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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

Placement en établissement

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Ressources – Obligation alimentaire – Erreur manifeste d’appréciation

Dossier no 150454

Mme X…

Séance du 27 novembre 2017

Décision lue en séance publique le 22 janvier 2018

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2015, et un mémoire complémentaire enregistré le 21 octobre 2015, l’union départementale des associations familiales de la Gironde (UDAF 33), agissant en qualité de tuteur de Mme X… demande à la commission centrale d’aide sociale :

1o D’annuler la décision du 19 mars 2015 de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision du 26 septembre 2013 par laquelle le président du conseil départemental de la Dordogne a refusé l’admission à l’aide sociale à l’hébergement de Mme X… à compter du 8 novembre 2012 ;

2o D’annuler la décision du 26 septembre 2013 du président du conseil départemental de la Dordogne ;

3o De prononcer son admission à l’aide sociale à l’hébergement à compter de la demande et pour 5 ans ;

4o De mettre à la charge du département la somme de 35 euros exposée pour la présente instance et non comprise dans les dépens ;

L’UDAF 33 soutient que :

Mme X… ne peut assumer avec ses ressources propres les frais d’hébergement en établissement, son déficit s’élevant à 905,01 euros par mois comme l’a reconnu la commission départementale d’aide sociale ;

en refusant l’admission à l’aide sociale de Mme X… au motif que les ressources de l’un de ses obligés alimentaires n’ont pu être établies, le département comme la commission départementale d’aide sociale ont commis une erreur de droit ;

le département pouvait saisir directement les services fiscaux du Var pour obtenir les informations nécessaires sur l’un des obligés alimentaires de Mme X… en application de l’article L. 133‑3 du code de l’action sociale et des familles ;

le département pouvait saisir le juge aux affaires familiales pour obtenir la participation de tous les obligés alimentaires pour la prise en charge des frais d’hébergement de Mme X…, conformément à l’article L. 132‑7 du code de l’action sociale et des familles ; le tuteur ne dispose pas des coordonnées des obligés alimentaires pour les obliger à remplir leurs obligations ; faute de dispositions de ces informations, il ne peut rien être reproché à la requérante :

Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2015, le département de la Dordogne conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

le montant du déficit de ressources pour couvrir les frais d’hébergement s’élève à 905,91 euros par mois ;

Mme X… a trois obligés alimentaires, dont l’un n’a pas répondu à la demande de renseignement pour l’évaluation des ressources en vue de fixer le montant de l’aide sociale ; il n’est donc pas possible au département de fixer le montant de sa participation ;

l’UDAF 33 pouvait saisir le juge aux affaires familiales pour obtenir la contribution des obligés alimentaires ;

les services fiscaux du Var n’ont pas répondu à la demande de renseignement adressée au sujet de l’obligé alimentaire dont les ressources sont inconnues ;

il n’est pas possible de déterminer le montant de l’aide sociale à accorder à Mme X… sans connaître les créances d’aliment dont dispose cette dernière ; Mme X… n’a pas prouvé son état de besoin ;

l’UDAF 33 n’a pas engagé toutes les démarches pour préserver les intérêts de sa protégée ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 27 novembre 2017 M. HUMBERT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique :

1. Mme X… a demandé au département de la Dordogne son admission à l’aide sociale à l’hébergement à la suite de son admission à l’EHPAD R… à compter du 8 novembre 2012. Le département de la Dordogne lui a refusé le bénéfice de l’aide sociale par décision du 26 septembre 2013. L’UDAF 33, agissant comme tuteur de Mme X…, relève appel de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne du 19 mars 2015 rejetant sa demande d’annulation de la décision du 26 septembre 2013 et demande son admission à l’aide sociale à compter du 8 novembre 2012 ;

2. D’une part, l’article L. 113‑1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que : « Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d’une aide à domicile, soit d’un accueil chez des particuliers ou dans un établissement. » L’article L. 132‑1 du même code dispose que : « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire. » Il résulte de ces dispositions qu’elles doivent être interprétées comme permettant aux personnes placées dans un établissement au titre de l’aide sociale aux personnes âgées de subvenir aux dépenses mises à leur charge par la loi et exclusives de tout choix de gestion. Pour la détermination des ressources du bénéficiaire de l’aide sociale devant, en application des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles, être affectées, dans la limite de 90 %, au remboursement de ses frais d’hébergement, il y a lieu de déduire de l’ensemble de ses ressources de toute nature les charges qui revêtent pour elle un caractère obligatoire ainsi que celles qui sont indispensables à sa vie dans l’établissement, dans la mesure où elles ne sont pas incluses dans les prestations offertes par ce dernier ;

3. D’autre part, l’article L. 132‑6 du même code dispose que : « Les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. (…) La proportion de l’aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l’obligation alimentaire (…) » ;

4. Il résulte de l’instruction, et il n’est d’ailleurs pas contesté, que Mme X… ne dispose pas des ressources personnelles suffisantes pour assurer la couverture de ses frais d’hébergement en établissement ; le déficit de ressources s’élève à la somme non contestée de 905,01 euros par mois ;

5. Le département a refusé toutefois l’admission à l’aide sociale de Mme X…, au motif qu’il ne lui a pas été possible d’établir la participation de ses obligés alimentaires, faute de réponse de l’un d’entre eux à sa demande. Toutefois, dès lors que Mme X… ne disposait pas des revenus suffisants pour financer son hébergement, le département ne pouvait légalement refuser son admission à l’aide pour le motif susrappelé. La circonstance que la participation des obligés alimentaires ne pouvait être déterminée, si elle a une incidence sur le niveau de l’aide sociale accordée, est en revanche sans influence sur le droit même à l’aide sociale ;

6. C’est donc à tort que la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne a refusé l’admission à l’aide sociale de Mme X… Il y a lieu, en conséquence, d’annuler sa décision ainsi que celle du président du conseil départemental ;

7. Dès lors, il appartient à la commission centrale d’aide sociale, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les conclusions de Mme X… tendant à son admission à l’aide sociale à l’hébergement à compter du 8 novembre 2012 ;

8. Ainsi qu’il a été mentionné au point 4 ci-dessus, Mme X… ne dispose pas des ressources lui permettant d’assurer son hébergement en établissement. Il y a donc lieu de l’admettre au bénéfice de l’aide sociale à compter du 8 novembre 2012 ;

9. Si le département soutient que la participation des obligés alimentaires n’a pas été déterminée, alors que c’est un préalable nécessaire pour fixer le montant de l’aide sociale, il résulte de l’instruction qu’il n’a pas réitéré sa demande auprès des services fiscaux du Var pour connaître les ressources de l’obligé alimentaire qui n’a pas répondu à sa demande. De plus, l’UDAF 33 soutient sans être contredite ne pas avoir les coordonnées de cet obligé alimentaire. En outre, alors même qu’il disposait des ressources et des charges des deux autres obligés alimentaires de Mme X…, le département n’en a pas tenu compte pour estimer leur contribution pour l’hébergement de Mme X… Dans ces conditions, il ne saurait être fait grief à l’UDAF 38 de ne pas avoir elle-même attrait devant le juge aux affaires familiales les obligés alimentaires de Mme X… pour déterminer leur contribution à la couverture de ses frais d’hébergement. Enfin, dès lors que « aliments ne s’arréragent pas », le juge aux affaires familiales, qui n’a pas été saisi en l’espèce, ne saurait déterminer une obligation alimentaire à une date antérieure à sa saisine ;

10. Il résulte de ce qui précède que l’UDAF 33 est fondée à demander, dans les circonstances de l’espèce, que le montant de l’aide sociale au bénéfice de Mme X… soit fixé au montant de son déficit de ressources jusqu’à la date à laquelle le juge aux affaires familiales, saisi le cas échéant, détermine le niveau de la contribution des obligés alimentaires venant en diminution de la participation de la collectivité publique ;

11. L’UDAF 33 demande également que l’admission à l’aide sociale de Mme X… soit prononcée pour 5 ans ;

12. L’article R. 131‑3 du code de l’action sociale et des familles dispose : « Sous réserve des dispositions des articles L. 232‑25, L. 245‑7 et L. 262‑40, les décisions accordant le bénéfice de l’aide sociale peuvent faire l’objet, pour l’avenir, d’une révision lorsque des éléments nouveaux modifient la situation au vu de laquelle ces décisions sont intervenues. Il est procédé à cette révision dans les formes prévues pour l’admission à l’aide sociale. » ;

13. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les décisions d’admission à l’aide sociale ne sont pas attribuées à terme, mais font l’objet de révision périodique à la diligence du département. Ainsi, la demande de l’UDAF 33 ne peut qu’être rejetée ;

14. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du département la somme de 35 euros au titre des frais d’instance,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne, ensemble la décision du président du conseil départemental de la Dordogne, sont annulées.

Art. 2.  Mme X… est admise à l’aide sociale à l’hébergement à compter du 8 novembre 2012 à hauteur de 905,01 euros, dans les conditions précisées au paragraphe 9 ci-dessus.

Art. 3.  Le surplus des conclusions de la requête de l’union départementale des associations familiales de la Gironde est rejeté.

Art. 4.  Le département de la Dordogne versera une somme de 35 euros à Mme X… au titre des frais d’instance.

Art. 5.  La présente décision sera notifiée à l’union départementale des associations familiales de la Gironde, au président du conseil départemental de la Dordogne. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 novembre 2017 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, Mme DURGEAT, assesseure, M. HUMBERT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 22 janvier 2018.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET