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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Indu – Quote-part – Foyer – Vie maritale – Prescription – Pension alimentaire – Déclaration – Autorité de la chose jugée

Dossier no 160141

Mme X…

Séance du 13 septembre 2017

Décision lue en séance publique le 27 septembre 2017

Vu la requête en date du 14 mars 2016, complétée le 29 septembre 2016, par laquelle Mme X… demande :

1o D’annuler la décision du 3 décembre 2015 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de La Réunion a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision en date du 26 février 2010 de la caisse d’allocations familiales de La Réunion qui lui a notifié un indu de 13 538,40 euros, résultant d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion détecté pour la période de mars 2008 à décembre 2009, et lui a assigné le remboursement de la somme de 6 069,20 euros correspondant à sa quote-part en qualité de concubine de M. Y… durant la période litigieuse ;

2o De condamner le conseil départemental de La Réunion à lui rembourser la somme de 700 euros déjà versée par elle ;

3o De condamner le conseil départemental de La Réunion à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts ;

La requérante soutient que :

la troisième personne présente aux audiences des 4 novembre et 3 décembre 2015 de la commission départementale d’aide sociale n’apparaît pas dans le jugement ;

l’article R. 262‑2-10o du code de l’action sociale et des familles ne concerne pas les sommes versées par des personnes privées, mais les prestations versées par des organismes publics ;

la circulaire du 26 mars 1993 exclut totalement dans son 15o les libéralités ;

les sommes versées par sa mère étaient des libéralités, ainsi que l’a reconnu le procureur de la République dans la décision de classement sans suite du 14 novembre 2012 ;

c’est un employé de la caisse d’allocations familiales qui lui a dit de ne pas les déclarer ;

le revenu minimum d’insertion étant perçu sur le compte de son ex-concubin, il n’est pas démontré qu’elle en a tiré profit et, qu’ainsi, l’avis du Conseil d’Etat ne s’applique pas à son cas ;

l’action est prescrite à son encontre, l’indu, s’il existait, ne lui ayant jamais été réclamé selon les voies légales ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les pièces du dossier, desquelles il ressort que la requête a été communiquée à la présidente du conseil départemental de La Réunion, qui n’a pas produit d’observations en défense ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 13 septembre 2017 Mme TANDONNET-TUROT, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

 Sur les conclusions relatives au revenu minimum d’insertion :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations est récupéré par retenue sur le montant des allocations à échoir ou, si le bénéficiaire opte pour cette solution ou s’il n’est plus éligible au revenu minimum d’insertion, par remboursement de la dette en un ou plusieurs versements. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262‑39 (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion ou de la prime forfaitaire est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent, (…) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, tel qu’il est défini à l’article R. 262‑1 (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article L. 262‑2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 262‑35 du même code : « (…) Le versement de l’allocation est subordonné à la condition que l’intéressé fasse valoir ses droits aux créances d’aliments qui lui sont dues au titre des obligations instituées par les articles 203 (…) du code civil (…) » ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 262‑40 du code de l’action sociale et des familles : « L’action du bénéficiaire pour le paiement de l’allocation (…) se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la caisse d’allocations familiales de La Réunion a notifié par un courrier en date du 26 février 2010 à Mme X… un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 13 538,40 euros pour la période allant de mars 2008 à décembre 2009 ; que Mme X… joint à son dossier sa réponse en date du 16 mars 2010 à ce courrier, qu’elle reconnaît ainsi avoir reçu ; qu’il ressort de la lecture de cette décision qu’elle comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que la requérante, qui ne produit que le recto de cette décision, n’est pas fondée à soutenir que ce courrier n’aurait pas interrompu la prescription au motif qu’il n’est pas signé et n’indique pas les voies de recours ; que Mme X… en a accepté les termes en procédant à des règlements volontaires de juillet 2011 à janvier 2012, en vue de solder sa dette ; qu’ainsi, le recouvrement de la créance a débuté à cette date ; qu’il n’était, par suite, pas prescrit lorsque, le 29 mai 2012, une mise en demeure a été adressée à Mme X… pour le montant de 12 938,40 euros restant à recouvrer, laquelle a de nouveau reporté la prescription ; que la créance n’était ainsi pas prescrite lorsque, le 27 juillet 2012, Mme X… a contesté la décision de la caisse d’allocations familiales du 26 février 2010 devant la commission départementale d’aide sociale de La Réunion ;

Considérant que, à l’appui de sa contestation, Mme X… soutient que l’indu qui lui est réclamé n’est pas fondé, dès lors que la demande de revenu minimum d’insertion a été présentée par M. Y…, avec lequel elle a vécu maritalement de 2002 à 2010, et que l’allocation était versée à ce dernier ; qu’il ressort cependant des pièces du dossier que la demande de revenu minimum d’insertion, présentée le 28 février 2007 pour un foyer composé de trois personnes, a été signée par les deux concubins, ainsi que les déclarations trimestrielles de ressources ; que c’est dès lors à bon droit que l’ensemble des ressources du foyer a été pris en compte pour le calcul des droits du bénéficiaire ; que Mme X… n’établit par ailleurs pas, ainsi qu’elle le soutient, que l’allocation était versée sur le compte bancaire de M. Y… ;

Considérant qu’il est constant que Mme X… a perçu de sa mère, tout au long de la période en cause, des sommes qui lui ont été versées pour les montants mensuels de 950 euros en 2007 et de 1 150 euros en 2008 et en 2009 ; qu’elle indique que ces sommes étaient déclarées fiscalement par sa mère et par elle-même ; qu’eu égard à leur caractère durable et régulier, ces sommes n’ont pas le caractère d’une libéralité, mais d’une pension alimentaire qui ne représente qu’une modalité de l’obligation alimentaire à laquelle demeurent tenus les ascendants envers leurs descendants dans le besoin et constituent pour leurs bénéficiaires une ressource dont l’ensemble doit être pris en compte, l’allocation de revenu minimum d’insertion n’ayant, en application des dispositions de l’article L. 262‑35 du code de l’action sociale et des familles susvisé, qu’un caractère subsidiaire ; que, si l’autorité de la chose jugée au pénal s’impose aux autorités et juridictions administratives en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire de leurs décisions, l’autorité de la chose jugée au pénal ne s’étend pas à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal ; que Mme X… ne saurait ainsi, en tout état de cause, utilement faire valoir que, dans son avis de classement sans suite du 14 novembre 2012, le procureur de la République aurait indiqué que les sommes versées par sa mère « sont des libéralités et non une pension alimentaire judiciaire » ; que l’absence de condamnation pénale d’un allocataire n’est pas davantage de nature à faire obstacle à ce que l’autorité administrative puis, le cas échéant, le juge de l’aide sociale, dans le cadre d’un litige relatif au recouvrement d’allocations de revenu minimum d’insertion indûment perçues par un allocataire, puisse porter, de manière autonome, une appréciation sur l’existence d’une pension alimentaire ; que Mme X… ne saurait, par ailleurs, invoquer au soutien de ses prétentions ni la circulaire du 26 mars 1993, ni la réponse ministérielle publiée au Journal officiel du 22 novembre 2012, qui n’ont aucune valeur réglementaire, et qui concernent en outre les libéralités et non les pensions alimentaires, ni faire valoir qu’un employé de la caisse d’allocations familiales lui aurait indiqué qu’elle n’était pas tenue de déclarer les libéralités ;

Considérant que Mme X…, qui a omis de faire figurer le montant de la pension alimentaire susmentionnée sur ses déclarations trimestrielles de ressources, a failli à son obligation de déclaration exhaustive de ses revenus ; qu’ainsi, l’indu détecté est fondé en droit ; qu’à la suite de la régularisation de son dossier, le remboursement de la somme de 13 538,40 euros a été mis à la charge de Mme X…, à raison d’allocations de revenu minimum d’insertion indûment perçues pour la période allant de mars 2008 à décembre 2009, par décision de la caisse d’allocations familiales en date du 26 février 2010 ; que, saisie par Mme X… d’un recours sur le bien-fondé de cet indu, la commission départementale d’aide sociale de La Réunion, par la décision attaquée, a rejeté sa demande après avoir limité la somme réclamée à la requérante à 6 069,20 euros pour tenir compte du règlement de 700 euros d’ores et déjà effectué par l’intéressée et de la mise en œuvre de la responsabilité solidaire de son ex-concubin dans le remboursement de la dette ;

Considérant que la commission départementale d’aide sociale de La Réunion, sur la demande de la seule Mme X…, a statué en mettant la moitié de l’indu initial à la charge de M. Y…, alors que ce dernier n’a pas été appelé à l’instance ; que sa décision est donc irrégulière et doit être annulée de ce seul chef ; qu’il n’y a donc lieu de statuer qu’à l’égard de Mme X… ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 134‑6 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la décision du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011 : « La commission départementale est présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou le magistrat désigné par lui pour le remplacer. (…). Les fonctions de rapporteur sont assurées par le secrétaire de la commission (…) » ;

Considérant que, si Mme X… soutient qu’outre le président et le rapporteur, une troisième personne était présente à l’audience et y a manifesté ses positions, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la composition de la commission départementale d’aide sociale de La Réunion, dès lors qu’il n’est pas établi, ni même d’ailleurs allégué, que, contrairement à ce qui est indiqué sur la décision attaquée, cette personne, qui n’est pas identifiée par la requérante, aurait participé au délibéré ; que le nom de cette personne n’avait donc pas à apparaître dans le jugement ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que Mme X… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que la caisse d’allocations familiales de La Réunion lui a assigné un trop-perçu de 13 538,40 euros duquel il convient de déduire la somme de 700 euros déjà acquittée par l’intéressée, correspondant aux allocations de revenu minimum d’insertion perçues indûment de mars 2008 à décembre 2009 ; qu’il lui appartiendra, si elle s’y croit fondée, de demander un échelonnement du remboursement de la dette auprès des services du trésorier payeur départemental ;

 Sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme X… :

Considérant que Mme X… demande que le conseil départemental de La Réunion soit condamné à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts ; que la commission centrale d’aide sociale n’est pas compétente pour statuer sur ces conclusions,

Décide

Art. 1er La décision en date du 3 décembre 2015 de la commission départementale d’aide sociale de La Réunion est annulée en ce qu’elle statue à l’égard de MY

Art. 2.  Le recours de Mme X… est rejeté.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Mme X…, à la présidente du conseil départemental de La Réunion. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 13 septembre 2017 où siégeaient Mme DOROY, présidente, M. MONY, assesseur, Mme TANDONNET-TUROT, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 27 septembre 2017.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET