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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur succession

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur succession – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Conseil d’Etat – Annulation de la décision contestée – Recours – Procédure – Capacité – Motivation – Contradictoire – Curateur – Actif successoral

Dossier no 160273

Mme Z…

Séance du 28 juin 2016

Décision lue en séance publique le 28 novembre 2016

Vu l’arrêt de renvoi en date du 6 mai 2016 du Conseil d’Etat annulant la décision rendue le 19 mars 2015 par la commission centrale d’aide sociale qui a rejeté le recours du président du conseil de Paris du 3 avril 2014, tendant à l’annulation de la décision en date du 26 février 2014 de la commission départementale d’aide sociale de Paris qui a limité à la somme de 100 000 euros le montant de la récupération sur la succession de Mme Z… d’une créance d’aide sociale de 173 061,05 euros correspondant à des frais d’hébergement en établissement, au regard de la situation financière précaire de Mme Y…, sœur et unique héritière Mme Z…, décédée le 30 janvier 2012 ;

Vu le recours en date du 3 avril 2014 formé par le président du conseil de Paris qui demande l’annulation de la décision en date du 26 février 2014 rendue par la commission départementale d’aide sociale de Paris qui a limité à somme de 100 000 euros le montant de la récupération sur la succession de Mme Z… d’une créance d’aide sociale de 173 061,05 euros au regard de la situation financière précaire de Mme Y…, sœur et unique héritière de Mme Z…, décédée le 30 janvier 2012 ;

Le président du conseil de Paris conteste la décision en faisant valoir :

que le recours sur succession défini à l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles s’exerce contre le patrimoine du bénéficiaire de l’aide sociale et non contre les héritiers du défunt ; que le recours en date du 11 octobre 2012 présenté devant la commission départementale d’aide sociale de Paris a été introduit par M. X…, fils de Mme Y…, sœur et unique héritière de Mme Z…, qui en est le seul signataire, sa mère ne l’ayant pas contresigné ; que M. X… n’a pas qualité pour agir et qu’ainsi, son recours devant la commission départementale d’aide sociale de Paris est irrecevable ;

que la commission départementale d’aide sociale de Paris s’est appuyé pour motiver la modération de la récupération, sur la situation financière de Mme Y… ; que ces éléments ont été adressés à ladite commission le jour de l’audience et n’ont pas été communiqués au département de Paris ; qu’ainsi, la décision a été rendue en violation du principe du contradictoire ; que, par ailleurs, la modération accordée par la commission départementale d’aide sociale de Paris s’appuie sur une appréciation inexacte de la volonté de Mme Y… d’assister sa sœur alors qu’elle avait été déchargée de la curatelle qu’elle exerçait à son profit, curatelle qui a été transformée en tutelle ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les mémoires en défense de M. X…, enregistrés les 23 février et 25 juin 2014 au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale qui conclut au rejet du recours formé le département de Paris en faisant valoir :

que sa mère est informée de tout mais qu’il gère les actions pour défendre ses intérêts et a remis au juge le 17 janvier 2014 un pouvoir de Mme Y… pour le représenter, qui n’apparaît pas dans les pièces annexées ;

que les éléments remis lors du jugement sont dans la logique du prolongement du recours formé en 2012 et qu’à aucun moment ces points n’ont été relevés par le conseil de Paris et la commission départementale d’aide sociale ; que, sur le fond, sa mère a rendu la curatelle renforcée fin 1994 pour raison de santé, qu’elle n’a jamais été tutrice de sa tante ; que c’est à partir de 2002 que, si elle en avait été informée, elle aurait eu le « souci d’assister sa sœur dans la mesure de ses possibilités » ;

que la réclamation du conseil de Paris remettrait en cause les conditions de vie de sa mère dans la mesure où les créances sont supérieures à l’actif net successoral et rallonge le délai pour accepter la succession qui est bloquée depuis le décès de sa tante en 2012 ;

que si sa mère devait être hébergée en établissement, il agirait sans faire appel à l’aide sociale et que le pécule espéré ne serait qu’une participation aux frais d’hébergement ;

que le patrimoine de Mme Z… a été mal géré (appartement non loué), générant un montant d’aides sociales plus élevé pour lui garantir les prestations nécessaires ;

que l’appartement de Mme Z… a été évalué à 145 000 euros mais qu’il faut prendre en compte sa vétusté ; qu’à la demande de M. X…, deux estimations ont été réalisées par des professionnels, l’un estimant le bien immobilier entre 120 000 euros et 125 000 euros net vendeur, le second à 140 000 euros net vendeur ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Vu la décision en date du 19 mars 2015 rendue par la commission centrale d’aide sociale ;

Vu l’arrêt en date du 6 mai 2016 du Conseil d’Etat ;

Vu le mémoire de M. X…, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 13 juin 2016, qui reprend ses précédentes conclusions ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 28 juin 2016 M. BENHALLA, rapporteur, M. X…, mandaté par sa mère, en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 134‑4 du code de l’action sociale et des familles : « Tant les recours devant la commission départementale que les recours et les appels devant la commission centrale peuvent être formés par le demandeur, ses débiteurs d’aliments, l’établissement ou le service qui fournit les prestations, le maire, le président du conseil général, le représentant de l’Etat dans le département, les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole intéressés ou par tout habitant ou contribuable de la commune ou du département ayant un intérêt direct à la réformation de la décision » ; qu’aux termes de l’article L. 132‑8 du code susvisé : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département : Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; (…) Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ; qu’aux termes de l’article R. 132‑11 du code susvisé : « Les recours prévus à l’article L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. (…) Le président du conseil général ou le préfet fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie (…) » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme Z…, née le 6 juillet 1942, a bénéficié de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement au CHS R… à compter du 21 mars 2003 jusqu’au 30 janvier 2012, date de son décès ; que le montant de la créance d’aide sociale s’élève à 173 061,05 euros ; que son unique héritière est sa sœur Mme Y… ; que, selon le courrier du notaire du 18 juillet 2012 adressé au département de Paris, le montant de l’actif net successoral s’élève à 187 583,03 euros ; que, selon la déclaration versée aux débats à l’audience de la commission départementale d’aide sociale de Paris du 17 janvier 2014, la succession s’élèverait à la somme de 196 610,74 euros ; que le président du conseil de Paris a, le 12 septembre 2012, notifié au notaire son recours sur la succession de Mme Z… en vue de la récupération de l’intégralité de la créance d’aide sociale, soit la somme de 173 061,05 euros, sur la succession du bénéficiaire ;

Considérant que, saisie d’un recours contre la décision de récupération par M. X…, la commission départementale d’aide sociale de Paris, par décision en date du 26 février 2014, a limité la récupération à la somme de 100 000 euros ; que, saisie d’un appel par le département de Paris, la commission centrale d’aide sociale, par décision en date du 19 mars 2015, l’a rejeté ; que, saisi d’un pourvoi, le Conseil d’Etat a, par arrêt en date du 6 mai 2016, annulé la décision de la commission centrale d’aide sociale au motif que les moyens soulevés par le département de Paris « n’étaient pas insusceptibles d’avoir une incidence sur le règlement du litige » ; qu’ainsi, la « commission centrale d’aide sociale a insuffisamment motivé sa décision » et a renvoyé l’affaire devant elle pour un nouvel examen ;

Considérant qu’il a été versé au dossier le recours dirigé contre la décision en date du 12 septembre 2012 du président du conseil de Paris, notifiée au notaire, de récupération de la créance d’aide sociale sur la succession de Mme Z… ; que ce recours a été introduit par M. X… ; qu’il ne porte que sa seule signature ; que la décision en date du 26 février 2014 contestée le présente comme le requérant ; qu’il a comparu lui-même aux débats de ladite commission ; que M. X… n’a pas qualité d’héritier de Mme Z… ; que, cependant, son recours a été régularisé lors de l’audience de commission départementale d’aide sociale de Paris ; que, toutefois, il a produit un mémoire qui n’a pas été transmis au département de Paris ; qu’ainsi, le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu ; que, dès lors, la décision en date du 26 février 2014 doit être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;

Considérant que Mme Y…, sœur et héritière de Mme Z…, est âgée de 86 ans ; qu’elle perçoit une retraite de 1 180 euros par mois ; que cette situation justifie la limitation de la récupération sur la succession de Mme Z… à la somme de 130 000 euros,

Décide

Art. 1er La décision en date du 26 février 2014 de la commission départementale d’aide sociale de Paris, ensemble la décision en date du 12 septembre 2012 du président du conseil de Paris, sont annulées.

Art. 2.  La récupération sur la succession de Mme Z… est limitée à la somme de 130 000 euros .

Art. 3.  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à la présidente du conseil de Paris, à Mme Y…, à M. X…. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 28 juin 2016 où siégeaient M. BELORGEY, président, Mme PEREZ-VIEU, assesseure, M. BENHALLA, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 28 novembre 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET