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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Indu – Mandataire – Forclusion – Commission départementale d’aide sociale (CDAS) – Erreur manifeste d’appréciation – Précarité

Dossier no 150544

M. Y…

Séance du 23 février 2017

Décision lue en séance publique le 21 mars 2017

Vu le recours formé le 22 juillet 2015 par Mme X…, autorisée à agir au nom et pour le compte de M. Y… par mandat signé par ce dernier en date du 9 octobre 2015, tendant à l’annulation de la décision du 11 mai 2015 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Seine-Saint-Denis a rejeté, pour forclusion, le recours de M. Y…, représenté par Maître HOUSSAIN, dirigé contre la décision du 6 janvier 2012 par laquelle le président du conseil général de Seine-Saint-Denis a refusé toute remise concernant un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion de 2 968,41 euros mis à la charge de M. Y… pour la période d’octobre 2007 à octobre 2008 ;

M. Y… demande l’annulation de l’ensemble de sa dette relative au revenu minimum d’insertion ; il soutient qu’il ne sait ni lire ni écrire et rencontre, en conséquence, de grandes difficultés dans ses démarches avec l’administration, pour lesquelles il doit se faire assister ; qu’il se trouve dans une situation de précarité, occupant un emploi de vacataire et percevant des salaires allant de 660 euros à 1 124 euros mensuels en 2015 ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu la loi no 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celle d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informée de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 23 février 2017 Mme BLOSSIER, rapporteure, M. Y…, requérant, assisté de Mme X…, en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne résidant en France dont les ressources, au sens des articles L. 262‑10 et L. 262‑12, n’atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262‑2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans ou assume la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit, dans les conditions prévues par la présente section, à un revenu minimum d’insertion » ; qu’aux termes de l’article L. 262‑10 du même code : « L’ensemble des ressources des personnes retenues pour la détermination du montant du revenu minimum d’insertion est pris en compte pour le calcul de l’allocation » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (…) » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑39, alinéa 2, du code de l’action sociale et des familles : « La décision de la commission départementale est susceptible d’appel devant la commission centrale d’aide sociale (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 134‑10, alinéa 1, du même code : « Les recours sont introduits devant la commission centrale d’aide sociale ou la commission départementale d’aide sociale dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262‑11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262‑39. Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 262‑39 et L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles qu’il appartient aux commissions départementales d’aide sociale puis, le cas échéant, à la commission centrale d’aide sociale, d’apprécier si le paiement indu de l’allocation de revenu minimum d’insertion trouve son origine dans une manœuvre frauduleuse ou une fausse déclaration, et ne peut, par suite, faire l’objet d’une remise gracieuse ; que toute erreur ou omission déclarative imputable à un bénéficiaire du revenu minimum d’insertion ne peut être regardée comme une fausse déclaration faite dans le but délibéré de percevoir à tort le revenu minimum d’insertion ;

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 20 de la loi no 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : « Lorsqu’une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l’autorité administrative compétente et en avise l’intéressé » ; qu’aux termes de l’article 1er de cette même loi : « Sont considérés comme autorités administratives au sens de la présente loi les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d’un service public administratif » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, d’une part, que le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis, par décision du 6 janvier 2012, a refusé toute remise gracieuse sur un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion s’élevant à 2 968,41 euros mis à la charge de M. Y… pour la période d’octobre 2007 à octobre 2008 ; qu’en date du 5 mai 2012, M. Y… a adressé un courrier à la commission départementale d’aide sociale de Seine-Saint-Denis, considéré par elle comme l’écrit constitutif du recours ; que la commission départementale d’aide sociale de Seine-Saint-Denis, dans sa décision du 11 mai 2015, a jugé ce recours irrecevable car formulé hors du délai de deux mois imparti ;

Considérant que M. Y… avait adressé au président du conseil général, dès le 23 février 2012, un premier courrier, non versé au dossier, demandant des explications concernant le calcul de cet indu ; que ce courrier, auquel les services du conseil général de Seine-Saint-Denis ont répondu le 19 mars 2012, aurait dû être considéré comme un recours, effectué dans le délai imparti et transmis à la commission départementale d’aide sociale ;

Considérant que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale de Seine-Saint-Denis, dans sa décision du 11 mai 2015, a considéré le recours de M. Y… comme irrecevable ;

Considérant, d’autre part, que le recours déposé devant la commission départementale d’aide sociale de Seine-Saint-Denis constitué de la lettre du 23 février 2012 de M. Y… et des mémoires des 19 avril 2013 et 21 avril 2015 de Maître HOUSSAIN, avocat de M. Y… pour le recours devant la commission départementale d’aide sociale, porte sur l’ensemble des indus d’allocations de revenu minimum d’insertion tels que mentionnés dans les titres de recette émis par le trésorier payeur général, à savoir : un indu de 5 392,55 euros pour la période d’avril 2006 à novembre 2007, un indu de 1 143,27 euros pour la période de janvier 2006 à mars 2006 et un indu de 2 968,41 euros pour la période d’octobre 2007 à octobre 2008 ; qu’en ne s’estimant saisie que pour l’indu d’un montant de 2 968,41 euros, la commission départementale d’aide sociale de Seine-Saint-Denis a méconnu l’étendue du litige ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède, que la décision de la commission départementale d’aide sociale de Seine-Saint-Denis du 11 mai 2015 encourt l’annulation ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;

Considérant que les pièces du dossier établissent que M. Y…, employé de manière irrégulière et dans des conditions douteuses par la commune de Gennevilliers comme gardien remplaçant, ce qui a pu compliquer la gestion de ses droits au revenu minimum d’insertion par la caisse d’allocations familiales, a déclaré fidèlement ses salaires ; que M. Y… ne sait ni lire ni écrire et doit se faire assister dans l’ensemble de ses démarches administratives ; qu’il s’ensuit que sa bonne foi ne peut être remise en cause ; que, dès lors, les dispositions précitées de l’article L. 262‑41 du code susvisé ne font pas obstacle à ce que lui soit accordé une remise gracieuse ;

Considérant que l’ensemble des pièces du dossier établissent que M. Y… se trouve dans une situation de grande précarité ; qu’il n’est pas employé de manière régulière, et en tout état de cause seulement à temps partiel, pour des horaires et des rémunérations variables ; que le paiement de l’indu ferait peser de graves menaces sur l’équilibre de son budget ; qu’il s’ensuit qu’il sera fait une juste appréciation de la situation en lui accordant remise totale de la dette relative à l’allocation de revenu minimum d’insertion s’élevant à 9 504,23 euros (5 392,55 + 1 143,27 + 2 968,41),

Décide

Art. 1er La décision en date du 11 mai 2015 de la commission départementale d’aide sociale de Seine-Saint-Denis, ensemble la décision du 6 janvier 2012 du président du conseil général de Seine-Saint-Denis, sont annulées.

Art. 2.  M. Y… est intégralement déchargé de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 9 504,23 euros porté à son débit.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à M. Y…, à Mme X…, au président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 23 février 2017 où siégeaient Mme DOROY, présidente, M. MONY, assesseur, Mme BLOSSIER, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 21 mars 2017.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET