin de son souhait de renoncer au bénéfice de la prestation au motif que le bien dont elle-même disposait serait mis en vente et s’engageait par ailleurs à rembourser au département les sommes avancées au titre de l’aide sociale ; qu’ ainsi, le département a fait établir un état comptable indiquant le montant effectif de la créance pour la période du 1er septembre 2010 au 28 février 2011, soit un montant de 8 697,76 euros à récupérer auprès de Mme X… ; qu’une décision de récupération du 16 juillet 2013 a été notifiée à M. Y…, tuteur légal de Mme X… ; que M. Y… a introduit un recours contentieux auprès de la commission départementale d’aide sociale qui a rejeté le recours ;

Considérant que le recours en récupération en cas de retour à meilleure fortune s’exerce du vivant du bénéficiaire de l’aide sociale, lorsqu’un événement nouveau vient améliorer sa situation de sorte qu’il dispose alors d’un patrimoine suffisant pour rembourser les prestations d’aide sociale récupérables perçues jusqu’alors ; que la jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale du 26 juin 1987, « Département de l’Allier », selon laquelle la vente d’un immeuble dont le bénéficiaire était déjà propriétaire lors de son admission à l’aide sociale ne constitue pas un retour à meilleure fortune, ne saurait s’appliquer à la situation de Mme X… dans la mesure où cette dernière a non seulement bénéficié du produit de la vente du bien immobilier pour sa part indivise mais également du produit de la vente des autres parts ; qu’en effet, Mme X… possédait en indivision une maison d’habitation pour laquelle elle était à 24/48 propriétaire en pleine propriété et usufruitière légale du quart pour l’une des parcelles et à concurrence de 24/96 en pleine propriété et usufruitière légale du quart pour l’autre parcelle ; que Mme X… a donc perçu 32 700 euros du produit de la vente de 80 000 euros, mais également une somme de 27 300 euros de la part des autres bénéficiaires de la vente du bien immobilier, soit au total 60 000 euros ; que les créances de 25 939,89 euros, de 12 668,74 et de 8 381,35 euros dues à la maison de retraite ont été imputées au montant de 60 000 euros, laissant ainsi une somme de 13 500 euros à Mme X… ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commission départementale d’aide sociale a légalement justifié sa décision en considérant que le reliquat du produit de la vente de 13 500 euros, dont une partie sera affectée au remboursement de la créance de 8 697,76 euros, ne permettra pas à Mme X… de régler le montant de ses frais d’hébergement pour une année et qu’elle serait admise au bénéfice de l’aide sociale sur demande ; qu’en conséquence, il appartiendra à Mme X… de solliciter un échelonnement du remboursement de la dette laissée à sa charge auprès de la paierie départementale, seule habilitée à envisager un échéancier de paiement,

Décide

Art. 1er Le recours de M. Y… est rejeté.

Art. 2.  La présente décision sera notifiée à Maître Arnaud HOUSSAIN, au président du conseil départemental du Bas-Rhin. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 25 avril 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme GOMERIEL, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 26 septembre 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET