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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

Placement en établissement

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Tuteur – Obligation alimentaire – Décision – Motivation – Compétence juridictionnelle

Dossier no 150205

Mme X…

Séance du 9 octobre 2017

Décision lue en séance publique le 27 novembre 2017

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2015, et un mémoire complémentaire enregistré le 7 juillet 2015, l’association tutélaire du Pas-de-Calais agissant en qualité de tuteur de Mme X… demande à la commission centrale d’aide sociale :

1o D’annuler la décision du 6 février 2015 de la commission départementale d’aide sociale du Pas-de-Calais rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général du Pas-de-Calais du 2 décembre 2014 refusant l’admission à l’aide sociale à l’hébergement de Mme X… à compter du 7 mai 2014, ensemble la décision du président du conseil général du Pas-de-Calais ;

2o De prononcer l’admission à l’aide sociale à l’hébergement de Mme X… à compter de la date de son entrée à l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;

L’association tutélaire du Pas-de-Calais soutient que :

la décision du 2 décembre 2014 du président du conseil général du Pas-de-Calais est insuffisamment motivée ;

Mme X…, ayant des ressources de 1 314 euros par mois et des frais d’hébergement, augmentés de l’argent de poche, des frais de mutuelle et des frais de participation à la mesure de tutelle se montant à 2 096,30 euros, se trouve dans un état de besoin avéré justifiant son admission à l’aide sociale à l’hébergement ;

le président du conseil général ne peut se fonder sur l’absence d’action en obligation alimentaire de Mme X… pour refuser son admission à l’aide sociale ;

par jugement du 5 juin 2015, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Saint-Omer a fixé le montant de la contribution des obligés alimentaires à 783 euros par mois à compter de mars 2015 ;

Par un mémoire en défense daté du 11 juin 2015, le département du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la demande d’admission à l’aide sociale présentée pour Mme X… a été présentée pour couvrir un besoin de financement de 658,62 euros par mois et que compte tenu des revenus des enfants de l’intéressée qui sont ses obligés alimentaires, elle n’a pas droit à l’aide sociale à l’hébergement ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 9 octobre 2017 M. HUMBERT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique :

1. Mme X… a été admise à l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes à compter du 7 mai 2014. Le juge des tutelles du tribunal de grande instance a placé Mme X… sous tutelle par jugement du 23 juin 2014 ; l’association tutélaire du Pas-de-Calais a été désignée comme tuteur. L’association tutélaire du Pas-de-Calais a demandé son admission à l’aide sociale à l’hébergement, qui a été refusée par le département du Pas-de-Calais par décision du 2 décembre 2014. L’association tutélaire du Pas-de-Calais demande l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale du Pas-de-Calais du 6 février 2015 qui a rejeté son recours contre la décision du président du conseil départemental, ensemble cette décision, et de prononcer l’admission de Mme X… à l’aide sociale ;

Sur la décision du président du conseil départemental attaquée :

2. La loi no 79‑587 du 11 juillet 1979, alors applicable, prévoit à son article 1er que « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (…) » ; elle prévoit à son article 3 : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. » Les décisions refusant ou différant une prise en charge au titre de l’aide sociale constituent, en tant que décisions qui « refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir », sont soumises à l’obligation prévue par l’article 3 précitée. Or, il ressort de la décision du 19 septembre 2014 du président du conseil départemental que celle-ci ne comporte aucune considération de droit ; par suite, elle n’est pas suffisamment motivée et doit être annulée ;

3. Il appartient dès lors à la commission centrale d’aide sociale, en tant que juge de plein contentieux, de se prononcer sur l’admission à l’aide sociale à l’hébergement au titre de la période en litige ;

Sur l’admission à l’aide sociale :

4. D’une part, l’article L. 113‑1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que : « Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d’une aide à domicile, soit d’un accueil chez des particuliers ou dans un établissement. » L’article L. 132‑1 du même code dispose que : « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire. » Ces dispositions permettent ainsi aux personnes placées dans un établissement au titre de l’aide sociale aux personnes âgées de subvenir aux dépenses mises à leur charge et exclusives de tout choix de gestion. Pour la détermination des ressources du bénéficiaire de l’aide sociale devant, en application des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles, être affectées, dans la limite de 90 %, au remboursement de ses frais d’hébergement, il y a lieu de déduire de l’ensemble de ses ressources de toute nature les charges qui revêtent pour elle un caractère obligatoire ainsi que celles qui sont indispensables à sa vie dans l’établissement, dans la mesure où elles ne sont pas incluses dans les prestations offertes par ce dernier ;

5. D’autre part, l’article L. 132‑6 du même code dispose que : « Les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. (…) La proportion de l’aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l’obligation alimentaire (…) » ;

6. En premier lieu, il résulte de l’instruction que l’association tutélaire du Pas-de-Calais a évalué les ressources de Mme X… pour 2014 à 1 314 euros par mois, ainsi qu’il ressort du budget prévisionnel au titre de 2014 versé au dossier ; ce montant, supérieur à celui retenu par la commission départementale d’aide sociale du Pas-de-Calais, doit être retenu au cas particulier. L’association tutélaire du Pas-de-Calais a chiffré le montant des frais d’hébergement dans le même document à 1 841 euros par mois. Les factures de l’EHPAD de l’année 2014 font apparaître des frais d’hébergement de 1 818,90 euros par mois, montant admis par la commission départementale d’aide sociale et qu’il convient de retenir en l’espèce. Il ressort enfin du budget prévisionnel pour 2014 susmentionné que les charges obligatoires, comprenant l’assurance responsabilité civile (16,43 euros), la mutuelle (116,67 euros) et les frais de gestion de la mesure de tutelle (83 euros), complétées par le montant de l’argent de poche (130 euros), doivent être fixées à 346,10 euros. Il en résulte un besoin pour couvrir les dépenses de Mme X… de 851 euros (1 314  2 165) ;

7. En second lieu, l’association tutélaire du Pas-de-Calais a versé au dossier le jugement du juge aux affaires familiales du 5 juin 2015 qui, à sa requête, a mis à la charge des enfants de Mme X… une pension alimentaire de 783 euros à compter de mars 2015. Compte tenu de l’insuffisance des ressources de Mme X… pour assurer ses frais d’hébergement, que ce soit avant la détermination du montant de la contribution des obligés alimentaires qu’après celle-ci, il y a lieu de l’admettre à l’aide sociale à compter du 7 mai 2014. Pour la période courant du 7 mai 2014 à février 2015 inclus, le montant de l’aide sociale à l’hébergement doit être fixé à hauteur de la différence entre le montant des ressources et des charges constatés ; pour la période courant à compter de mars 2015, le montant de l’aide sociale doit être fixé en tenant compte de la participation des obligés alimentaires fixé à 783 euros ;

8. Il résulte de tout ce qui précède que l’association tutélaire du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale du Pas-de-Calais a rejeté son recours contre la décision du président du conseil départemental du Pas-de-Calais refusant son admission à l’aide sociale à compter du 7 mai 2014,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale du Pas-de-Calais du 6 février 2015, ensemble la décision du président du conseil général du Pas-de-Calais du 2 décembre 2014, sont annulées.

Art. 2.  Mme X… est admise à l’aide sociale à l’hébergement dans les conditions précisées au point 7 des motifs de la présente décision.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à l’association tutélaire du Pas-de-Calais, au président du conseil départemental du Pas-de-Calais. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 9 octobre 2017 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, M. MATH, assesseur, M. HUMBERT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 27 novembre 2017.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET