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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH)

Prestation de compension du handicap

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) – Prestation de compensation du handicap (PCH) – Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) – Absence – Etrangers – Décision – Erreur manifeste d’appréciation – Conditions d’octroi – Résidence – Exception – Compétence juridictionnelle

Dossier no 160486

M. X…

Séance du 5 juillet 2017

Décision lue en séance publique le 5 juillet 2017 à 12 h 30

Vu, enregistrée au greffe de la commission centrale d’aide sociale le 13 septembre 2016, la requête présentée par la présidente du conseil de Paris tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision en date du 17 juin 2016, notifiée le 19 juillet 2016, par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Paris a annulé la décision en date du 29 juillet 2015 de la présidente du conseil de Paris suspendant le droit de M. X… à la prestation de compensation du handicap (PCH) à compter du 1er octobre 2015 ; la présidente du conseil de Paris fait valoir, d’une part, que l’organisme débiteur de la PCH n’est pas lié par la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) contrairement à ce qu’a affirmé la commission départementale d’aide sociale de Paris et que le bénéficiaire de la PCH voulait effectuer un voyage de plus de trois mois en dehors du territoire national, ce qui justifiait la suspension de son droit à la PCH, conformément aux dispositions législatives et réglementaires ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré le 2 novembre 2016, le mémoire en défense présenté par M. X… tendant au rejet de la requête par les motifs qu’il a obtenu de la CDAPH de Paris l’autorisation de suivre un cursus universitaire en Israël tout en pouvant continuer à bénéficier de la PCH ; que cette décision de la CDAPH lie l’organisme débiteur de cette prestation, à savoir le conseil départemental de Paris ; qu’ayant pu préparer, entre la décision de la CDAPH et la décision de la présidente du conseil de Paris, son voyage d’étude en Israël, la remise en cause du droit accordé par la CDAPH compromettrait son projet d’étude et de vie ; que les prestations qu’il entend financer avec la PCH en Israël sont les mêmes et sensiblement au même tarif qu’en France ; qu’enfin, la décision de la présidente du conseil de Paris lui cause un préjudice qu’il entend voir indemnisé à hauteur de 10 000 euros ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 5 juillet 2017 M. Vianney CAVALIER, rapporteur, Mme Y…, pour M. X…, en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant que M. X… a cherché à réorienter sa carrière suite à l’évolution de sa maladie ; qu’il s’est inscrit à une licence d’histoire et cultures du Moyen-Orient en Israël ; qu’il a obtenu de la CDAPH de Paris le maintien de sa PCH pour la durée du cursus qui est de trente-huit mois ; que le département de Paris conteste ce maintien étant donné la durée du séjour à l’étranger et la possibilité de poursuivre le même cursus en France ; que M. X… a saisi la commission départementale d’aide sociale de Paris qui a annulé la décision de la présidente du conseil de Paris du 29 juillet 2015, par décision en date du 17 juin 2016 ; que la présidente du conseil de Paris a interjeté appel de cette décision devant la commission centrale d’aide sociale ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 245‑1 du code de l’action sociale et des familles : « La prestation de compensation est accordée par la commission mentionnée à l’article L. 146‑9 et servie par le département où le demandeur a son domicile de secours ou, à défaut, où il réside, dans des conditions identiques sur l’ensemble du territoire national. / L’instruction de la demande de prestation de compensation comporte l’évaluation des besoins de compensation du demandeur et l’établissement d’un plan personnalisé de compensation réalisés par l’équipe pluridisciplinaire dans les conditions prévues à l’article L. 146‑8. / Toutefois, en cas d’urgence attestée, le président du conseil départemental peut attribuer la prestation de compensation à titre provisoire et pour un montant fixé par décret. Il dispose d’un délai de deux mois pour régulariser cette décision, conformément aux dispositions des deux alinéas précédents. / Les décisions relatives à l’attribution de la prestation par la commission mentionnée à l’article L. 146‑9 peuvent faire l’objet d’un recours devant la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale. Les décisions du président du conseil départemental relatives au versement de la prestation peuvent faire l’objet d’un recours devant les commissions départementales mentionnées à l’article L. 134‑6, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 134‑1 à L. 134‑10. » ;

Considérant qu’il ne se déduit pas de ces dispositions que l’organisme débiteur de la prestation soit lié par la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées en cas de doute sérieux quant à la légalité d’une telle décision ; qu’en décidant que le département de Paris était lié par la décision de la CDAPH, la commission départementale d’aide sociale de Paris a commis une erreur de droit ; qu’il y a lieu d’annuler la décision en date du 17 juin 2016 et d’évoquer la demande ;

Considérant que M. X… est bénéficiaire de la prestation de compensation du handicap versée par le département de Paris depuis le 1er mai 2007 ; qu’il s’est inscrit dans une formation de trente-huit mois en Israël et a obtenu le maintien de ses prestations pendant la durée de ses études par décision de la CDAPH de Paris ; que, cependant, la présidente du conseil de Paris conteste le maintien de cette prestation et a, par décision en date du 29 juillet 2015, limité ses droits à la prestation pour la période du 1er février 2015 au 30 septembre 2015 au motif qu’il ne remplit plus la condition de résidence habituelle ;

Considérant que l’article R. 245‑1 du code de l’action sociale et des familles dispose : « est réputée avoir une résidence stable en France métropolitaine, dans les départements mentionnés à l’article L. 751‑1 du code de la sécurité sociale ou à Saint-Pierre-et-Miquelon la personne handicapée qui y réside de façon permanente et régulière ou accomplit hors de ces territoires : / 1o Soit un ou plusieurs séjours provisoires dont la durée n’excède pas trois mois au cours de l’année civile ; en cas de séjour de plus de trois mois hors de ces territoires, soit de date à date, soit sur une année civile, la prestation de compensation n’est versée que pour les seuls mois civils complets de présence sur ces territoires. En cas de versements ponctuels de cette prestation, le montant total attribué est diminué à due proportion ; toutefois en cas de séjour de moins de six mois hors de ces territoires, cette réduction n’est pas appliquée pour la partie de la prestation concernant les aides techniques et les aménagements de logement ou du véhicule pris en compte en vertu des 2o et 3o de l’article L. 245‑3 ; / 2o Soit un séjour de plus longue durée lorsqu’il est justifié que le séjour est nécessaire pour lui permettre soit de poursuivre ses études, soit d’apprendre une langue étrangère, soit de parfaire sa formation professionnelle. » ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la condition de résidence habituelle en France pour le versement de la PCH peut ne plus être remplie par le bénéficiaire s’il quitte le territoire national pour une période de plus de trois mois ; que, toutefois, le code prévoit des exceptions à la suspension du droit à la PCH, notamment la poursuite d’études, l’apprentissage d’une langue étrangère ou pour parfaire une formation professionnelle ; que l’article R. 245‑1 du code de l’action sociale et des familles précité ne donne aucune limite de temps ;

Considérant que le département de Paris se borne à affirmer que la durée des études de M. X… est trop longue pour permettre une prise en charge de la PCH en Israël ; que, cependant, le code de l’action sociale et des familles ne donne aucune limite de temps à la durée des études à l’étranger ; que la suspension du droit à la PCH de M. X… n’est pas justifiée ;

Considérant que M. X…, contrairement à ce qu’avance le département de Paris, apporte des preuves de sa volonté de revenir sur le territoire national à l’issue de sa période d’études ; que ses parents habitent en France, dans le département de Paris et qu’il a déposé une demande de logement social dans la ville de Paris pour préparer son retour ; qu’il faut donc considérer que ces études ne constituent qu’un passage temporaire à l’étranger ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le département de Paris n’est pas fondé à demander le maintien de sa décision en date du 29 juillet 2015 ;

Considérant enfin que M. X… entend se voir indemniser à hauteur de 10 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé la décision en date du 29 juillet 2015 de la présidente du conseil de Paris ; que cependant la commission centrale d’aide sociale n’est pas compétente pour statuer sur la responsabilité des collectivités débitrices de l’aide sociale ; qu’il y a lieu de rejeter cette demande,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale de Paris en date du 17 juin 2016 est annulée.

Art. 2.  La décision de la présidente du conseil de Paris en date du 29 juillet 2015 est annulée.

Art. 3.  La demande de dommages et intérêts de M. X… est rejetée.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à M. X…, à la présidente du conseil de Paris. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de Paris et à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 5 juillet 2017 où siégeaient M. Denis RAPONE, président, Mme Pauline DESCHAMPS, assesseure, M. Vianney CAVALIER, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 5 juillet 2017 à 12 h 30.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET