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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

Allocation personnalisée d'autonomie (APA)

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Allocation personnalisée d’autonomie (APA) – Indu – Remboursement – Recours – Procédure – Erreur manifeste d’appréciation – Règlement – Précarité

Dossier no 150623

Mme X…

Séance du 27 novembre 2017

Décision lue en séance publique le 22 janvier 2018

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 30 septembre 2015, et deux mémoires complémentaires l’un enregistré le 12 février 2016 et l’autre daté du 14 octobre 2017, Mme X… demande à la commission centrale d’aide sociale :

1o ) d’annuler la décision du 30 juin 2015 de la commission départementale d’aide sociale du Nord rejetant sa demande d’annulation de la décision du 27 mars 2009 par laquelle le président du conseil départemental du Nord a rejeté sa demande de remise gracieuse de remboursement d’une somme de 13 775,54 euros d’allocation personnalisée d’autonomie ;

2o ) de lui accorder la remise gracieuse totale de la somme qui lui est réclamée par la décision du président du conseil départemental du Nord ;

Elle soutient que :

c’est à tort que le premier juge a rejeté la requête faute de documents ;

elle a un état de santé fragile et souffre d’une perte d’autonomie, justifiant le bénéfice de l’allocation personnalisée d’autonomie ;

elle ne dispose que de faibles ressources, ne percevant que le minimum vieillesse et l’allocation personnalisée pour logement ; elle bénéficie de l’aide du secours populaire et des restaurants du cœur ; ses ressources s’élèvent à 1 000 euros quand ses charges fixes s’élèvent à 794,70 euros par mois, soit un reste à vivre de 206,30 euros ; le salaire de son fils a été indument pris en compte pour le calcul de la moyenne économique journalière, qui est de 1,29 euros ;

étant illettrée et handicapée, elle n’a pu assurer un suivi correct de sa situation administrative et a donc perdu les justificatifs des sommes perçues ;

Par un mémoire daté du 7 décembre 2015, le département du Nord conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

à titre principal, c’est à bon droit que la commission départementale d’aide sociale a rejeté sa demande en raison de l’irrégularité de la requête, qui ne comportait ni nom, ni faits ni moyens en méconnaissance de l’article R. 411‑1 du code de justice administrative ;

à titre subsidiaire, la répétition de l’indu est justifiée, faute pour la requérante d’avoir fourni les justificatifs de l’utilisation des sommes perçues au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie pour la période du 1er octobre 2006 au 31 août 2008 ; la requérante n’a jamais déclaré d’aidant tiers intervenant ;

le refus de remise gracieuse est fondé dès lors que, conformément à la délibération du conseil départemental 2007/384 du 2 avril 2007, la moyenne économique journalière de la requérante est supérieure à 6 euros, seuil au-dessus duquel aucune remise gracieuse n’est admise ; en outre, la requérante n’a pas apporté la preuve de son état d’impécuniosité ; le juge de l’aide sociale n’a pas le pouvoir de modérer le montant d’un indu à récupérer ;

Vu :

la décision attaquée ;

les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 27 novembre 2017, Mme Z… et M. Y…, M. HUMBERT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique :

1. Mme X… bénéficie de l’allocation personnalisée d’autonomie depuis le 27 novembre 2002. Constatant l’absence de justificatifs pour l’utilisation des sommes perçues pour la période du 1er octobre 2006 au 31 août 2008, le département du Nord a décidé le 27 octobre 2008 la récupération des sommes regardées comme indument perçues, s’élevant à 13 775,54 euros. Saisi d’une demande de remise gracieuse de la somme en cause, le président du conseil départemental du Nord a rejeté celle-ci par décision du 27 mars 2009 au motif que la moyenne économique journalière de l’intéressée excédait le seuil prévu pour accorder une remise gracieuse. Mme X… relève appel de la décision de la commission départementale d’aide sociale du Nord qui a rejeté son recours contre la décision du 27 mars 2009 précitée ;

Sur la régularité de la procédure suivie devant la commission départementale d’aide sociale :

2. Mme X… doit être regardée comme contestant la régularité de la procédure devant la commission départementale d’aide sociale du Nord en critiquant le motif de rejet retenu par celle-ci, tiré du défaut de document fourni ;

3. Pour rejeter la demande de Mme X…, la commission départementale d’aide sociale s’est fondée sur la circonstance que la requérante s’était bornée à produire la décision attaquée, sans assortir sa demande de l’exposé de faits et moyens, en se fondant sur les dispositions de l’article R. 411‑1 du code de justice administrative ;

4. Toutefois, le code de justice administrative n’est pas applicable devant les juridictions de l’aide sociale, dès lors que l’article L. 1 dudit code dispose qu’il « s’applique au Conseil d’Etat, aux cours administratives d’appel et aux tribunaux administratifs ». Ainsi, la commission départementale d’aide sociale a commis une erreur de droit ;

5. Par ailleurs, le recours formé par un requérant devant la commission départementale d’aide sociale, juridiction administrative devant laquelle la procédure revêt un caractère essentiellement écrit, doit, sous peine d’irrecevabilité, être assorti d’un exposé écrit des moyens invoqués. La commission départementale peut, dès lors, rejeter pour défaut de motivation un recours lorsque le requérant, invité préalablement à régulariser sa requête, s’est abstenu de le faire. En l’absence de texte précisant les modalités de saisine de la commission départementale d’aide sociale, la motivation écrite peut être régulièrement exposée après l’expiration du délai de recours ;

6. Il ne ressort ni des pièces du dossier de première instance, ni des mentions de la décision du premier juge, que Mme X… a été invitée à régulariser sa requête pour défaut de mention de faits et moyens. Dès lors, c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale a rejeté pour irrecevabilité la requête de Mme X… ; sa décision doit être annulée ;

7. Il y a lieu d’évoquer la demande de Mme X… devant le premier juge et d’y statuer immédiatement ;

Sur la demande de remise gracieuse :

8. D’une part, l’article L. 232‑1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que toute personne âgée résidant en France qui se trouve dans l’incapacité d’assumer les conséquences du manque ou de la perte d’autonomie liés à son état physique ou mental a droit à une allocation personnalisée d’autonomie permettant une prise en charge adaptée à ses besoins. L’article L. 232‑7 du même code : « (…) A la demande du président du conseil départemental, le bénéficiaire de l’allocation personnalisée d’autonomie est tenu de produire tous les justificatifs de dépenses correspondant au montant de l’allocation personnalisée d’autonomie qu’il a perçu et de sa participation financière. / Le versement de l’allocation personnalisée d’autonomie peut être suspendu (…) si le bénéficiaire ne produit pas dans un délai d’un mois les justificatifs mentionnés à l’alinéa précédent (…) ». Toute somme perçue au titre de cette allocation peut faire l’objet d’une récupération à hauteur du montant indûment versé ;

9. Pour l’application de ces dispositions, il appartient au juge de l’aide sociale, eu égard tant à la finalité de son intervention qu’à sa qualité de juge de plein contentieux, non seulement d’apprécier la légalité de la décision ordonnant la récupération d’un indu mais de se prononcer lui-même sur la décision rejetant explicitement ou implicitement la demande du bénéficiaire de la prestation tendant à la remise ou à la modération, à titre gracieux, de la somme ainsi mise à sa charge, en recherchant si, au regard de l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre partie à la date de sa propre décision, la situation de précarité de l’intéressé et sa bonne foi justifient une telle mesure ;

10. D’autre part, par délibération DSPAPH/2007/384 du 2 avril 2007, le département du Nord a adopté une procédure de gestion et les critères de remise gracieuse d’une créance d’aide sociale aux personnes âgées et aux personnes handicapées, applicable notamment à l’allocation personnalisée d’autonomie. Il en ressort que si ce que le département qualifie de « moyenne économique journalière », calculée comme dans le cadre du dispositif « allocation mensuelle d’aide sociale à l’enfance », qui correspond au montant qui reste disponible chaque jour à un demandeur après que ses charges ont été déduites du revenu mensuel, est inférieure à 6 euros, la remise d’un indu réclamé est systématiquement accordée ; si la moyenne économique journalière est supérieure au seuil de 6 euros, la demande de remise gracieuse est soumise pour approbation à l’assemblée délibérante s’il est envisagée une remise totale ou partielle de la créance indue ;

11. Il résulte de l’instruction que pour calculer la moyenne économique journalière de Mme X…, le département a ajouté aux revenus de celle-ci en 2008 le montant du revenu minimum d’insertion que percevait l’un de ses fils, réputé habiter avec elle. Toutefois, il résulte de l’attestation sur l’honneur produit par ce dernier qu’il avait seulement une adresse de domiciliation à cette date chez sa mère. C’est dont à tort que le département a retenu la somme en cause pour le calcul de la moyenne économique journalière de Mme X… ;

12. Il résulte également de l’instruction que sans la prise en compte du revenu minimum d’insertion, la moyenne économique journalière de Mme X… était de 0,05 euros en 2008. A la date de la présente décision, le reste à vivre de Mme X… s’établit, compte tenu de ses ressources mensuelles de 800 euros (pension de retraite, sans l’allocation personnalisée pour le logement) et de ses charges fixes de 794,70 euros, à moins de 10 euros par mois. La moyenne journalière économique reste donc très largement inférieure à 6 euros. Il s’ensuit que Mme X… entrait dans le cas où, en application de la délibération DSPAPH/2007/384 précitée, elle pouvait bénéficier de plein droit de la remise totale de l’indu d’allocation personnalisée d’autonomie qui lui est réclamé ;

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme X… est fondée à demander l’annulation de la décision du président du conseil départemental du Nord lui refusant la remise gracieuse de la somme 13 775,54 euros. Il y a lieu de lui accorder la remise demandée,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale du Nord du 30 juin 2017, ensemble la décision du président du conseil départemental du Nord du 27 mars 2009 sont annulées.

Art. 2.  Il est accordé la remise totale du montant de la créance d’allocation personnalisée d’autonomie réclamée par le département du Nord à Mme X….

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Mme Y…, à Mme X…, au président du conseil départemental du Nord. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 novembre 2017 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, Mme DURGEAT, assesseure, M. HUMBERT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 22 janvier 2018.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET