3200

Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Indu – Commission départementale d’aide sociale (CDAS) – Récusation – Jugement – Procédure – Décision – Compétence juridictionnelle – Erreur – Mutualité sociale agricole (MSA) – Contradictoire

Dossier no 160357

M. X…

Séance du 30 janvier 2017

Décision lue en séance publique le 23 février 2017

Vu les mémoires en date des 17 mai 2016, 29 juillet 2016, 14 août 2016, 16 janvier 2017 et 25 janvier 2017, présentés par M. X… dans le cadre de son recours contre la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Corrèze du 3 mai 2016, qui a rejeté sa demande de récusation à l’encontre de Mme Z…, magistrate déléguée à la présidence de la commission départementale d’aide sociale de la Corrèze, suite à un renvoi par le tribunal administratif de Limoges à cette juridiction par ordonnance du 13 janvier 2015, concernant la réclamation formulée par M. X… relativement au revenu minimum d’insertion qu’il a perçu pendant les années 2004 et 2005 ;

M. X… soutient que la commission départementale d’aide sociale de la Corrèze, présidée par Mme C…, présidente du tribunal de grande instance de Tulle, n’a pas statué sur la totalité de ses demandes en récusation de Mme Y…, sur sa demande de dépaysement de son contentieux, et sur le fond du litige ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les courriers en date des 27 juillet 2016 et 24 janvier 2017 adressés à la commission centrale d’aide sociale par le président du conseil départemental de la Corrèze indiquant n’avoir aucune observation complémentaire à ajouter sur ce dossier ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, et notamment son article 6, paragraphe 1 ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Vu le code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction applicable à la période du litige ayant trait au revenu minimum d’insertion, et notamment ses articles L. 134‑6 relatif à la composition des commissions départementales d’aide sociale et R. 262‑44 issu de la codification de l’article 28 du décret no 88‑1111, modifié par le décret no 2004‑230 portant décentralisation du revenu minimum d’insertion ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celle d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informée de la date et de l’heure de l’audience, étant observé que Maître Christophe CHASTANET, conseil de M. X…, n’est pas intervenu dans le recours de ce dernier devant la commission centrale d’aide sociale, et n’avait donc pas à être convoqué ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 30 janvier 2017 Mme BLOSSIER, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne résidant en France dont les ressources, au sens des articles L. 262‑10 et L. 262‑12, n’atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262‑2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans ou assume la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit, dans les conditions prévues par la présente section, à un revenu minimum d’insertion » ; qu’aux termes de l’article L. 262‑3 du même code : « Le bénéficiaire du revenu minimum d’insertion a droit à une allocation égale à la différence entre le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262‑2 et les ressources définies selon les modalités fixées aux articles L. 262‑10 et L. 262‑12 » ; qu’aux termes de l’article L. 262‑10, alinéa 1er, du même code : « L’ensemble des ressources des personnes retenues pour la détermination du montant du revenu minimum d’insertion est pris en compte pour le calcul de l’allocation » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments. En cas de non-retour de la déclaration trimestrielle de ressources dans les délais nécessaires pour procéder au calcul de l’allocation, le président du conseil général peut décider qu’une avance d’un montant égal à 50 % de la précédente mensualité sera versée » ;

Considérant tout d’abord qu’il ressort de l’instruction que, quel que soit le nombre de griefs qu’un requérant peut formuler à l’appui d’une demande de récusation, un même magistrat dans une même affaire ne peut faire l’objet que d’une seule récusation ; que si le code de justice administrative n’est pas applicable aux juridictions de l’aide sociale et que Mme Z…, magistrate déléguée à la présidence de la commission départementale d’aide sociale de la Corrèze, n’avait pas à se référer expressément à cette législation pour donner son avis sur la demande de récusation dont elle était l’objet, cet avis était néanmoins indispensable à ce qu’il soit statué contradictoirement sur cette demande, sous la présidence d’un autre magistrat ;

Considérant ensuite que, dans sa décision du 3 mai 2016, la commission départementale d’aide sociale de la Corrèze dans la formation présidée par Mme C…, n’avait pas à se référer ni dans ses visas ni dans sa motivation, au nouveau code de procédure civile, devenu à cette date le code de procédure civile ; que la décision du 3 mai 2016 de la commission départementale d’aide sociale de la Corrèze est basée sur des visas et surtout sur des motifs erronés ;

Considérant que M. X… a demandé le dépaysement dans un autre département de son contentieux relatif au montant des allocations de revenu minimum d’insertion qui lui ont été versées en 2004 et 2005 en raison du fait que l’article L. 134‑6 du code de l’action sociale et des familles inclut dans la composition de la commission départementale d’aide sociale trois conseillers généraux, qui sont juges et parties, puisque c’est le conseil général qui est débiteur du revenu minimum d’insertion ; que la commission départementale d’aide sociale de la Corrèze, dans sa décision du 3 mai 2016, a omis de statuer sur cette demande ;

Considérant enfin, qu’après avoir rejeté la demande de récusation de Mme Z…, juge déléguée à la présidence de la commission départementale d’aide sociale de la Corrèze, dans une audience présidée par Mme C…, présidente du tribunal de grande instance de Tulle, la commission départementale d’aide sociale se devait de se prononcer sur le fond de la réclamation de M. X…, sous la présidence toujours possible de Mme C…, ou sous celle de Mme Z… si, comme cela a été le cas, la demande de récusation était rejetée ; que la commission départementale d’aide sociale de la Corrèze, dans sa décision du 3 mai 2016, a omis de statuer sur le fond, méconnaissant ainsi sa compétence ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Corrèze du 3 mai 2016 doit être annulée, et qu’il convient d’évoquer et de statuer, afin de donner au litige une solution dans le délai raisonnable qu’impose l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Considérant, en premier lieu, que les reproches formulés par M. X… à l’encontre de Mme Z… portent en fait sur le fonctionnement de la commission départementale d’aide sociale de la Corrèze, qui a effectivement tardé à transmettre au requérant le document intitulé « analyse de situation », et l’a, en outre, transmis sans les pièces jointes énoncées dans ce document ; que, si M. X… connaissait nécessairement la majeure partie des pièces annoncées, parce qu’il en était l’auteur ou qu’elles lui avaient été auparavant adressées dans le cours de ses relations avec la Mutualité sociale agricole, organisme de sécurité sociale agricole chargé du paiement de ses allocations de revenu minimum d’insertion, il pouvait ne pas les connaître en totalité, en particulier celles provenant des archives de la Mutualité sociale agricole et du service insertion du conseil général ;

Considérant, en conséquence, que M. X… a été privé, par le mauvais fonctionnement du secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de la Corrèze, d’une partie des informations qui devaient lui être transmises pour le parfait respect du contradictoire, mais qu’il n’est en rien démontré que ce mauvais fonctionnement de l’institution découlerait d’une inimitié particulière ou d’un manque d’impartialité de Mme Z… à l’égard de M. X…, de sorte que la demande de récusation devait être rejetée ;

Considérant, ensuite, que la question de la composition des commissions départementales d’aide sociale a été débattue devant le Conseil constitutionnel, qui, par la décision no 2010‑110 du 25 mars 2011, a exclu les conseillers généraux de la composition des commissions départementales d’aide sociale ;

Considérant, dès lors, que le grief formulé sur ce point par M. X… est devenu sans objet, d’autant qu’il n’a pas assisté à l’audience du 8 avril 2016 de la commission départementale d’aide sociale de la Corrèze, et qu’il ne peut, par suite, soutenir, et ne soutient d’ailleurs pas, qu’il y aurait constaté la présence, même éventuellement non enregistrée, de conseillers départementaux participant aux délibérations ;

Considérant, par ailleurs, qu’aucune pièce du dossier n’établit, et qu’il n’est pas même allégué, que les voies et délais de recours applicables à la décision de paiement d’une avance d’allocations de revenu minimum d’insertion à hauteur de 50 % auraient été notifiées à M. X… ; qu’il s’ensuit qu’il reste recevable à contester ce montant, qui est mentionné dans la lettre de la Mutualité sociale agricole datée du 18 août 2004 ;

Considérant que M. X… a saisi le président du conseil départemental de la Corrèze, par lettre datée du 23 février 2016, d’une demande de rétablissement à taux plein des allocations de revenu minimum d’insertion qui lui ont été versées en 2004 et 2005, par le versement de la somme de 4 238,99 euros, en alléguant que ses revenus agricoles étaient, à peu de chose près, nuls dès cette période, et que l’organisme payeur, la Mutualité sociale agricole, ne l’ignorait pas puisqu’elle lui avait fait savoir qu’il ne relevait plus du régime agricole, bien qu’il puisse y être maintenu temporairement ;

Considérant qu’il ne figure au dossier aucune réponse du président du conseil départemental de la Corrèze, ce qui vaut rejet, et justifie la saisine au fond de la commission départementale d’aide sociale ;

Considérant que le droit au revenu minimum d’insertion ainsi que le calcul du montant de ces allocations dépendent des informations que le bénéficiaire fait connaître concernant ses ressources et sa situation familiale, et de l’actualisation qu’il doit faire chaque trimestre de ces informations ; que différents rappels figurant au dossier démontrent que M. X… ne remplissait pas, ou du moins pas régulièrement, durant les années 2004 et 2005 et même par la suite, les déclarations trimestrielles de ressources qui permettent de calculer précisément s’il a droit, et à quelle hauteur, aux allocations de revenu minimum d’insertion ; que, d’ailleurs, cette carence s’est poursuivie après le remplacement du revenu minimum d’insertion par le revenu de solidarité active, comme en atteste la suppression de cette dernière allocation par la caisse d’allocations familiales pour le même motif, après transfert du dossier de M. X… du régime agricole au régime général à la fin de l’année 2013 ;

Considérant, également, que M. X… n’a pas permis la conclusion d’un contrat d’insertion en se dérobant aux entretiens organisés dans le but d’y parvenir par le service actions d’insertion revenu minimum d’insertion (commission locale d’insertion) du conseil général de la Corrèze ;

Considérant qu’aux termes du second alinéa de l’article R. 262‑44 du code de l’action sociale et des familles, issu de la codification de l’article 28 du décret no 88‑1111, pris pour l’application de la loi no 88‑1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion : « En cas de non-retour de la déclaration trimestrielle de ressources dans les délais nécessaires pour procéder au calcul de l’allocation, ce président du conseil général peut décider qu’une avance d’un montant équivalant à 50 % de la précédente mensualité sera versée » ; que le versement d’une telle avance n’est donc qu’ une faculté laissée à la discrétion du président du conseil général et non une obligation mise à sa charge ;

Considérant que si, à partir de 2006, M. X… a bénéficié d’allocations de revenu minimum d’insertion au taux maximum, alors même qu’il ne déclarait pas les informations relatives à ses ressources et qu’il n’avait pas conclu de contrat d’insertion, en raison d’une bienveillance particulière à son égard des autorités départementales, ce mode de fonctionnement ne correspond à aucune obligation légale ou réglementaire, et ne peut lui créer un droit rétroactif à la même bienveillance ;

Considérant, en conséquence, que la demande de M. X… relative au versement d’un complément d’allocations de revenu minimum d’insertion pour les années 2004 et 2005 ne peut qu’être rejetée,

Décide

Art. 1er La décision en date du 3 mai 2016 de la commission départementale d’aide sociale de la Corrèze est annulée.

Art. 2.  Toutes les conclusions de M. X… sont rejetées.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à M. X…, au président du conseil départemental de la Corrèze. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 30 janvier 2017 où siégeaient Mme DOROY, présidente, M. MONY, assesseur, Mme BLOSSIER, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 23 février 2017.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET