3200

Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Radiation – Indu – Commission centrale d’aide sociale (CCAS) – Conseil d’Etat – Ressources – Déclaration – Incarcération – Fraude – Prescription

Dossier no 160358

M. X…

Séance du 16 décembre 2016

Décision lue en séance publique le 17 novembre 2017

Vu l’arrêt de renvoi en date du 27 juin 2016 du Conseil d’Etat annulant la décision no 120673 en date du 14 novembre 2014 de la commission centrale d’aide sociale qui a rejeté le recours du 10 juillet 2012 formé par M. X… tendant à l’annulation de la décision en date du 3 avril 2012 par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Calvados a rejeté sa demande d’annulation de la décision de la caisse d’allocations familiales du Calvados en date du 19 juillet 2010 lui notifiant sa radiation du dispositif du revenu minimum d’insertion à compter du 1er septembre 2002, et lui assignant un trop perçu de 22 745,08 euros d’allocations de revenu minimum d’insertion décompté sur la période du 1er septembre 2002 au 30 septembre 2007 ;

Vu le recours en date du 10 juillet 2012 formé par M. X…, qui demande l’annulation de la décision en date du 3 avril 2012 par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Calvados a rejeté sa demande d’annulation de la décision de la caisse d’allocations familiales du Calvados en date du 19 juillet 2010 l’informant qu’il a été radié du dispositif du revenu minimum d’insertion à compter du 1er septembre 2002 et qu’il est redevable d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 22 745,08 euros décompté sur la période du 1er septembre 2002 au 30 septembre 2007, pour non-déclaration de l’intégralité de ses ressources ;

Le requérant conteste la décision litigieuse ainsi que la dette portée à son débit ; il fait valoir sa bonne foi et affirme être victime de la gendarmerie ; qu’il a été un sportif de haut niveau jusqu’à l’âge de 23 ans : qu’il a demandé le revenu minimum d’insertion car il était sans revenu fixe avec un loyer à payer et les frais de la vie quotidienne à sa charge ; qu’il n’a pu répondre aux divers courriers qui lui ont été adressés car il n’a, en raison de son déménagement, jamais reçu les convocations correspondantes ; qu’il est père de trois enfants en bas âge et soutient se trouver dans l’impossibilité matérielle de rembourser le trop-perçu litigieux ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les pièces desquelles il ressort que M. X… s’est acquitté de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros instituée par l’article 1635 bis Q du code général des impôts entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 ;

Vu le mémoire en défense et les pièces du président du conseil général du Calvados en date du 30 novembre 2012 ;

Vu le courrier adressé en recommandé avec avis de réception portant convocation de M. X… à l’audience de la commission centrale d’aide sociale du 21 février 2014, retourné au greffe de la juridiction portant mention « pli avisé et non réclamé » ;

Vu la lettre recommandée avec avis de réception en date du 6 mars 2014, adressée au président du conseil général du Calvados lui demandant de transmettre les justificatifs de revenus de M. X… perçus durant toute la période litigieuse, ainsi que toute pièce de nature à justifier sa décision en date du 19 juillet 2010 ;

Vu la réponse du président du conseil général du Calvados, en date du 16 juin 2014, transmettant plusieurs pièces confirmant les omissions déclaratives reprochées au requérant ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le mémoire en date du 1er août 2016 de M. X… ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celle d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informée de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 16 décembre 2016 M. BENHALLA, rapporteur, M. X… en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262‑11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262‑39. Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (…) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (…) et notamment les avantages en nature, ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article L. 262‑2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge » ;

Considérant qu’en vertu de l’article L. 262‑41 in fine du code de l’action sociale et des familles modifié par la loi no 2004‑809 du 13 août 2004  Art. 58 (V) JORF 17 août 2004 en vigueur le 1er janvier 2005 : « (…) En cas de précarité de la situation du débiteur, la créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général » ; qu’aux termes de l’article L. 262‑41 in fine du code de l’action sociale et des familles suite à l’intervention de la loi no 2006‑339 du 23 mars 2006 : « (…) La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑40 du même code : « L’action du bénéficiaire pour le paiement de l’allocation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées » ;

Considérant qu’il ressort de l’instruction que M. X… a été admis au bénéfice du revenu minimum d’insertion à compter du 1er août 2001 au titre d’une personne isolée, sans enfant à charge, sans activité professionnelle ni revenus, s’acquittant d’un loyer de 368,58 euros mensuels pour une aide au logement s’élevant à 252,27 euros que, comme suite à un contrôle de l’organisme payeur en date du 28 mai 2008, il a été constaté que l’intéressé exerçait différentes activités commerciales (création d’une SARL import-export dans le textile, d’une restauration rapide, d’un commerce de véhicules d’occasion avec une acquisition de 1 550 parts pour le prix de 120 000 euros, d’une SCI en achat-location-vente immobilière avec une acquisition de 70 parts pour le prix de 31 800 euros, et d’un terrain dans la Manche au prix de 17 000 euros) ; que ces éléments n’étaient pas renseignés dans ses déclarations trimestrielles de ressources ; que, de surcroît, l’intéressé dissimulait sa situation patrimoniale réelle (possession de plusieurs comptes bancaires avec un crédit total de 52 000 euros, et sous-location de son appartement) ; que, par ailleurs, il était précisé que M. X… avait fait l’objet d’une interdiction de séjour dans le Calvados depuis le 15 novembre 2007 et qu’il serait en région parisienne ; qu’après mise en rapport avec le centre de détention, il s’est avéré que l’intéressé a été incarcéré plusieurs fois en 1999, 2000, 2002 et 2003 ; que le conseil général du Calvados lui a adressé trois courriers en dates des 21 avril, 19 mai et 2 juin 2009, afin de faire le point sur sa situation ; que celui-ci n’y a pas répondu et ne s’est pas manifesté ; que, par suite, la caisse d’allocations familiales du Calvados, par décision en date du 19 juillet 2010, a radié le requérant du dispositif du revenu minimum d’insertion à compter du 1er septembre 2002 et lui a assigné un trop- perçu d’un montant total de 22 745,08 euros, à raison d’allocations de revenu minimum d’insertion indûment perçues pour la période du 1er septembre 2002 au 30 septembre 2007, pour non-déclaration de l’intégralité de ses ressources ; que, par courrier en date du 30 mars 2011, le président du conseil général du Calvados a déposé plainte à l’encontre de M. X… pour fraude au revenu minimum d’insertion durant la période précitée ;

Considérant que M. X… a, par courrier en date du 25 juillet 2010, formé un recours contre cette décision devant la commission départementale d’aide sociale du Calvados, qui, par décision en date du 3 avril 2012, l’a rejeté en raison de l’origine de l’indu ; que la commission centrale d’aide sociale, saisie d’un appel contre la décision de la commission départementale d’aide sociale l’a, par décision en date du 14 novembre 2014, rejeté ; que, saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat, par arrêt en date du 27 juin 2016, a annulé la décision soumise à sa censure au motif que M. X… n’avait pas été convoqué à l’audience, et renvoyé l’affaire devant la commission centrale d’aide sociale ;

Considérant que la commission départementale d’aide sociale du Calvados, par décision en date du 3 avril 2012, a rejeté le recours de M. X… au motif que celui-ci n’avait déclaré sa situation professionnelle et pécuniaire et qu’il ne s’était pas rendu aux convocations de l’organisme payeur ; que cette motivation est insuffisante, d’autant qu’il ressort des pièces versées au dossier que certaines activités, notamment celle de garage de mécanique était une des actions de son contrat d’insertion établi le 27 août 2007, soit un mois avant le dernier versement du revenu minimum d’insertion ; qu’ainsi, ladite décision encourt l’annulation ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;

Considérant qu’aucune suite pénale n’a été donnée à la plainte déposée par le conseil général du Calvados ; qu’en l’espèce, l’état du dossier ne permet pas de déterminer avec exactitude les ressources dont disposait M. X… durant la période litigieuse, et donc de procéder au calcul exact de ses droits ; que celui-ci soutient, sans être contredit, que les gains qu’il a perçus pendant son activité sportive ont été perdus dans des investissements non rentables ; qu’il suit de là, selon la jurisprudence constante du Conseil d’Etat, qu’il appartient au bénéficiaire de l’allocation du revenu minimum d’insertion de faire connaître l’ensemble des ressources dont il dispose ainsi que sa situation familiale et tout changement en la matière ; que, s’il est établi que le bénéficiaire a procédé à des déclarations inexactes ou incomplètes et s’il n’est, en outre, pas possible, faute de connaître le montant exact des ressources des personnes composant le foyer, de déterminer s’il pouvait ou non bénéficier de cette allocation pour la période en cause, l’autorité administrative est en droit, sous réserve des délais de prescription, de procéder à la répétition de l’ensemble des sommes qui ont été versées à l’intéressé ; qu’il y a lieu, dès lors, de renvoyer M. X… devant le président du conseil départemental du Calvados pour qu’il lui soit notifié un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion prenant en compte la prescription biennale énoncée par l’article L. 262‑40 du code de l’action sociale et des familles ; qu’il appartiendra à M. X…, s’il s’y estime fondé, de solliciter un échelonnement du remboursement de sa dette auprès du payeur départemental,

Décide

Art. 1er La décision en date du 3 avril 2012 de la commission départementale d’aide sociale du Calvados, ensemble la décision de la caisse d’allocations familiales du Calvados en date du 19 juillet 2010, sont annulées.

Art. 2.  M. X… est renvoyé devant le président du conseil départemental du Calvados pour un nouveau calcul de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion à porter à son débit, conformément aux motifs de la présente décision.

Art. 3.  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à M. X…, au président du conseil départemental du Calvados. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 16 décembre 2016 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. BENHALLA, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 17 novembre 2017.

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET