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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Indu – Conseil d’Etat – Cassation – Ressources – Déclaration – Aide régulière – Hébergement – Foyer – Pension alimentaire

Dossier no 150400

M. X…

Séance du 18 février 2016

Décision lue en séance publique le 25 mars 2016

Vu l’arrêt en date du 15 avril 2015 du Conseil d’Etat qui a annulé la décision de la commission centrale d’aide sociale no 110927 du 22 février 2013, au motif que les ressources mentionnées à l’article R. 262‑3 du code de l’action sociale et des familles doivent être prises en compte dans leur intégralité pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion, sans qu’y fasse obstacle la circonstance qu’elles résulteraient d’une aide dont le montant n’a pas fait l’objet d’une déclaration par le donateur dans le calcul de son impôt sur le revenu ; que la commission centrale d’aide sociale a donc commis une erreur de droit en jugeant que les sommes versées par la grand-mère de M. X…ne pouvaient être prises en compte pour la détermination des ressources de ce dernier que dans la mesure où celle-ci les avait déclarées, et a, par ailleurs, dénaturé les pièces du dossier ;

Vu le recours en date du 20 juin 2011 et le mémoire, en date du 21 janvier 2012, présentés par M. X…, qui demande l’annulation de la décision en date du 17 mars 2011 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision en date du 22 novembre 2008 de la caisse d’allocations familiales agissant sur délégation du président du conseil général, lui assignant un indu de 13 400,78 euros, résultant d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion décompté pour la période de novembre 2006 à octobre 2008 ;

Le requérant conteste la décision et notamment le bien-fondé de l’indu ; il fait valoir que les sommes que lui a versées sa grand-mère ne constituent pas une aide régulière mais ponctuelle ; que la plupart des sommes versées sur son compte sont des virements opérés à partir de son Livret A ; que sa mère payait la taxe foncière annuelle de 1 192 euros et non une somme de 102 euros par mois comme le soutient le conseil général et qu’il s’agit donc d’une aide ponctuelle qui n’a pas à être prise en compte selon l’article R. 262‑6 du code de l’action sociale et des familles ; que sa mère a estimé verser une pension alimentaire en intégrant les remboursements du prêt de la maison qui a été mis à sa disposition pour y être logé avec sa compagne ; qu’il s’agit ainsi d’un hébergement à titre gratuit organisé par l’article R. 262‑4 du code de l’action sociale et des familles pour lequel la caisse d’allocations familiales a d’ailleurs déduit le forfait logement de 16 % ; que, par ailleurs, cet hébergement à titre gratuit a concouru à son insertion dans la mesure où il a suivi des cours par correspondance ; qu’il a bénéficié du revenu minimum d’insertion à titre de personne isolée de novembre 2000 à mai 2003 ; qu’ensuite, il s’est « pacsé » avec Mlle S…, de nationalité brésilienne, qui a obtenu un titre de séjour « vie privée et familiale » et qu’ainsi, il a bénéficié du revenu minimum d’insertion pour un couple ; que la condition de résidence de cinq ans sur le territoire français concerne le revenu de solidarité active et non le revenu minimum d’insertion ; que la somme de 100 000 FF, soit 15 000 euros, lui a été versée en 1998 en dédommagement d’un grave accident, et qu’avant cette date il a travaillé, contrairement aux assertions du conseil général de la Dordogne ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense en date du 29 février 2012 du président du conseil général de la Dordogne qui conclut au rejet de la requête en faisant valoir que Mme C…, mère de M. X…, a signé une attestation par laquelle elle indique verser une pension alimentaire de 500 euros mensuels à son fils ; que Mme T…, sa grand-mère, lui versait une aide de 200 euros par mois ; que Mme C… a indiqué qu’elle payait l’assurance de la voiture mise à la disposition de son fils ; qu’ainsi, l’indu est fondé ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu la décision avant dire droit rendue par la commission centrale d’aide sociale le 21 septembre 2012 ;

Vu les pièces versées au dossier par M. X.. le 19 décembre 2012 qui maintient ses précédentes conclusions, et qui indique que la somme de 100 000 FF a été perçue en 1998 et correspond à un dédommagement suite à un accident de la route ; que cette somme correspond à 15 000 euros et non à 65 000 euros telle qu’elle a été transcrite dans la décision avant dire droit rendue par la commission centrale d’aide sociale ;

Vu la décision de la commission centrale d’aide sociale no 110927 en date du 22 février 2013 ;

Vu le nouveau mémoire présenté par M. X… le 22 août 2015, qui demande l’annulation des décisions de la caisse d’allocations familiales de la Dordogne du 22 novembre 2008 et de la commission départementale d’aide sociale du 17 mars 2011, qui a confirmé sa radiation du droit au revenu minimum d’insertion, et l’assignation d’un indu de 13 400,78 euros, son renvoi devant le président du conseil départemental de la Dordogne en vue du réexamen de ses droits jusqu’en septembre 2012 inclus, ainsi que la condamnation du département de la Dordogne à lui rembourser la somme de 1 137, 97 euros ;

Vu le mémoire en réponse du président du conseil départemental de la Dordogne en date du 17 septembre 2015, qui demande à ce qu’il soit procédé à une nouvelle étude des droits au revenu minimum d’insertion de M. X… en appliquant un forfait logement pour avoir été hébergé à titre gratuit, en tenant compte de l’aide régulière apportée par sa grand-mère (200 euros mensuels) ainsi qu’en retenant 3 % du reliquat du capital de 15 000 euros restant lors de la demande de revenu de solidarité active ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 18 février 2016 Mme HENNETEAU, rapporteure et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262‑11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir, ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262‑39 (…). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (…) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article L. 262‑2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262-du même code : « Les avantages en nature procurés par un logement occupé soit par son propriétaire ne bénéficiant pas d’aide personnelle au logement, soit, à titre gratuit, par les membres du foyer, sont évalués mensuellement et de manière forfaitaire : 1o A 12 % du montant forfaitaire mentionné au 2o de l’article L. 262‑2 applicable à un foyer composé d’une seule personne ; 2o A 16 % du montant forfaitaire calculé pour deux personnes lorsque le foyer se compose de deux personnes ; 3o A 16,5 % du montant forfaitaire calculé pour trois personnes lorsque le foyer se compose de trois personnes ou plus » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑22‑1 du même code : « L’évaluation forfaitaire du train de vie prévue à l’article L. 262‑10‑1 prend en compte les éléments et barèmes suivants : (…) 10o Capitaux : 2,5 % du montant à la fin de la période de référence » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X… a été admis au bénéfice du revenu minimum d’insertion en novembre 2000 au titre d’une personne isolée puis, à partir de mai 2003, au titre d’un couple ; qu’à la suite d’un contrôle de situation en date du 9 octobre 2008, il a été constaté que l’intéressé avait perçu, à la suite d’un accident, un capital de 100 000 FF, soit près de 15 000 euros, et qu’il aurait bénéficié d’une aide de sa mère de 500 euros par mois depuis cinq ans ; que Mme C…, sa mère, a signé en date du 23 octobre 2008 une attestation en ce sens ; que, par ailleurs, Mme T…, sa grand-mère, lui versait une aide de 200 euros par mois ; que par suite, par décision en date du 22 novembre 2008, la caisse d’allocations familiales agissant sur délégation du président du conseil général, lui a notifié un indu de 13 400,78 euros, à raison d’allocations de revenu minimum d’insertion indûment perçues pour la période de novembre 2006 à octobre 2008 ; que cet indu a été motivé par le défaut de prise en compte de la « pension alimentaire » versée par sa mère et de l’aide de 200 euros mensuels versée par sa grand-mère, Mme T… ;

Considérant que saisie d’un recours, la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne, par décision en date du 17 mars 2011, l’a rejeté en considérant l’indu comme fondé dans la mesure où la pension versée par Mme C… devait être prise en compte dans le calcul du montant du revenu minimum d’insertion ;

Considérant que saisie à son tour, par la voie de l’appel, d’un recours contre la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne, la commission centrale d’aide sociale, par décision en date du 22 février 2013, a annulé celle-ci aux motifs « en premier lieu que le capital perçu par M. X… à la suite de son accident est antérieur à l’ouverture du droit au revenu minimum d’insertion ; que M. X… affirme, sans être contredit, que celui-ci a été largement entamé avant l’ouverture du droit au revenu minimum d’insertion ; que, par suite, seul un éventuel pourcentage de 2,5 % du montant restant à la fin de la période de référence pouvait être pris en compte ; (…) en second lieu qu’il résulte de l’attestation établie et signée par Mme C… que la somme de 500 euros qu’elle déclare verser à son fils se décompose ainsi : crédit de la maison dont elle est propriétaire 305 euros, taxe foncière 102 euros, assurance 70 euros et assurance voiture 32 euros ; qu’il n’est pas contesté que tant la maison, que la voiture sont la propriété de Mme C… ; que dès lors ces sommes ne peuvent être regardées comme une pension alimentaire ; que par ailleurs le montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion versé à M. X… prend en compte le forfait logement ; (…) qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède, que seul le pourcentage de 2,5 % sur le montant du capital restant de 100 000 FF, soit 15 000 euros, doit être pris en compte ainsi que l’aide de la grand-mère, Mme T…, et uniquement dans la mesure où cette aide a été déduite du montant de son imposition ; qu’il suit de là que l’indu de 13 400,78 euros mis à la charge de M. X… n’est pas fondé en droit dans son intégralité (…) », et renvoyé M. X… devant le président du conseil général de Dordogne pour un nouvel examen de ses droits ;

Considérant que, dans son arrêt rendu le 15 avril 2015 comme suite au pourvoi en cassation du président du conseil général de la Dordogne dirigé contre la décision précitée de la commission centrale d’aide sociale, le Conseil d’Etat a pour sa part jugé en premier lieu que les dépenses exposées par le propriétaire d’une habitation afin de rembourser un emprunt contracté pour l’acquisition de ce bien et d’acquitter la taxe foncière ne peuvent être regardées comme un avantage en nature au profit de l’allocataire qui y est hébergé à titre gratuit ; que la gratuité du logement et la prise en charge de l’assurance habitation correspondante font l’objet d’une évaluation forfaitaire ; que, par suite, le département de la Dordogne n’est pas fondé à soutenir que la commission centrale d’aide sociale aurait commis une erreur de droit en jugeant que de telles sommes ne pouvaient être prises en considération dans le calcul des ressources de M. X…, qui tenait déjà compte du forfait logement ; que le Conseil d’Etat a, en deuxième lieu, annulé la décision de la commission centrale d’aide sociale, au motif que celle-ci a commis une erreur de droit en jugeant que les sommes versées par la grand-mère de M. X… ne pouvaient être prises en compte pour la détermination des ressources de ce dernier que dans la mesure où elle les avait déduites du montant de son imposition ; qu’en troisième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le département de la Dordogne n’a pas pris en compte le capital perçu par M. X… en 1998 pour déterminer les ressources de l’intéressé sur la période allant de novembre 2006 à octobre 2008 ; que, par suite, en estimant, après avoir affirmé que seul un éventuel pourcentage de 2,5 % du montant du capital restant à la fin de la période de référence pouvait être pris en compte, que l’indu de l’allocation de revenu minimum d’insertion n’était, notamment pour ce motif, pas fondé dans son intégralité, la commission centrale d’aide sociale a dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant que, de l’arrêt du Conseil d’Etat confirmant la décision de la commission centrale d’aide sociale en ce qui concerne les dépenses exposées en vue du logement de M. X… par sa mère, regardant comme étrangère au litige la question du mode de prise en compte des revenus du capital perçus par M. X… à la suite de son accident survenu dix ans avant son admission au bénéfice du revenu minimum d’insertion, et estimant que l’indu assigné à M. X… doit inclure les sommes régulièrement versées par sa grand-mère, alors même qu’elles n’auraient pas été déclarées fiscalement, il résulte clairement que la fraction de l’indu assigné à M. X… doit être limitée à 4 800 euros,

Décide

Art. 1er La décision en date du 17 mars 2011 de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne, ensemble la décision en date du 22 novembre 2008 de la caisse d’allocations familiales agissant sur délégation du président du conseil général, sont annulées.

Art. 2.  L’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion assigné M. X… est limité à la somme de 4 800 euros.

Art. 3.  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à M. X…, au président du conseil départemental de la Dordogne. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 18 février 2016 où siégeaient M. BELORGEY, président, M. CULAUD, assesseur, Mme HENNETEAU, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 25 mars 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET