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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Indu – Ressources – Déclaration – Recours – Suspension – Bénéficiaire – Précarité

Dossier no 130129

Mme X…

Séance du 6 mars 2015

Décision lue en séance publique le 22 mai 2015

Vu le recours formé le 17 janvier 2013 par Mme X… à l’encontre des décisions en date des 19 novembre et 17 décembre 2012 par lesquelles la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne a rejeté ses demandes d’annulation des décisions du président du conseil général de la Haute-Garonne en date des 5 mars 2008 et 12 février 2009, refusant de lui accorder toute remise gracieuse sur deux trop-perçus d’allocations de revenu minimum d’insertion, d’une part, d’un montant de 4 285,15 euros au titre de la période du 1er avril 2005 au 31 octobre 2006 et, d’autre part, d’un montant de 706,41 euros concernant la période du 1er février 2006 au 30 avril 2007, pour non déclaration de ses revenus dans les déclarations trimestrielles de ressources alors qu’elle « était bien considérée comme la personne responsable du dossier administratif » (sic) ;

Mme X… affirme ne plus être l’épouse de M. J… depuis son divorce en juin 2012 faisant suite à des procédures entamées en avril 2009 ; elle indique que son ex-mari, alors bénéficiaire du revenu minimum d’insertion, l’avait menacée de mort afin qu’elle ne déclare pas ses salaires à la caisse d’allocations familiales ; ce dernier rencontrait souvent des problèmes avec la justice et la police, en raison notamment de son alcoolisme ; la requérante soutient n’avoir jamais bénéficié des allocations de revenu minimum d’insertion, qui étaient versées directement sur le compte de son ex-mari ; elle précise qu’elle n’a jamais reçu les montants litigieux de 4 285,15 et 706,41 euros ; au cours des périodes litigieuses, elle travaillait à temps partiel, payant seule le loyer et les charges du foyer ; elle n’a pas les moyens de rembourser les indus portés à son débit, n’ayant cumulé que des contrats de courte durée dans la fonction publique, et étant au chômage depuis septembre 2013 ; elle ne conteste pas le bien-fondé de l’indu mais demande la remise de l’intégralité de ses dettes de 4 285,15 euros et de 706,41 euros ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les pièces desquelles il ressort que Mme X… s’est acquittée de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros instituée par l’article 1635 bis Q du code général des impôts entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 ;

Vu le mémoire en défense du président du conseil général de la Haute-Garonne en date du 14 février 2014 concluant au maintien des décisions attaquées et des indus litigieux ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 6 mars 2015, Mme Fatoumata DIALLO, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262‑11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262‑39 (…). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (…) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (…) et notamment les avantages en nature, ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article L. 262‑2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge » ;

Considérant, d’autre part, qu’il ressort des dispositions de l’article L. 262‑42 du code de l’action sociale et des familles que, dès qu’une demande de remise de dette est déposée et qu’un contentieux se développe, le recours est suspensif et le recouvrement doit être suspendu jusqu’à l’épuisement de la procédure devant les juridictions du fond ; que tout prélèvement pour répétition de l’indu revêt un caractère illégal ;

Considérant que Mme X… a déposé une demande de revenu minimum d’insertion le 30 mai 1995 au titre d’une personne isolée, sans enfant à charge, n’exerçant aucune activité professionnelle et ne percevant aucun revenu ; qu’elle s’est mariée avec M. J… le 7 juin 2005 ; que, comme suite à deux enquêtes administratives sur la situation et les ressources de la requérante le 23 novembre 2006 et en 2007, la caisse d’allocations familiales de la Haute-Garonne a relevé que celle-ci avait perçu, sans en faire état dans ses déclarations trimestrielles de ressources, des salaires et des allocations chômage ; qu’il suit de là que deux trop-perçus d’allocations de revenu minimum d’insertion lui ont été assignés respectivement le 2 décembre 2006 et le 22 janvier 2008, le premier d’un montant initial de 4 285,15 euros au titre de la période du 1er avril 2005 au 31 octobre 2006, le second d’un montant de 706,41 euros au titre de la période du 1er février 2006 au 30 avril 2007 ; que l’allocataire a sollicité une remise gracieuse pour le trop-perçu d’un montant de 4 285,15 euros par courrier en date du 21 décembre 2006 adressé au président du conseil général de la Haute-Garonne ; que par une décision en date du 27 juin 2007, ce dernier lui a seulement consenti un prélèvement mensuel à hauteur de 10 % sur son allocation de revenu minimum d’insertion au lieu des 20 % réglementaires ; que par un autre courrier en date du 2 octobre 2007 adressé à l’organisme payeur, l’allocataire demandait une nouvelle fois une remise de cette dette ou du moins le transfert de celle-ci sur le compte de son époux, faisant état de menaces et violences conjugales et précisant que l’allocation de revenu minimum d’insertion était perçue par son mari, directement sur son compte ; que par une décision en date du 5 mars 2008, le président du conseil général de la Haute-Garonne a rejeté cette nouvelle demande ; que par un courrier en date du 13 mars 2008, Mme X… a sollicité une exonération de ladite dette auprès de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne, faisant état à plusieurs reprises de violences conjugales et de menaces avérées de la part de son mari, invoquant sa bonne foi, déclarant travailler à temps partiel, payant seule le loyer et les charges du foyer, et se trouvant dans l’impossibilité de rembourser la dette litigieuse dont elle ne contestait pas le bien-fondé, mais le destinataire ; que par un nouveau courrier en date du 27 août 2008, Mme X… a sollicité une remise de dette concernant l’indu d’un montant de 706,41 euros auprès du président du conseil général qui a rejeté cette demande par décision en date du 12 février 2009 ; que par un courrier en date du 3 mars 2009, Mme X… a formé un recours contre cette décision devant la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne ; que par deux décisions en date des 19 novembre et 17 décembre 2012, la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne a rejeté les recours de la requérante, considérant qu’elle n’avait pas déclaré ses revenus et qu’elle était bien considérée comme la personne responsable du dossier administratif (sic) ;

Considérant que, la motivation retenue par la commission départementale d’aide sociale ne fait pas apparaître qu’elle se soit interrogée sur la portée de l’affirmation de Mme X… selon laquelle son mari était le seul bénéficiaire effectif des allocations de revenu minimum d’insertion ; qu’il résulte de ce qui précède que sa décision doit être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la requête de Mme X… ;

Considérant que, si le mariage de Mme X… avec M. J… n’a été dissous que le 23 juin 2011 par jugement de divorce du juge des affaires familiales du tribunal de grande instance de la Haute-Garonne après qu’une décision de résidence séparée ait été prise le 10 mars 2010, et si Mme X… ne conteste formellement ni l’indu ni le calcul auquel il a été procédé du montant de celui-ci, le moyen tiré de ce que les allocations de revenu minimum d’insertion litigieux auraient été versées sur le compte de l’ex-époux de l’intéressée ne peut être regardé comme étant sans incidence sur le bien-fondé de la récupération, et ne suffit pas à justifier que ce soit la requérante qui soit requise de procéder au remboursement demandé par l’administration, alors surtout qu’il ressort du dossier que Mme X… était victime de la part de M. J… de violences et menaces conjugales répétées ;

Considérant que la commission centrale d’aide sociale a demandé, par deux courriers recommandés avec accusés de réception en date du 11 juin 2014, respectivement au président du conseil général de la Haute-Garonne et à Mme X…, d’une part, de lui faire savoir sur quel compte (Mme X… ou M. J…) l’allocation de revenu minimum d’insertion était versée durant les deux périodes litigieuses (du 1er avril 2005 au 31 octobre 2006 et du 1er février 2006 au 30 avril 2007) et, d’autre part de lui transmettre tout élément utile permettant d’apprécier l’état des ressources faisant apparaître qui avait demandé le revenu minimum d’insertion au titre de la période du 1er avril 2005 au 30 avril 2007 ; qu’en réponse à cette correspondance, le président du conseil général a produit une attestation de paiement de l’agent comptable de la caisse d’allocations familiales de la Haute-Garonne indiquant que les prestations de revenu minimum d’insertion ont été versées sur le compte de la caisse nationale d’épargne de M. J… au titre de la période du 1er avril 2005 au 30 avril 2007, ce qui contredit les appréciations portées par la commission départementale d’aide sociale ; qu’également, Mme X… produit une attestation de droits en date du 5 novembre 2014 par laquelle le directeur de la caisse d’allocations familiales de la Haute-Garonne certifie que le revenu minimum d’insertion dont elle était bénéficiaire au titre de la période précitée, « était versé au titre du couple, mais c’est M. J… qui en avait fait la demande au départ. Le RMI a été versé sur le compte bancaire de M. J… à la poste » ;

Considérant que le dossier ne fait ressortir ni qu’une plainte de fraude au revenu minimum d’insertion aurait été déposée ni, si cela avait été le cas, qu’elle aurait donné lieu à une décision de la juridiction pénale ou du parquet ; que les faits reprochés à l’intéressée se situent en toute hypothèse entre le 1er avril 2005 et le 30 avril 2007, de sorte que, pour une partie du litige, les dispositions de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles sont applicables dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 mars 2006 ; qu’il résulte de ce qui précède qu’une remise de dette pour précarité peut être accordée pour la période du 1er avril 2005 au 25 mars 2006 ; qu’en outre, Mme X… fait valoir qu’elle fait face à de lourdes difficultés financières qui font obstacle au remboursement intégral de sa dette ; qu’elle est au chômage depuis septembre 2013, percevant des indemnités ASSEDIC dont le montant n’est pas connu, une pension alimentaire mensuelle de 250 euros et l’aide au logement à hauteur de 183,69 euros par mois ; qu’elle ne bénéficie plus du revenu de solidarité active et qu’elle a des problèmes de santé ; qu’en conséquence, il convient d’accorder à l’allocataire une remise totale des indus d’allocations de revenu minimum d’insertion qui lui ont été assignés ;

Considérant par ailleurs qu’il résulte du dossier, que nonobstant le caractère suspensif conformément aux dispositions de l’article L. 262‑42 du code de l’action sociale et des familles sus-rappelé, du recours formé par Mme X…, il a été procédé sur ses prestations sociales à des prélèvements en vue du remboursement de l’indu ; que par suite, il y a lieu de procéder au remboursement intégral des montants qui auraient été récupérés ;

Considérant, enfin, qu’il revient au président du conseil général de la Haute-Garonne de rechercher si M. J… peut ou non être requis de procéder au paiement de tout ou partie de l’indu litigieux,

Décide

Art. 1er Les décisions en date des 19 novembre et 17 décembre 2012 de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne, ensemble les décisions en date des 5 mars 2008 et 12 février 2009 du président du conseil général de la Haute-Garonne, sont annulées.

Art. 2.  Il est accordé à Mme X… une remise totale de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 4 991,56 euros porté à son débit.

Art. 3.  Il est enjoint au président du conseil général de la Haute-Garonne de procéder au remboursement intégral des prélèvements qui auraient été opérés.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à Mme X…, au président du conseil départemental de la Haute-Garonne. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 6 mars 2015 où siégeaient M. BELORGEY, président, M. CULAUD, assesseur, Mme DIALLO, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 22 mai 2015.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET