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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur succession

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur succession – Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) – Hébergement – Hypothèque – Décision – Erreur manifeste d’appréciation – Actif successoral – Précarité – Compétence juridictionnelle

Dossier no 150024

M. X…

Séance du 20 février 2017

Décision lue en séance publique le 20 février 2017 à 12 h 30

Vu, enregistrés au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 12 janvier 2015 et le 2 février 2015, la requête et le mémoire présentés par Mme Y… tendant à l’annulation de la décision en date du 17 octobre 2014 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Maine-et-Loire a rejeté son recours en annulation de la décision du président du conseil général de Maine-et-Loire en date du 8 octobre 2013 portant récupération de la somme de 1 968,75 euros à l’encontre de Mme Y… dans le cadre de la procédure engagée par le département à l’encontre de la succession de son frère, M. X…, bénéficiaire, jusqu’au 19 janvier 2013, de l’aide sociale à l’hébergement en établissement au titre de personne handicapée par le moyen, qu’au regard de sa situation financière et familiale, elle est dans l’impossibilité de payer la somme demandée ; qu’elle invoque, en plus d’assumer différentes charges, l’aide qu’elle apporte à son fils unique et à sa belle-fille dans leurs difficultés quotidiennes, ces derniers étant au chômage avec trois enfants à charge ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré le 27 mars 2015, le mémoire en défense par lequel le président du conseil général de Maine-et-Loire demande à la commission centrale d’aide sociale de confirmer la décision de la commission départementale d’aide sociale en date du 17 octobre 2014, aux motifs que la requérante n’est pas dans une situation d’insolvabilité dans la mesure où elle dispose d’un salaire net régulier de 1 992,03 euros par mois, pour des charges à hauteur de 673,91 euros ; qu’en outre, même si Mme Y… invoque la situation difficile de son fils, celle-ci ne justifie pas être dans l’obligation de lui verser une aide, qu’elle soit régulière ou ponctuelle ;

Vu, enregistré le 13 avril 2015, le nouveau mémoire présenté par Mme Y… persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et transmettant différents justificatifs relatifs à sa situation financière ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 20 février 2017 Mme Laure CHABANNE, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant que M. X…, né le 1er juillet 1958, a bénéficié de son vivant de l’aide sociale du département de Maine-et-Loire pour ses frais d’hébergement en établissement au titre de personne handicapée pour un montant de 234 784,51 euros ; qu’en application des articles L. 132‑8 et L. 344‑5 du code de l’action sociale et des familles, le département a fait opposition, sur la part revenant à son frère et ses deux sœurs, dont Mme Y… ; que, sur ce fondement, le notaire a reversé au département de Maine-et-Loire la somme de 6 882,51 euros correspondant aux liquidités dépendant de la succession ; qu’au titre de la valeur des droits détenus en nue-propriété par le défunt sur la maison occupée par leur mère, les trois frères et sœurs ont reçu 19 68,75 euros chacun ; que, par courrier du 16 avril 2013, la famille a proposé en garantie des sommes non recouvrées une hypothèque légale sur la maison à hauteur de 9/128 en nue-propriété ; que, par courrier en date du 22 avril 2013, Mme Y… a été invitée à faire connaître sa situation familiale et financière afin que le département puisse se prononcer sur l’opportunité d’autoriser le report de la récupération à la vente du bien ou au jour du décès de sa mère ; qu’aucune pièce justificative ou courrier n’ayant été reçu, le département a alors notifié au notaire sa décision de récupérer auprès de Mme Y… la somme qui lui revenait au titre des droits d’habitation, soit 1 968,75 euros ; que le 31 octobre 2013, Mme Y… a formé un recours devant la commission départementale d’aide sociale de Maine-et-Loire, recours rejeté par la décision attaquée ;

Considérant que la commission départementale d’aide sociale de Maine-et-Loire a rejeté le recours de Mme Y… en estimant que «  la décision du président du conseil général de Maine-et-Loire de récupérer auprès de Mme X… une somme de 1 968,75 euros correspondant à la part lui revenant sur la valeur des droits en nue-propriété détenus par son père, M. X… (…) a été prise dans le respect des textes en vigueur » ; qu’en considérant, ainsi, qu’au regard de sa qualité de fille du défunt, la décision du président du conseil général de Maine-et-Loire était conforme aux règles de droit en vigueur, alors même que Mme Y… n’avait nullement cette qualité, étant la sœur de M. Y…, la commission départementale d’aide sociale de Maine-et-Loire a entaché sa décision d’erreur de droit ; qu’elle doit, par suite, être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;

Considérant en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département : 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; En ce qui concerne (…) la prise en charge du forfait journalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, l’existence d’un seuil de dépenses supportées par l’aide sociale, en deçà duquel il n’est pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire (…) de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire. » ; qu’aux termes de l’article R. 132‑11 du même code : « Les recours prévus à l’article L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. Le président du conseil général ou le préfet fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie » ; que l’article R. 132‑12 du même code dispose également que : « Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire, prévu à l’article L. 132‑8, des sommes versées au titre (…) de la prise en charge du forfait journalier prévu à l’article L. 174‑4 du code de la sécurité sociale s’exerce sur la partie de l’actif net successoral qui excède 46 000 euros. Seules les dépenses supérieures à 760 euros, et pour la part excédant ce montant, peuvent donner lieu à ce recouvrement » ; qu’enfin aux termes de l’article L. 241‑4 : « Il n’y a pas lieu à l’application des dispositions relatives au recours en récupération des prestations d’aide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire sont son conjoint, ses enfants ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé » ;

Considérant qu’il ressort des dispositions susvisées que les prestations d’aide sociale, telles que l’aide sociale à l’hébergement en établissement, peuvent valablement faire l’objet d’un recours en récupération lorsque les héritiers du bénéficiaire sont ses frères et sœurs et qu’ils n’ont pas assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé ; qu’en ce qui concerne la prise en charge du forfait journalier, le recouvrement sur la succession du bénéficiaire s’exerce sur la partie de l’actif net successoral qui excède 46 000 euros, pour les dépenses supérieures à 760 euros ; qu’au vu des pièces du dossier, le recours en récupération sur succession intenté par le président du conseil général de Maine-et-Loire s’est fait dans le respect des articles précités ; que le président du conseil général de Maine-et-Loire est, dès lors, fondé à demander la récupération, auprès de Mme X…, de la somme qui lui revenait au titre des droits sur la maison d’habitation, soit 1 968,75 euros ;

Considérant que Mme Y… fait valoir, au soutien de sa requête, qu’en raison de sa situation financière et familiale, elle est dans l’impossibilité de payer une telle somme ;

Considérant qu’il revient à la commission centrale d’aide sociale, juge de plein contentieux, d’examiner la situation de l’intéressée pour apprécier si sa précarité et sa bonne foi peuvent justifier la dispense, totale ou partielle, du paiement de cette somme ;

Considérant que Mme Y… perçoit un salaire mensuel régulier, s’élevant, en mars 2015, à 1 913,17 euros ; qu’elle a produit au dossier les documents attestant des sommes dont elle a la charge ; qu’après la déduction des différentes sommes dont elle assume la charge, il apparaît que Mme Y… ne dispose pas d’un reste à vivre mensuel suffisant pour payer la somme demandée ; que, compte tenu de sa situation financière et de sa bonne foi, la commission centrale d’aide sociale décide d’exercer son pouvoir de modération en fixant le montant de la somme demandée à 655 euros, alors que la créance départementale s’élève à 1 968,75 euros,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale de Maine-et-Loire en date du 17 octobre 2014 est annulée.

Art. 2.  Le montant de la récupération demandée par le président du conseil départemental de Maine-et-Loire dans sa décision du 8 octobre 2013 est ramené à 655 euros.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Mme Y…, au président du conseil départemental de Maine-et-Loire. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de Maine-et-Loire et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 20 février 2017 où siégeaient M. Denis RAPONE, président, Mme Marie BROSSET-HOUBRON, assesseure, Mme Laure CHABANNE, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 20 février 2017 à 12 h 30.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET