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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur succession

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur succession – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Donation – Assurance-vie – Compétence juridictionnelle – Précarité

Dossier no 160027

Mme X…

Séance du 19 février 2018

Décision lue en séance publique le 19 mars 2018

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2016, et des mémoires complémentaires enregistrés le 5 janvier 2017 et le 2 janvier 2018, M. Y… et Mme Y… demandent à la commission centrale d’aide sociale :

1o D’annuler la décision du 20 novembre 2015 de la commission départementale d’aide sociale de Paris qui, sur leur demande d’annulation de la décision du 28 octobre 2013 par laquelle le président du conseil de Paris a décidé la récupération de sa créance d’aide sociale au titre de l’hébergement de Mme X… sur l’actif net successoral légué, à concurrence de 13 312 euros, sur une donation de 120 000 francs qui leur a été faite le 4 août 2000 et sur un contrat d’assurance-vie dont ils ont bénéficié à compter du décès de Mme X… à concurrence de 15 250 euros chacun, a réduit le montant de la récupération sur les deux donations à 15 000 euros et a confirmé le recours en récupération sur la succession ;

2o D’annuler la décision du 28 octobre 2013 du président du conseil de Paris ;

Ils soutiennent que :

ils n’ont pas les ressources pour rembourser la somme demandée par le conseil de Paris ;

la situation médicale de M. Y…, reconnu handicapé à 80 %, s’est dégradée ;

ils n’avaient pas été informés de la créance d’aide sociale du département au moment du décès de Mme X…, dont ils se sont occupés jusqu’à sa mort ;

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juillet 2016, le département de Paris conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

la situation financière des requérants a été prise en compte par la commission départementale d’aide sociale qui a ramené le montant de la récupération à 28 312 euros, soit près de la moitié des sommes initialement réclamées ;

les requérants ont préalablement bénéficié d’une mesure de faveur, avec une diminution du montant de la récupération décidée par le président du conseil de Paris pour tenir compte des droits de mutation grevant l’actif net de succession et des frais fiscaux sur les donations ;

ils peuvent demander à bénéficier d’un échéancier de paiement auprès du Trésor public ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ont été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ont été informées de la date et de l’heure de l’audience.

A l’audience publique du 19 février 2018, ont été entendus :

le rapport de M. HUMBERT, rapporteur ;

les observations de Mme Y…, qui a fait valoir sa situation personnelle et l’état de santé de son mari, hospitalisé en service de réanimation et dans le coma à l’hôpital H… ;

Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique :

1. Mme X… a bénéficié de l’aide sociale à l’hébergement de la part du département de Paris de 2002 jusqu’à la date de son décès le 6 janvier 2012. Il en est résulté pour le département une créance d’aide sociale d’un montant total de 144 983,52 euros. Par décision du 28 octobre 2013, le département de Paris a décidé la récupération de sa créance d’aide sociale sur l’actif net successoral de Mme X… à concurrence de 13 312 euros, sur une donation de 120 000 francs qui a été faite le 4 août 2000 à M. Y… et Mme Y… à concurrence de 5 518,65 euros chacun et sur un contrat d’assurance-vie dont ils ont bénéficié à compter du décès de Mme X… à concurrence de 15 250 euros chacun. La commission départementale d’aide sociale de Paris a réformé le 20 novembre 2015 la décision prise par le département de Paris en limitant le montant de la récupération sur les donations à 15 000 euros tout en confirmant le recours en récupération sur la succession. M. et Mme Y… relèvent appel de la décision de la commission départementale d’aide sociale en tant qu’elle n’a pas prononcé la décharge totale des sommes qui leur sont réclamées ;

2. L’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles, dans sa version alors applicable, dispose : « Des recours sont exercés (…) par (…) le département : 1o Contre (…) la succession du bénéficiaire ; 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire. (…) Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire ». L’article R. 132‑11 du même code prévoit que : « Le président du conseil départemental (…) fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie ». L’article R. 132‑12 du même code dispose : « Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire, prévu à l’article L. 132‑8 (…) s’exerce sur la partie de l’actif successoral qui excède 46 000 euros. (…) » ;

3. Pour l’application de ces dispositions, il appartient aux juridictions de l’aide sociale, statuant en qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de l’action engagée par la collectivité publique d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre parties à la date de leur propre décision. Elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, d’aménager les modalités de cette récupération et, le cas échéant, d’en réduire le montant ou d’en reporter les effets dans le temps ;

4. Il résulte de l’instruction que M. et Mme Y… ont été désignés légataires universels de Mme X… à son décès par testament olographe du 17 octobre 2000. A ce titre, ils ont reçu l’actif successoral de celle-ci s’élevant à 32 181,96 euros. Le département a décidé de limiter le montant de la récupération de sa créance d’aide sociale à la somme de 13 312 euros, déduction faite des droits de mutation acquittés à l’occasion du legs ;

5. Il résulte également de l’instruction que M. et Mme Y… ont bénéficié à la fois d’une donation de 120 000 francs de la part de Mme X… par acte du 4 août 2000 et d’un contrat d’assurance-vie souscrit le 6 décembre 2002 par Mme X…, alors âgée de 80 ans, à leur bénéfice et s’élevant à la date de son décès à 32 955,44 euros. Alors que le département de Paris avait réduit le montant de sa récupération sur ces sommes, dont la nature de donation n’est pas contestée, de 9 712,03 euros pour tenir compte des droits acquittés sur les sommes perçues et avait fixé le montant de la récupération sur ces sommes à 5 518,65 euros et 15 250 euros chacun au titre de la donation et du contrat d’assurance-vie respectivement, la commission départementale d’aide sociale a limité la récupération à un total de 15 000 euros pour les deux en tout et pour tout ;

6. Il résulte de l’instruction que M. et Mme Y… ne disposent plus des fonds que le notaire chargé de la succession leur a transmis, celui-ci ne les ayant pas informés de l’existence d’une créance d’aide sociale au moment de la dévolution successorale, ce qu’il confirme en indiquant qu’il en a recherché l’existence seulement auprès du département des Hauts-de-Seine et non auprès du département de Paris et que corrobore le fait que des droits de mutation ont été acquittés sur le montant de l’actif net successoral ; que les requérants, âgés respectivement de 84 et 77 ans, ne sont pas en mesure de reverser les sommes perçues, compte tenu de leur situation financière très modeste, attestée par les faits qu’ils habitent dans une habitation à loyer modéré, qu’ils ne sont pas imposables à l’impôt sur le revenu, qu’ils n’ont ni patrimoine ni économies, ainsi que de l’état de santé dégradé de M. Y…, reconnu handicapé à 80 % et hospitalisé. Par conséquent, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de ramener le montant total de la créance d’aide sociale du département de Paris à récupérer à 300 euros, soit 150 euros chacun, en tout et pour tout,

Décide

Art. 1er La créance d’aide sociale au titre de l’hébergement de Mme X… du département de Paris est ramenée à la somme totale de 150 euros chacun pour M. et Mme Y…

Art. 2.  La décision de la commission départementale d’aide sociale de Paris est réformée conformément à l’article 1er ci-dessus.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Mme Y… et à M. Y…, à la présidente du conseil de Paris. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 19 février 2018 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, M. CULAUD, assesseur, M. HUMBERT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 19 mars 2018.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET