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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Indu – Conseil d’Etat – Erreur manifeste d’appréciation – Insertion – Décision – Motivation – Précarité

Dossier no 160447

Mme X…

Séance du 2 décembre 2016

Décision lue en séance publique le 30 janvier 2017

Vu l’arrêt en date du 27 juillet 2016 du Conseil d’Etat, qui a annulé la décision de la commission centrale d’aide sociale du 17 avril 2015 rendue sous le no 130029 au motif qu’il lui appartenait « d’examiner si une remise gracieuse totale ou partielle était justifiée et de se prononcer elle-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait dont il était justifié par l’une et l’autre parties à la date de sa propre décision, la situation de précarité de l’intéressée et sa bonne foi justifiaient que lui soit accordée une remise ou une réduction de la somme mise à sa charge » ; que la commission centrale d’aide sociale a donc commis une erreur de droit en examinant le bien-fondé de l’indu et en annulant la décision de refus de remise du président du conseil général de Vaucluse du 25 novembre 2011, au motif que l’action en recouvrement était pour partie prescrite ;

Vu le recours en date du 28 mai 2012 formé par Mme X… qui demande l’annulation de la décision en date du 6 mars 2012 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse a rejeté le recours tendant à l’annulation de la décision en date du 25 novembre 2011 du président du conseil général qui a refusé toute remise gracieuse sur un indu de 23 771 euros résultant d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion détecté pour la période d’août 2005 à mai 2009 ;

La requérante ne conteste pas l’indu mais en demande une remise compte tenu de la précarité de sa situation ; elle fait valoir qu’elle a signalé sa qualité de travailleur indépendant dans les contrats d’insertion qu’elle et le président du conseil général ont signés ; elle soutient que personne ne lui avait indiqué que les contrats d’insertion n’étaient pas transmis automatiquement à l’organisme payeur ;

Vu le mémoire en date du 8 février 2013 de Maître Raphaël BELAICHE, conseil de Mme X…, qui conteste la décision en faisant valoir :

 que la présence d’un fonctionnaire qui a siégé lors de la séance du 6 mars 2012 est contraire aux dispositions de l’article L. 134‑6 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction postérieure à la décision en no 2010‑110 du Conseil constitutionnel ;

 que le chiffre d’affaires réalisé par Mme X… n’a pas atteint le plafond fixé par l’article R. 262‑15 du code de l’action sociale et des familles pour les années 2005 à 2007 ;

 que Mme X… n’a pas dissimulé son activité puisqu’elle l’a déclarée sur ses contrats d’insertion ;

Vu le mémoire en défense en date du 30 novembre 2012 du président du conseil général de Vaucluse qui conclut au rejet de la requête en faisant valoir :

 que Mme X… n’a jamais renseigné ses ressources sur ses déclarations trimestrielles de ressources adressées à la caisse d’allocations familiales pour déterminer ses droits réels au revenu minimum d’insertion ;

 que le fait que Mme X… ait indiqué sa situation de travailleur indépendant dans ses contrats d’insertion ne la dispensait pas de déclarer ses ressources ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en réplique en date du 18 avril 2013 de Maître Raphaël BELAICHE qui indique la qualité de juridiction de plein contentieux des juridictions d’aide sociale qui leur donne compétence pour examiner le bien-fondé de l’indu ;

Vu le mémoire en défense en date du 6 mai 2013 du président du conseil général de Vaucluse qui développe les conclusions précédentes ;

Vu le mémoire en triplique en date du 23 mai 2013 de Maître Raphaël BELAICHE qui développe ses conclusions précédentes ; il demande une remise et l’application de l’alinéa 2 de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, de condamner le département de Vaucluse à lui verser la somme de 2 000 euros, et qu’il renoncera alors à percevoir la part contributive versée par l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle ;

Vu le second mémoire en défense en date du 5 mars 2013 du président du conseil général de Vaucluse qui développe les mêmes conclusions ; il précise que l’objet du litige est la décision de refus de remise gracieuse et non le bien-fondé de l’indu qui n’a pas été contesté devant le premier juge ;

Vu les pièces complémentaires transmises par Maître Raphaël BELAICHE en date du 23 septembre 2016 faisant suite à l’arrêt du Conseil d’Etat du 27 juillet 2016, et tendant à apporter la preuve de la situation précaire de Mme X… ;

Vu le mémoire en défense en date du 27 septembre 2016 du président du conseil général de Vaucluse tendant à démontrer le caractère délibéré des fausses déclarations ;

Vu le second mémoire en défense en date du 2 novembre 2016 du président du conseil général de Vaucluse tendant à rappeler le caractère délibéré des fausses déclarations et à démontrer que la situation financière de Mme X… ne peut être qualifiée de précaire, cette dernière percevant des ressources supérieures au revenu minimum vieillesse et n’ayant aucun loyer de retard ;

Vu la décision en date du 13 décembre 2012 du tribunal de grande instance de Paris accordant à Mme X… le bénéfice de l’aide juridictionnelle, la dispensant ainsi de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros instituée par l’article 1635 bis Q du code général des impôts entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 ;

Vu la décision de la commission centrale d’aide sociale du 17 avril 2015 rendue sous le no 130029 ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 2 décembre 2016 Mme HENNETEAU, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction antérieure à l’intervention de la loi du 23 mars 2006 : « Tout paiement indu d’allocations est récupéré par retenue sur le montant des allocations à échoir ou, si le bénéficiaire opte pour cette solution ou s’il n’est plus éligible au revenu minimum d’insertion, par remboursement de la dette en un ou plusieurs versements. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262‑39. Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. En cas de précarité de la situation du débiteur, la créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général » ; qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles applicable à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2006 : « (…) En cas de précarité de la situation du débiteur, la créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion ou de la prime forfaitaire est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent, (…) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, tel qu’il est défini à l’article R. 262‑1 (…) » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X… a été admise au bénéfice du revenu minimum d’insertion en décembre 2001 au titre d’une personne isolée avec un enfant à charge ; qu’à la suite d’un contrôle de situation en date du 21 juillet 2010, il a été constaté que l’intéressée avait le statut de travailleur indépendant depuis 2003 et que son entreprise employait des salariés ; que son dossier a alors été étudié par le président du conseil général qui a estimé que la situation de l’intéressée ne justifiait pas d’une mesure dérogatoire ; que, par suite, la caisse d’allocations familiales agissant sur délégation du président du conseil général, par décision en date du 20 mai 2011, a mis à sa charge le remboursement de deux indus, le premier d’un montant de 23 371 euros et le second de 400 euros, à raison d’allocations de revenu minimum d’insertion indûment perçues pour la période d’août 2005 à mai 2009 ;

Considérant que le président du conseil général a, par décision en date du 10 août 2011, rejeté la contestation du bien-fondé de l’indu ; qu’il a, par décision en date du 25 novembre 2011, refusé toute remise gracieuse ; que, saisie d’un recours contre cette décision, la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse, par décision en date du 6 mars 2012, l’a rejeté sans même évoquer ni visas des textes applicables à l’espèce, ni considérants qui permettent de prendre connaissance du litige et qui garantissent véritablement un examen individuel approfondi des moyens invoqués par la requérante ; qu’en statuant ainsi, sans examiner par elle-même si les omissions déclaratives étaient délibérées, et si la situation de Mme X… donnait droit à une remise pour précarité, la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse a très insuffisamment motivé sa décision qui encourt, par suite, l’annulation ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;

Considérant que toute erreur ou omission déclarative même réitérée imputable à un bénéficiaire du revenu minimum d’insertion ne peut, en elle-même, être regardée comme une fausse déclaration, laquelle implique une intention délibérée de percevoir indûment le revenu minimum d’insertion, ce qu’aucun élément du dossier ne permet de démontrer ; que Mme X… a signalé sa situation exacte dans le cadre des contrats d’insertion qu’elle a signés en ignorant que ces derniers ne seraient pas automatiquement transmis à l’organisme payeur ;

Considérant au demeurant, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme X… se soit rendue coupable de manœuvres frauduleuses ; qu’à supposer même que des dissimulations aient pu être reprochées à la requérante, elles ne faisaient pas, avant l’intervention de la loi du 23 mars 2006, obstacle à une remise pour précarité ;

Considérant que Mme X… soutient qu’elle se trouvait dans une situation précaire au moment des faits ; qu’elle était alors seule pour subvenir aux besoins de son enfant ; qu’elle a été atteinte d’un cancer qui l’a dans un premier temps contrainte à ne plus travailler qu’à temps partiel, puis à renoncer à toute activité ; que sa situation actuelle est toujours fragile ; qu’elle dispose de 1 095 euros mensuels de revenus issus de la pension retraite régime général, pension retraite complémentaire et pension retraite RSI ; que le montant de ses charges est de 1 148 euros ; qu’il s’ensuit que le remboursement de l’indu ferait peser de graves menaces de déséquilibre sur son budget ; qu’il sera fait une juste appréciation de la situation en en limitant la répétition à la somme de 3 000 euros,

Décide

Art. 1er La décision en date du 6 mars 2012 de la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse, ensemble la décision en date du 25 novembre 2011 du président du conseil général, sont annulées.

Art. 2.  La répétition de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion laissé à la charge de Mme X… est limitée à la somme de 3 000 euros.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Mme X…, à Maître Raphaël BELAICHE, au président du conseil départemental de Vaucluse. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 2 décembre 2016 où siégeaient M. BELORGEY, président, M. CULAUD, assesseur, Mme HENNETEAU, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 30 janvier 2017.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET