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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Indu – Titre – Commission départementale d’aide sociale (CDAS) – Prescription – Foyer – Ressources – Déclaration – Prélèvement pour répétition de l’indu – Légalité

Dossier no 160033

Mme X…

Séance du 4 mai 2017

Décision lue en séance publique le 12 juin 2017

Vu le recours et le mémoire, enregistrés au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale les 18 janvier et 24 février 2016, présentés par Mme X… qui demande l’annulation de la décision en date du 4 novembre 2015 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Essonne a jugé sans objet son recours dirigé contre la notification d’opposition à tiers détenteur du 5 novembre 2014 relative à un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion de 786,40 euros décompté pour la période de juillet 2001 à septembre 2002 ;

La requérante ne conteste pas l’indu mais en demande une remise totale ; elle indique qu’elle vit seule ; qu’elle est âgée de 63 ans ; qu’elle est sans qualification ; qu’elle ne dispose que d’une retraite de 535 euros mensuels ; qu’elle a été obligée de quitter son logement ne pouvant plus faire face au paiement de son loyer ; que le département de l’Essonne n’a pas respecté la procédure suspensive applicable dès le dépôt de son recours, et a prélevé la totalité de sa dette augmentée des frais sur son compte bancaire ;

Vu la décision contestée ;

Vu le mémoire en défense du président du conseil départemental de l’Essonne qui conclut au rejet de la requête ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 4 mai 2017 M. BENHALLA, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262‑11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262‑39 (…). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (…) » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑40 du même code : « L’action du bénéficiaire pour le paiement de l’allocation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi no 68‑1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics : « Sont prescrites, au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d’un comptable public » ; qu’aux termes de l’article 2 de la même loi : « La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l’autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l’administration saisie n’est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l’auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l’administration qui aura finalement la charge du règlement n’est pas partie à l’instance ; Toute communication écrite d’une administration intéressée, même si cette communication n’a pas été faite directement au créancier qui s’en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance ; Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu’une partie de la créance ou si le créancier n’a pas été exactement désigné. Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l’interruption. Toutefois, si l’interruption résulte d’un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le remboursement de la somme de 786,40 euros, à raison d’allocations de revenu minimum d’insertion indûment perçues pour la période de juillet 2001 à septembre 2002, a été mis à la charge de Mme X… ; que cet indu a été motivé par la circonstance du départ non déclaré de sa fille du foyer, et le versement à tort de la quotité du montant du revenu minimum d’insertion à son profit ;

Considèrent que les pièces versées au dossier ne permettent pas de connaître la date de l’assignation de l’indu ; qu’en tout état de cause, ce n’est que le 5 novembre 2014 que la paierie départementale de l’Essonne a adressé à Mme X… une notification d’opposition à tiers détenteur d’un montant de 810,40 euros, soit le montant de l’indu initial augmenté des frais ; que Mme X… a déposé une demande de remise gracieuse le 23 décembre 2014 ; que, toutefois, la dette a été soldée le 10 janvier 2015 ;

Considérant que Mme X… a contesté la décision d’opposition à tiers détenteur devant la commission départementale d’aide sociale de l’Essonne qui, par décision en date 4 novembre 2015, a jugé le recours sans objet dans la mesure où la dette avait été soldée ;

Considérant qu’il ressort de l’article L. 262‑42 du code de l’action sociale et des familles que, dès qu’une demande de remise de dette est déposée et qu’un contentieux gracieux puis juridictionnel se développe, le recours est suspensif et la procédure de recouvrement doit être suspendue jusqu’à l’épuisement de la procédure devant les juridictions du fond ; que tout prélèvement pour répétition de l’indu revêt un caractère illégal ; qu’en l’espèce, il apparaît que le département de l’Essonne a soldé à tort la créance de Mme X… ; que la commission départementale d’aide sociale de l’Essonne, au fait de cette pratique illégale soulevée par Mme X…, ne l’a pas relevée ; que, par ailleurs, cette même commission ne s’est pas posée la question de savoir, en considération de la période de l’indu, si la répétition de celui-ci n’était pas prescrite ; qu’en tout état de cause, et même en cas de fausse déclaration, celle-ci n’aurait pas fait obstacle à une remise pour précarité au vu de la période couverte par l’indu, bien antérieure à l’intervention de la loi du 23 mars 2006 prohibant toute remise en cas de fraude ;

Considérant enfin, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que l’action en recouvrement entreprise par le département de l’Essonne douze ans après les faits est prescrite, en application du troisième alinéa de l’article L. 1617‑5 du code général des collectivités territoriales ; qu’il suit de là qu’il y a lieu de décharger Mme X… de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion qui lui a été assigné ; que, par voie de conséquence, tant la notification d’opposition à tiers détenteur en date du 5 novembre 2014 que la décision en date du 4 novembre 2015 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Essonne l’a validée, doivent être annulées ; qu’il est enjoint au président du conseil départemental de l’Essonne de restituer à Mme X… les sommes illégalement prélevées sur son compte bancaire au titre du recouvrement de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion porté à son débit,

Décide

Art. 1er La décision en date du 4 novembre 2015 de la commission départementale d’aide sociale de l’Essonne, ensemble la notification d’opposition à tiers détenteur en date du 5 novembre 2014, sont annulées.

Art. 2.  Mme X… est intégralement déchargée de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion de 786,40 euros qui lui a été assigné.

Art. 3.  Il est enjoint au président du conseil départemental de l’Essonne de restituer à Mme X… les sommes illégalement prélevées sur son compte bancaire au titre du recouvrement de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion porté à son débit.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à Mme X…, au président du conseil départemental de l’Essonne. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 4 mai 2017 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. BENHALLA, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 12 juin 2017.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET