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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur succession

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur succession – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Tuteur – Obligation alimentaire – Récupération sur donation – Actif successoral – Assurance-vie

Dossier no 140623

M. X…

Séance du 30 novembre 2016

Décision lue en séance publique le 6 mars 2017

Vu le recours formé le 1er décembre 2014 par Mme Y… tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Vienne du 26 septembre 2014 ayant confirmé la décision du président du conseil général de la Vienne du 18 avril 2014 ayant décidé de procéder à la récupération de la créance départementale, d’une part, de 42 618,67 euros à la concurrence de l’actif net successoral de son père, M. X…, (9 905,64 euros) et, d’autre part sur le donataire à concurrence du capital perçu au titre du contrat d’assurance-vie (15 513,73 euros) ;

La requérante conteste la récupération d’une partie des 30 000 euros que M. X… avait obtenus au titre d’un  pretium doloris, suite au jugement rendu le 18 juin 2009 relatif à une chute ayant eu des conséquences physiques ; qu’informé de cette action et contrairement à la caisse primaire d’assurance maladie, le conseil général de la Vienne n’a pas exercé son recours de tiers payeur alors que les frais de prise en charge de son père découlaient des conséquences de cet accident ; que son père a été placé contre son gré à l’hôpital de Lusignan, adapté à son suivi du fait de la dégradation importante de son état physique ; qu’il lui a ensuite été signifiée sa contribution à l’obligation alimentaire le 4 avril 2007 ; qu’avec l’accord du juge des tutelles, elle a placé 15 000 euros sur une assurance vie au profit de M. Z…, unique petit-fils ; qu’à son décès, l’actif net successoral était de 9 905,64 euros récupérés par le conseil général, et l’assurance-vie de 15 513,73 euros ;

Vu, enregistré le 5 mai 2015, le mémoire en défense du président du conseil départemental de la Vienne ; qu’il soutient que contrairement à ce qu’indique Mme Y…, les frais d’hébergement de son père en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ne découlent pas de l’accident survenu lors de son séjour au centre hospitalier L… et le tribunal administratif précise dans son jugement que le préjudice patrimonial qui aurait résulté directement de la chute n’est pas établi du fait que M. X… était dans l’incapacité d’être maintenu à domicile en raison de son état de santé avant cette chute ; que seul le préjudice personnel a été retenu et évalué à hauteur de 30 000 euros ; qu’en décembre 2009, Mme Y… a informé le département, qui prenait en charge les frais d’hébergement de l’intéressé depuis le 23 novembre 2006, du capital que son père allait percevoir ; que, par courrier du 6 mai 2010, le département l’a avisée qu’elle pouvait utiliser ce capital pour des achats concernant M. X… et que ce capital entrait dans le patrimoine mobilier de son père qui bénéficiait d’une aide sociale départementale recouvrable au décès et devant figurer à l’actif net successoral ; que le capital a été utilisé et qu’au moment du décès le département a été informé que, sur ce capital, un contrat d’assurance-vie a été souscrit en 2010 par Mme Y…, tutrice de M. X… pour un montant de 15 513,73 euros qui ne rentre pas dans la succession ; que, sur jurisprudence constante de la commission centrale d’aide sociale et du Conseil d’Etat, l’administration de l’aide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes justifiant une récupération ; qu’un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, se dépouille au profit du bénéficiaire ; que l’acceptation du bénéficiaire a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire ; que le président du conseil général a estimé que, vu l’âge de M. X… au moment de la souscription du contrat d’assurance-vie, le montant des primes versées alors qu’il était placé en établissement au titre de l’aide sociale depuis quatre ans, l’absence de patrimoine, la souscription de ce contrat révélait l’intention libérale de l’intéressé de se dépouiller au profit du bénéficiaire et pouvait être requalifié en donation ; que selon l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles, le président du conseil général a décidé la récupération partielle de la créance départementale contre le donataire à concurrence du capital perçu ; que par ailleurs, Mme Y… indique n’avoir jamais été entendue par le conseil général alors qu’elle a été reçue lorsqu’elle s’y est présentée et a été entendue lors de la commission d’admission à l’aide sociale du 18 avril 2014 ; que M. X… n’est en effet pas responsable de ce qu’il a subi et que c’est à ce titre qu’il a perçu une indemnisation, mais que le département, qui a pris en charge les frais d’hébergement pendant toutes ces années, est en droit de récupérer tout ou partie de sa créance ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 30 novembre 2016 Mme GOMERIEL, rapporteure, Mme Y…, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département : (…) 3o Contre le légataire. En ce qui concerne les prestations d’aide sociale à domicile, de soins de ville prévus par l’article L. 111‑2 et la prise en charge du forfait journalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, l’existence d’un seuil de dépenses supportées par l’aide sociale, en deçà duquel il n’est pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire. » ; qu’en vertu des dispositions de l’article R. 132‑11 du même code : « Les recours prévus à l’article L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. / En cas de donation, le recours est exercé jusqu’à concurrence de la valeur des biens donnés par le bénéficiaire de l’aide sociale, appréciée au jour de l’introduction du recours, déduction faite, le cas échéant, des plus-values résultant des impenses ou du travail du donataire. / En cas de legs, le recours est exercé jusqu’à concurrence de la valeur des biens légués au jour de l’ouverture de la succession. / Le président du conseil général ou le préfet fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie. » ; qu’aux termes de l’article R. 132‑12 du même code : « Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire, prévu à l’article L. 132‑8, des sommes versées au titre de l’aide sociale à domicile (…) s’exerce sur la partie de l’actif net successoral qui excède 46 000 euros. Seules les dépenses supérieures à 760 euros, et pour la part excédant ce montant, peuvent donner lieu à recouvrement » ;

Considérant qu’il résulte du dossier que, par décision du 18 avril 2014, le président du conseil général de la Vienne a décidé de recouvrer cette créance à concurrence de l’actif net successoral estimé à 9 905,64 euros et sur le donataire à concurrence du capital perçu au titre du contrat d’assurance-vie (15 513,73 euros) ; que cette décision a été contestée par Mme Y…, fille de l’intéressé ; que par décision du 26 septembre 2014, la commission départementale a confirmé la récupération sur succession ; que Mme Y… forme un recours contre cette décision ;

Considérant que M. X… a été hébergé en l’EHPAD du 23 novembre 2006 au 17 août 2013, date de son décès, en bénéficiant de l’aide sociale à l’hébergement, sous réserve d’une participation de Mme Y… à l’obligation alimentaire de 250 euros depuis le 23 novembre 2006 ; qu’au décès de M. X…, la créance du département s’élevait à 42 618,67 euros ; que le département a opéré un recouvrement de celle-ci à concurrence de l’actif net successoral de 9 905,64 euros et sur le donataire à concurrence du capital perçu (15 513,73 euros) ; que par jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 juin 2009, M. X… reçoit une indemnité de 30 000 euros au titre du préjudice à caractère personnel, suite à un accident survenu lors de son séjour au centre hospitalier L… ; que ce jugement précise que le préjudice patrimonial qui aurait directement résulté de la chute n’est pas établi compte tenu que M. X… était dans l’incapacité d’être maintenu à domicile en raison de son état de santé avant même cette chute ; qu’au moment du décès de M. X… le département a eu connaissance d’un contrat d’assurance-vie souscrit par Mme Y… au nom de M. X… étant alors tutrice de ce dernier pour un montant de 15 000 euros et ayant comme bénéficiaire du capital le petit-fils de M. X… ; que par ailleurs Mme Y… a été reçue dans les services du département une première fois et lors de la commission départementale d’aide sociale de la Vienne du 18 avril 2014 ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction du dossier que suite à la perception de la somme de 30 000 euros reçue par M. X… au titre du préjudice personnel, le département avait précisé à Mme Y… que ce capital pouvait être utilisé comme elle le souhaitait mais qu’en vertu de l’article L. 132‑8 susvisé, le capital perçu entrait dans le patrimoine mobilier de M. X… et devrait figurer à l’actif net successoral en indiquant les prélèvements opérés sur celui-ci pendant la période de prise en charge ; qu’ainsi, le département était en droit de pouvoir récupérer une partie de la créance de 42 618,67 euros, à concurrence de l’actif net successoral de M. X… de 9 905,64 euros ;

Considérant qu’au regard de la situation de M. X… au moment de la souscription du contrat d’assurance-vie, ce dernier, alors âgé de 69 ans et décédé trois ans plus tard, était sous tutelle de sa fille, Mme Y… ; que les sommes versées s’élevaient à 15 513,73 euros alors que M. X… était placé en établissement au titre de l’aide sociale depuis quatre ans et qu’il n’avait pas de patrimoine ; que le bénéficiaire du contrat était M. Y…, son unique petit-fils et fils de Mme Y… ; qu’il résulte de la jurisprudence du Conseil d’Etat et des éléments qui précèdent qu’il y a bien lieu de retenir une intention libérale du fait de l’espérance de vie et de l’importance des sommes versées par rapport au patrimoine, ce qui a pour effet de permettre à l’administration de le regarder comme un donataire, et donc de procéder à la récupération des sommes ;

Considérant néanmoins qu’en indiquant dans ses courriers du 1er décembre 2014 et 2 novembre 2016 que « le remboursement des aides sociales n’est pas systématique et est étudié au cas par cas », la requérante a entendu en réalité solliciter que les sommes soumises à récupération soient modérées ; qu’en l’état, au regard de l’origine du capital perçu par le bénéficiaire de l’aide sociale et de l’âge  72 ans  du décès de ce dernier ; qu’il y a lieu de modérer le recours en récupération à la somme de 7 500 euros,

Décide

Art. 1er Le recours de Mme Y… est rejeté en ce qu’il tend à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Vienne du 26 septembre 2014.

Art. 2.  Le recours en récupération sur donation sera limité à la somme de 7 500 euros.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Mme X…, au président du conseil départemental de la Vienne. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 30 novembre 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme GOMERIEL, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 6 mars 2017.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET