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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Obligation alimentaire

Mots clés : Obligation alimentaire – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Ressources – Compétence juridictionnelle

Dossier no 150654

Mme X…

Séance du 18 décembre 2017

Décision lue en séance publique le 14 février 2018

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 16 novembre 2015, et des mémoires complémentaires enregistrés le 2 décembre 2015 et le 23 novembre 2017, M. C… demande à la commission centrale d’aide sociale :

1o D’annuler la décision du 11 septembre 2015 de la commission départementale d’aide sociale du Pas-de-Calais rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision du 17 juillet 2015 par laquelle le président du conseil départemental du Pas-de-Calais a refusé d’admettre Mme X… à l’aide sociale à l’hébergement ;

2o D’annuler la décision du président du conseil départemental du Pas-de-Calais du 17 juillet 2015 ;

Il soutient que :

il ne saurait être regardé comme un obligé alimentaire de sa mère qui ne s’est jamais occupée de lui dans sa jeunesse et avec laquelle il n’a plus de relation depuis 40 ans ;

sa situation financière ne lui permet pas de contribuer en tant qu’obligé alimentaire au paiement des frais d’hébergement de sa mère en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;

sa mère dispose de ressources et de biens lui permettant d’assurer seule le paiement de ses frais d’hébergement ;

le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Dunkerque a rejeté, par jugement du 31 décembre 2015, la demande de l’EHPAD hébergeant sa mère tendant à fixer une contribution en tant qu’obligé alimentaire ;

Par un mémoire en défense daté du 12 novembre 2015, et des mémoires complémentaires des 21 et 29 avril 2017, le département du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

Mme X… a trois obligés alimentaires, ses enfants et sa belle-fille, susceptibles de contribuer à la prise en charge de ses frais d’hébergement ;

Mme X… est décédée le 6 avril 2016 ;

le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Dunkerque a rejeté par jugement du 31 décembre 2015 la demande de l’EHPAD hébergeant Mme X… tendant à fixer une contribution en tant qu’obligé alimentaire à la charge de ses enfants ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code civil ;

Les parties ont été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ont été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 18 décembre 2017 M. HUMBERT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique :

1. Mme X… a été admise à l’EHPAD R… le 6 août 2014. Le département du Pas-de-Calais a refusé le 17 juillet 2015 son admission à l’aide sociale à l’hébergement au motif que les ressources de ses obligés alimentaires sont suffisantes pour couvrir ses frais d’hébergement. M. C…, son fils, relève appel de la décision de la commission départementale d’aide sociale du Pas-de-Calais rejetant sa demande d’annulation de la décision du 17 juillet 2015 précitée, en tant qu’elle a tenu compte de ses revenus pour la détermination du montant de l’aide sociale sollicité par sa mère. Il doit être regardé comme demandant l’admission à l’aide sociale de sa mère pour la période allant jusqu’à son décès le 6 avril 2016 ;

2. L’article L. 132‑6 du code de l’action sociale et des familles dispose : « Les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. La commission d’admission fixe, en tenant compte du montant de leur participation éventuelle, la proportion de l’aide consentie par les collectivités publiques. La décision de la commission peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l’aide sociale d’une décision judiciaire rejetant sa demande d’aliments ou limitant l’obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l’organisme d’admission (…) » ;

3. Il résulte de ces dispositions que si le juge de l’aide sociale, pour se prononcer sur le montant de l’aide que doit apporter la collectivité publique, est appelé à apprécier la contribution globale que peuvent apporter les obligés alimentaires, sans qu’il soit en son pouvoir de fixer la charge individuelle assignée à chacun, ce que seul peut faire le juge judiciaire, il lui revient néanmoins d’évaluer la pertinence de l’évaluation des capacités individuelles à laquelle a procédé le département. En revanche, il n’a plus à la faire si la question a été tranchée par le juge judiciaire dont la décision s’impose à lui ;

4. Il résulte de l’instruction que le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Dunkerque a rejeté, par jugement du 31 décembre 2015, la demande de l’EHPAD hébergeant Mme X… tendant à fixer la contribution de M. C…, de sa sœur et de sa belle-fille en tant qu’obligés alimentaires, sur le fondement du deuxième alinéa de l’article 207 du code civil, selon lequel : « (…) quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire ». Il s’ensuit que c’est à tort que le département a tenu compte de la participation de ses obligés alimentaires pour fixer le montant de l’aide sociale à accorder à Mme X… ;

5. Dès lors qu’il résulte de l’instruction que ses revenus n’étaient pas suffisants pour couvrir ses frais d’hébergement, et compte tenu de la dispense, prononcée par le juge judiciaire, de ses obligés alimentaires mentionnés au point 4, il y a lieu d’admettre Mme X… à l’aide sociale à concurrence de l’insuffisance de ressources ;

6. Il résulte de ce qui précède que M. C… est fondé à soutenir que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale du Pas-de-Calais a rejeté sa requête,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale du Pas-de-Calais du 11 septembre 2015, ensemble la décision du président du conseil départemental du Pas-de-Calais du 17 juillet 2015, sont annulées.

Art. 2.  Mme X… est admise à l’aide sociale à l’hébergement dans les conditions mentionnées au point 5 ci-dessus.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à M. X…, au président du conseil départemental du Pas-de-Calais. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 18 décembre 2017 où siégeaient M. BELORGEY, président, M. MATH, assesseur, M. HUMBERT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 14 février 2018.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET