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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Indu – Prescription – Etrangers – Titre de séjour – Aide régulière – Compétence juridictionnelle

Dossier no 160487

Mme Y…

Séance du 13 décembre 2017

Décision lue en séance publique le 23 janvier 2018

Vu le recours en date du 5 août 2016 formé par M. X… pour le compte de sa mère Mme Y…, qui demande l’annulation de la décision en date du 28 juin 2016 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Essonne a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision en date du 27 mars 2006 du président du conseil général qui a refusé toute remise gracieuse sur un indu de 9 108,46 euros, résultant d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion détecté pour la période du 1er octobre 2001 au 31 octobre 2003 ;

La requérante conteste l’indu et en demande une remise ; elle soutient que l’action en recouvrement du département de l’Essonne est prescrite car l’indu réclamé a été détecté en janvier 2004 et notifié selon elle, que le 10 avril 2006, soit plus de deux ans après la découverte de celui-ci ; elle fait valoir qu’elle a mal été informée par l’assistante sociale qui l’a induite en erreur sur ses droits ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense du président du conseil départemental de l’Essonne en date du 26 octobre 2016 qui conclut au rejet de la requête ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celle d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informée de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 13 décembre 2017, Mme Camille GUEDJ, rapporteure, M. X…, fils de Mme Y…, en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 262 40 du code de l’action sociale et des familles : « L’action du bénéficiaire pour le paiement de l’allocation ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262‑11 se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées » ; qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du même code dans sa rédaction applicable à la période en litige : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262‑11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir, ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262‑39. Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. En cas de précarité de la situation du débiteur, la créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (…) » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑9 du code de l’action sociale et des familles : « Les étrangers titulaires de la carte de résident ou du titre de séjour prévu au cinquième alinéa de l’article 12 de l’ordonnance no 45‑2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, ou encore d’un titre de même durée que ce dernier et conférant des droits équivalents, sous réserve d’avoir satisfait sous ce régime aux conditions prévues au premier alinéa de l’article 14 de ladite ordonnance, ainsi que les étrangers titulaires d’un titre de séjour prévu par les traités ou accords internationaux et conférant des droits équivalents à ceux de la carte de résident, peuvent prétendre au revenu minimum d’insertion » ; qu’il résulte de ces dispositions que, dans les cas où la délivrance d’un titre de séjour pour un étranger est subordonnée à l’engagement d’un descendant de nationalité française de prendre en charge son entretien, notamment en application de l’article 15‑2 de l’ordonnance no 452658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, quoiqu’un tel engagement ne puisse être absolu et définitif, cet étranger est réputé disposer des moyens convenables d’existence au sens de l’article L. 262‑1 du code de l’action sociale et des familles et ne peut ouvrir droit au bénéfice du revenu minimum d’insertion ; que, toutefois, lorsque la situation économique du foyer de l’enfant français de l’ascendant à charge a été profondément bouleversée depuis le moment de la demande du titre de séjour et de l’engagement à ladite prise en charge, une demande de la part de l’ascendant pour bénéficier du revenu minimum d’insertion pourra être, au cas par cas, jugée recevable et, le cas échéant, favorablement examinée ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme Y…, ressortissante marocaine titulaire d’un titre de séjour d’une durée de validité de dix ans, a été admise au bénéfice du revenu minimum d’insertion le 1er août 1998 au titre d’une personne isolée, hébergée à titre gratuit chez son fils de nationalité française, M. X… ; que, comme suite à un contrôle diligenté par la caisse d’allocations familiales de l’Essonne en janvier 2004, il s’est avéré que le titre de séjour de la requérante lui avait été délivré conformément à l’engagement de M. X… en date du 27 avril 1998 de subvenir aux besoins de sa mère, Mme Y…, durant toute la durée de son séjour, sans avoir recours aux aides publiques ; qu’il s’ensuit que le remboursement de la somme de 9 108,46 euros a été mis à la charge de Mme Y…, à raison d’allocations de revenu minimum d’insertion indûment perçues pour la période du 1er octobre 2001 au 31 octobre 2003 ; que cet indu, qui procède des conditions de délivrance de son titre de séjour, est fondé en droit ;

Considérant que Mme Y… a formulé une demande de remise gracieuse auprès du président du conseil général qui, par décision en date du 27 mars 2006, l’a rejetée ; que saisie d’un recours contre cette décision, la commission départementale d’aide sociale de l’Essonne, par décision en date du 28 juin 2016, l’a également rejeté au motif que l’indu était fondé en droit ;

Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 262‑40 et L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles, qu’il appartient aux organismes payeurs d’intenter une action en recouvrement dans un délai de deux ans à compter de la détection de l’indu ; qu’il ressort des pièces versées au dossier que la paierie départementale de l’Essonne a adressé à Mme Y… un avis des sommes à payer le 14 décembre 2004 ; que la caisse d’allocations familiales de l’Essonne a notifié à Mme Y… un refus de remise de dette en date du 27 mars 2006, répondant ainsi à un recours de la requérante en date du 31 janvier 2005 ; que l’avis des sommes à payer, la demande de remise de dette et la réponse de rejet, ainsi que l’ensemble des demandes suivantes constituent des actes suspensifs de prescription ; que, dès lors, l’action en recouvrement du département de l’Essonne, qui a commencé bien avant l’expiration du délai de deux ans à compter du constat de l’existence de l’indu, n’est pas prescrite ;

Considérant que la commission départementale d’aide sociale de l’Essonne a rejeté le recours de Mme Y… au motif que, l’indu étant fondé en droit, cette dernière restait redevable de la totalité de sa dette ; qu’en statuant ainsi, sans examiner si la situation de Mme Y… lui ouvrait droit à une remise pour précarité, la commission départementale d’aide sociale de l’Essonne a méconnu sa compétence, et que sa décision du 28 juin 2016 encourt, par suite, l’annulation ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;

Considérant que Mme Y… a attesté devant le consul du Maroc à Nanterre, le 2 février 1998, qu’elle : « ne possède aucune rentrée d’argent ni au Maroc ni en France », et qu’aucun élément du dossier n’atteste qu’elle ait pu revenir à meilleure fortune ; qu’ainsi, Mme Y… doit être regardée comme ne disposant d’aucune ressource ; qu’il suit de là que le remboursement de la totalité de l’indu ferait obstacle à la satisfaction de ses besoins élémentaires ; qu’il sera fait une juste appréciation de cette situation de précarité en accordant à Mme Y… une remise totale de l’indu de 9 108,46 euros qui lui a été assigné,

Décide

Art. 1er La décision en date du 28 juin 2016 de la commission départementale d’aide sociale de l’Essonne, ensemble la décision du 27 mars 2006 du président du conseil général, sont annulées.

Art. 2.  Il est accordé à Mme Y… une remise totale de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion de 9 108,46 euros qui lui a été assigné.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à M. X…, au président du conseil départemental de l’Essonne. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 13 décembre 2017 où siégeaient Mme DOROY, présidente, M. MONY, assesseur, Mme GUEDJ, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 23 janvier 2018.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET