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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur donation

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur donation – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Donation – Ressources – Précarité

Dossier no 150447

Mme X…

Séance du 27 novembre 2017

Décision lue en séance publique le 22 janvier 2018

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2015, et des mémoires complémentaires enregistrés les 5 août et 31 août 2015, M. Y… demande à la commission centrale d’aide sociale :

1o D’annuler la décision du 22 janvier 2015 de la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision du 6 octobre 2014 par laquelle le président du conseil départemental de Vaucluse a décidé la récupération sur donation de la créance d’aide sociale au titre de l’hébergement de Mme X… pour un montant de 36 961,16 euros ;

2o D’annuler la décision du 6 octobre 2014 du président du conseil départemental de la Drôme ;

Il soutient que :

le don de 125 000 euros consenti par sa mère après la vente de sa maison, en exécution des volontés de son père, lui a permis d’acheter une maison ; le juge civil a reconnu la validité de la donation de sa mère le 12 avril 2012 ; il a juste dû reverser la somme correspondant aux droits de mutation que sa mère avait acquittés à sa place, ce qui l’a conduit à contracter un crédit, en plus du crédit contracté pour le financement de l’acquisition de sa propre maison ;

il n’a pas les ressources pour reverser au département le montant de la créance d’aide sociale ; son salaire mensuel, qui est la seule source de revenu de son foyer composé de sa compagne et de ses deux enfants mineurs, est de 1 277 euros ; il ne peut pas reverser la somme même sous forme de mensualité de 100 euros ; le reversement risque d’entraîner une hypothèque sur sa maison et une fragilisation de sa famille ;

s’il avait su que la donation devait donner lieu à un recours en récupération de la part du département, il n’aurait pas accepté la donation ;

il présente des attestations démontrant qu’il s’est toujours occupé de sa mère à la différence de son frère, que celle-ci lui a fait une donation en pleine connaissance de cause, que sa mère est restée à son domicile de 2006 à 2008 avant d’être prise en charge par un établissement médicalisé, qu’elle a rejoint volontairement ;

Par un mémoire en défense du 4 juin 2015, et un mémoire complémentaire enregistré le 16 octobre 2015, le département de Vaucluse conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

Mme X… a vendu le 20 décembre 2005 un bien immobilier possédé dans le Vaucluse, pour 140 253,20 euros ; elle a fait donation à son fils M. Y… de la somme de 125 008,20 euros le 7 décembre 2005, soit moins de 10 ans avant son admission à l’aide sociale par le département de Vaucluse pour son hébergement en établissement décidée le 1er décembre 2009 ; le recours sur donation est donc possible conformément aux dispositions de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles ;

le département a décidé de recouvrer la somme de 36 961,16 euros au titre de sa créance d’aide sociale ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ont été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ont été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 27 novembre 2017 M. HUMBERT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique :

1. Mme X… a été admise par le département de Vaucluse à l’aide sociale à l’hébergement à la suite de son entrée en établissement à compter du 1er décembre 2009. A la suite d’une donation de 125 008,20 euros qu’elle a effectuée le 7 décembre 2005 à son fils M. Y… sur les fonds qu’elle a obtenus de la vente d’un bien immobilier qu’elle possédait, le département a décidé le 6 octobre 2014 un recours sur cette donation pour récupérer la créance d’aide sociale qu’il détenait sur Mme X… à concurrence de la somme de 36 961,16 euros, correspondant à l’aide sociale accordée pour la période du 1er décembre 2009 au 31 décembre 2012. M. Y… relève appel de la décision de la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse du 22 janvier 2015 qui a rejeté sa demande d’annulation de la décision du 6 octobre 2014 ;

2. L’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles, dans sa version alors applicable, dispose : « Des recours sont exercés (…) par (…) le département : (…) 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande (…). Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire ». L’article R. 132‑11 du même code prévoit que : « Le président du conseil départemental (…) fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie » ;

3. Pour l’application de ces dispositions, il appartient aux juridictions de l’aide sociale, statuant en qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de l’action engagée par la collectivité publique d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre parties à la date de leur propre décision. Elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, d’aménager les modalités de cette récupération et, le cas échéant, d’en réduire le montant ou d’en reporter les effets dans le temps ;

4. Il résulte de l’instruction que M. Y… a bénéficié d’une donation de sa mère d’une somme de 125 008,20 euros, consécutive à l’aliénation d’un bien immobilier que celle-ci possédait. Le juge civil a d’ailleurs reconnu la validité de cette donation contestée par le tuteur de Mme X… Il est constant que cette donation a été réalisée moins de 10 ans avant l’admission à l’aide sociale de Mme X… Le montant de la créance d’aide sociale du département n’est pas contesté. Ainsi, par application des dispositions susrappelées de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles, le département pouvait exercer un recours en récupération sur la donation dans la limite de sa créance d’aide sociale ;

5. Pour demander l’annulation du recours sur donation, M. Y… fait valoir d’une part avoir utilisé les fonds reçus pour acheter une maison dans laquelle il a d’ailleurs accueilli sa mère jusqu’à son placement en 2009 en établissement médicalisé, achat qu’il a financé par plusieurs crédits immobiliers entraînant pour lui des mensualités de 435,26 euros (Banque postale) et 24,94 euros (Crédit foncier) et 193,70 euros (Crédit municipal), soit un total de 653,90 euros pour un montant total emprunté de 113 772 euros. Il justifie en outre d’une part percevoir un salaire mensuel d’environ 1 300 euros, assumer seul les charges de son foyer, composé de sa compagne, qui ne travaille pas, et de ses deux enfants mineurs, s’élevant à près de 680 euros par mois. Enfin, M. Y… indique que son salaire de fonctionnaire territorial, s’élevant à la somme de 1 256 euros, est la seule source de revenu de son foyer. M. Y… justifie enfin régler chaque fois une somme de 100 euros en règlement de la créance départementale selon un échéancier accordé par le Trésor public, qui s’élève au 28 mai 2017 à 34 561,16 euros après un remboursement de 2 400 euros ;

6. Au vu de l’ensemble de ces éléments, compte tenu des conséquences qu’impliquerait le reversement de la totalité des sommes reçues en donation par M. Y…, à savoir la vente du bien immobilier constituant sa résidence familiale, et de la capacité de remboursement de M. Y… compte tenu des ressources et des charges de son foyer, il sera fait une juste appréciation en ramenant le montant de la récupération sur donation à la somme de 5 000 euros, avant imputation des sommes déjà remboursées ;

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. Y… est fondé à demander l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse du 22 janvier 2015, ainsi que celle du président du conseil départemental de Vaucluse en date du 6 octobre 2014,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse du 22 janvier 2015, ensemble la décision du 6 octobre 2014 du président du président du conseil départemental de Vaucluse, sont annulées.

Art. 2.  Le montant du recours sur la donation de Mme X… à son fils M. Y… est fixé à la somme de 5 000 euros, les remboursements déjà effectués non pris en compte.

Art. 3.  Le greffe de la commission centrale d’aide sociale notifiera la présente décision à M. Y…, au président du conseil départemental de Vaucluse. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 novembre 2017où siégeaient Mme VESTUR, présidente, Mme DURGEAT, assesseure, M. HUMBERT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 22 janvier 2018.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET