3600

Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide médicale État

Mots clés : Aide médicale de l’Etat – Demande – Date d’effet – Rétroactivité – Recours – Procédure – Recevabilité – Législation

Dossier no 150461

Mme X…

Séance du 21 juin 2017

Décision lue en séance publique le 13 septembre 2017

Vu le recours introductif formé le 8 juillet 2015 par X…, tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône en date du 22 janvier 2015, confirmant le rejet de sa demande tendant à obtenir rétroactivement : le bénéfice de l’aide médicale de l’Etat (AME) à compter du 24 avril 2012 et le fonds de soins urgents et vitaux à compter du 19 avril 2012 pour les soins non couverts par l’aide médicale de l’Etat, rejet prononcé par la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône le 7 janvier 2014 et confirmé par la décision du directeur de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône en date du 8 mai 2014, au motif que la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône a procédé à la révision de la situation de l’intéressée ; qu’ainsi, il lui a été accordée le bénéfice de l’aide médicale de l’Etat pour la période du 30 avril 2012 au 13 mai 2013 ;

La requérante conteste la décision ;

Vu le mémoire en date du 8 juillet 2015 de Maître Kiymet ANT, conseil de Mme X…, qui fait valoir que le présent recours est recevable en ce que l’intéressée a sollicité le bénéfice de l’aide juridictionnelle qui a un caractère suspensif ; que la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône a omis de statuer sur l’intégralité des moyens soulevés par l’intéressée ; que la décision de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône est entachée d’un vice de procédure en ce que Maître Kiymet ANT n’a pu être entendu dans l’examen de son dossier car elle n’a pas été convoquée à l’audience ; que c’est à tort que la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône a refusé, par décision du 14 mai 2012, l’ouverture des droits à d’aide médicale de l’Etat au 24 avril 2012, l’intéressée remplissant les conditions pour bénéficier rétroactivement de l’ouverture du droit à l’aide médicale de l’Etat à compter du 24 avril 2012 ; que la décision de rejet du 7 janvier 2014 et la décision implicite du rejet du recours gracieux acquis le 8 mai 2014 sont entachées d’illégalité en ce que la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône n’a pas communiqué la motivation desdites décisions, ni leurs bases légales ; que c’est à tort, que par décision du 7 janvier 2014, la caisse a révisé la situation de l’intéressée en lui octroyant une rétroactivité au 30 avril 2012 et non au 24 avril 2012 ; que c’est à tort que, par décision du 7 janvier 2014, la caisse a refusé d’accorder le bénéfice du fonds de soins urgents et vitaux à l’intéressée, en ce que la requérante remplit toutes les conditions d’octroi de ladite prestation ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Vu les lettres en date du 21 avril 2017 invitant les parties à faire connaître au greffe de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 21 juin 2017 Mme BLOSSIER, rapporteure, M. Didier MAILLE, représentant Mme X…, en sa qualité de responsable du service social et juridique du comité pour la santé des exilés (Comede), et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant ce qui suit :

Mme X… a formé un recours devant la commission centrale d’aide sociale le 8 juillet 2015 contre la décision de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône en date du 22 janvier 2015 rejetant son recours, et confirmant la décision de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône en date du 7 janvier 2014, elle-même confirmée par le rejet du recours gracieux en date du 8 mai 2014 ;

Sur la recevabilité de la demande :

Mme X… a sollicité le bénéfice de l’aide juridictionnelle le 27 février 2015, qui lui a été accordée le 22 mai 2015 ; que cette demande d’aide juridictionnelle est suspensive des délais de recours ; que la requête introductive d’instance date du 8 juillet 2015 ; qu’ainsi, le recours est recevable ;

Sur le fond :

Moyen à l’encontre de la décision de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône du 14 mai 2012 ;

La décision de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône en date du 14 mai 2012 accorde l’octroi de l’aide médicale de l’Etat à compter du 14 mai 2012 ; qu’aucune demande n’a été faite par l’intéressée afin de bénéficier rétroactivement de l’aide médicale de l’Etat à compter du 24 avril 2012 comme l’atteste le courrier du centre hospitalier E… en date du 30 décembre 2013 en ces termes « Mme G…, assistante sociale du service de l’hôpital, vous a adressé le 10 mai 2012 une demande d’aide médicale de l’Etat qui a été enregistrée le 14 mai 2012, comme il me l’a été confirmé par un de vos agents au téléphone. Droits ouverts à l’aide médicale de l’Etat du 14 mai 2012 au 13 mai 2013. Il n’y a pas eu de demande de rétroactivité d’aide médicale de l’Etat sollicitée pour la période du 24 avril 2012 au 14 mai 2012, ni de demande de fonds de soins urgents et vitaux (FSUV) » ; qu’ainsi, aucune décision implicite de rejet n’a pu naître ; que le moyen est infondé ;

Moyens quant à l’obtention de l’aide médicale de l’Etat au 24 avril 2012 :

Considérant ce qui suit :

Aux termes de l’article L. 251‑1 du code de l’action sociale et des familles en vigueur à la date de la demande : « Tout étranger résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, sans remplir la condition de régularité mentionnée à l’article L. 380‑1 du code de la sécurité sociale et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné à l’article L. 861‑1 de ce code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge au sens de l’article L. 161‑14 et des 1o à 3o de l’article L. 313‑3 de ce code, à l’aide médicale de l’Etat ;

En outre, toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l’état de santé le justifie, peut, par décision individuelle prise par le ministre chargé de l’action sociale, bénéficier de l’aide médicale de l’Etat dans les conditions prévues par l’article L. 252‑1. Dans ce cas, la prise en charge des dépenses mentionnées à l’article L. 251‑2 peut être partielle ;

De même, toute personne gardée à vue sur le territoire français, qu’elle réside ou non en France, peut, si son état de santé le justifie, bénéficier de l’aide médicale de l’Etat, dans des conditions définies par décret » ;

L’article 44‑1 du décret no 2005‑859 du 28 juillet 2005 dispose que « la décision d’admission à l’aide médicale de l’Etat prend effet à la date de dépôt de la demande ; si la date de délivrance des soins est antérieure à la date du dépôt, ces soins peuvent être pris en charge dès lors que, à la date à laquelle ils ont été délivrés, le demandeur résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, et que sa demande d’admission a été déposée avant l’expiration d’un délai de trente jours à compter de la délivrance des soins. » ;

Il résulte de l’étude des pièces du dossier, sur la forme, que la caisse primaire d’assurance maladie a effectivement motivé ses décisions du 7 janvier 2014, exposant que le délai d’un mois sous lequel la demande devait être déposée était clos ; en conséquence, le moyen tiré de l’absence de motivation de la décision doit être écarté ;

Quant au fond, il convient de constater que, par décision du 14 mai 2012 de la caisse primaire d’assurance maladie, le bénéfice de l’aide médicale de l’Etat a été accordé à la requérante à compter du 14 mai 2012, date d’effet du droit, conformément à l’article 44‑1 du décret no 2005‑859 du 28 juillet 2005 ;

Cet article établit deux conditions cumulatives pour que la décision d’admission à l’aide médicale de l’Etat ait pour effet une prise en charge des soins antérieure à la date du dépôt de la demande :

d’une part, une résidence en France ininterrompue depuis plus de trois mois à la date des soins ; ce qui, en l’espèce, est acquis au 25 avril 2012 ;

d’autre part, un dépôt de la demande d’admission à l’aide médicale de l’Etat dans les trente jours, au plus tard, à compter de la délivrance des soins ; or, l’attestation d’aide médicale de l’Etat, qui sous-entend une demande préalable de cette aide, a comme date d’effet, le 14 mai 2012 ; les soins ayant été délivrés du 19 avril au 18 juin 2012, ce délai de trente jours est donc respecté ;

En conséquence, les deux conditions posées par l’article 44‑1 du décret no 2005‑859 du 28 juillet 2005 étant remplies, Mme X… doit être admise au bénéfice de la prise en charge rétroactive de l’aide médicale de l’Etat pour les soins hospitaliers délivrés du 25 avril au 18 juin 2012 ;

Moyen quant à l’obtention du fonds de soins urgents et vitaux (FSUV) à compter du 19 avril 2012 :

Considérant ce qui suit :

L’article L. 254‑1 du code de l’action sociale et des familles dispose que : « Les soins urgents dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître, et qui sont dispensés par les établissements de santé à ceux des étrangers résidant en France sans remplir la condition de régularité mentionnée à l’article L. 380‑1 du code de la sécurité sociale et qui ne sont pas bénéficiaires de l’aide médicale de l’Etat, en application de l’article L. 251‑1 sont pris en charge dans les conditions prévues à l’article L. 251‑2. Une dotation forfaitaire est versée à ce titre par l’Etat, à la caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés » ;

Il résulte de l’instruction que le bénéfice de l’aide médicale de l’Etat pour soins urgents est ouvert, en application de l’article L. 254‑1, condition que remplit Mme X…, sa demande en date du 17 décembre 2013 rentre bien dans le cadre des soins urgents, elle n’est pas visée par les dispositions du décret n° 2005‑859 du 28 juillet 2005 et n’est donc pas soumise au délai de dépôt, la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône n’a pas fait une juste application de la législation ; dès lors, l’intéressée est fondée à soutenir que la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône a fait une application erronée de la législation en vigueur,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône en date du 22 janvier 2015, ensemble la décision de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône en date du 7 janvier 2014, sont annulées.

Art. 2.  Le bénéfice de l’aide médicale de l’Etat est accordé à Mme X…, à compter du 25 avril 2012, de plus l’intéressée est admise au bénéfice de l’aide médicale de l’Etat au titre du fonds de soins urgents et vitaux pour la période du 19 avril 2012 au 23 avril 2012.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Maître Kiymet ANT, à Mme X…, au préfet des Bouches-du-Rhône, au directeur de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 21 juin 2017 où siégeaient M. PAUL DU BOIS DE LA SAUSSAY, président, Mme BLOSSIER, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 13 septembre 2017.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET