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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur succession

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur succession – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Actif successoral – Bien immobilier – Compétence juridictionnelle – Modalités de calcul

Dossier no 150419

M. Y…

Séance du 17 avril 2018

Décision lue en séance publique le 23 mai 2018

Vu le recours en date du 10 juin 2015 formé par Mme X… qui demande l’annulation de la décision en date du 21 avril 2015 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Allier a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision en date du 10 octobre 2014 du président du conseil général, engageant la récupération à hauteur de 6 864,40 euros sur la succession de M. Y…, son frère, dont elle est l’héritière ;

La requérante fait valoir l’importance pour elle de la maison dont elle doit accepter la vente pour assurer la récupération ; que c’est la maison où elle est née et où ses enfants ont vécu ; qu’elle est très importante pour son histoire familiale, son père ayant dû se réfugier en zone libre en raison de ses origines polonaises pendant la guerre ; qu’elle n’a que peu de valeur, n’ayant ni salle de bains, ni chauffage central, ni tout à l’égout, ni connexion au gaz et étant de plus en zone inondable ; qu’elle ne dispose elle-même que d’une très faible retraite et qu’elle n’a jamais été informée de l’admission de son frère à l’aide sociale ;

Vu un mémoire en défense en date du 9 juillet 2015 du président du conseil départemental de l’Allier qui conclut au rejet de la requête en rappelant que la requérante n’étant pas l’obligée alimentaire de son frère, bénéficiaire de l’aide sociale, il n’était pas tenu de l’informer de son admission ; que son propre fils était curateur de M. Y… et avait été avisé de cette décision ; qu’ainsi, il connaissait les conséquences de celle-ci sur la succession de son oncle, et qu’elle peut solliciter des délais de paiement de la dette auprès du Trésor public ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 17 avril 2018 M. BENHALLA, rapporteur, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département : 1° Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire (…) ; qu’aux termes de l’article R. 132‑11 du même code : « Les recours prévus à l’article L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. (…) En cas de legs, le recours est exercé jusqu’à concurrence de la valeur des biens légués au jour de l’ouverture de la succession. Le président du conseil général ou le préfet fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie. Les dispositions du premier alinéa de l’article R. 131‑1 sont applicables aux actions en récupération introduites par le président du conseil général ou le préfet à l’encontre des personnes mentionnées aux 1° à 3° de l’article L. 132‑8 » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. Y…, né le 16 janvier 1946, a bénéficié de l’aide sociale du département de l’Allier pour sa prise en charge à la maison de retraite de Bourbon-l’Archambault (03160) du 15 janvier 2010 jusqu’à son décès intervenu le 4 août 2012 ; que le montant de la créance départementale s’élevait, au jour de son décès, à 22 683,88 euros ; que le président du conseil général, par décision du 10 octobre 2014, a engagé une action en récupération partielle de cette somme sur l’actif successoral de M. Y…, soit un montant de 6 864,40 euros ; que cette récupération nécessitait la vente d’un bien immobilier dont il était propriétaire indivis avec sa sœur, Mme X… ;

Considérant que Mme X…, qui ne souhaite pas céder la maison, a contesté la récupération devant la commission départementale de l’aide sociale de l’Allier qui, par décision du 21 avril 2015, a rejeté son recours en constatant que la bénéficiaire ne voulait pas renoncer à la succession de son frère, ce qui faisait qu’elle devait être considérée comme en acceptant à la fois l’actif et le passif, et se trouvait donc redevable de la somme de 6 864,40 euros ;

Considérant qu’il appartient aux juridictions de l’aide sociale, en leur qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de l’action en récupération d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre des parties à la date de leur propre décision ; qu’à ce titre, elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, d’aménager les modalités de cette récupération ; que la commission départementale d’aide sociale de l’Allier, en ne répondant pas au moyen tiré par la requérante de la valeur réelle de la maison en indivision et de ses droits propres, a méconnu sa compétence et que sa décision encourt, par suite, l’annulation ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;

Considérant, en premier lieu, qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier qu’une estimation du prix de la maison indivise entre M. Y… et sa sœur, Mme X…, aurait été effectuée ; que cette dernière soutient, sans être contredite, que la maison indivise a peu de valeur, n’ayant ni salle de bains, ni chauffage central, ni tout à l’égout, ni connexion au gaz, et se trouvant, de plus, en zone inondable ;

Considérant, en deuxième lieu, que le dossier ne fait pas apparaître les éléments sur lesquels le président du conseil général de l’Allier s’est fondé pour fixer le montant de la récupération à la somme de 6 864,40 euros ;

Considérant, en troisième lieu, qu’une présence affective régulière a été assurée auprès de M. Y… par M. M…, le propre fils de Mme X…, qui était curateur du défunt depuis le 10 septembre 2010 ;

Considérant, en dernier lieu, que Mme X… indique que le bien indivis était issu de la succession de ses parents, et qu’elle ne veut pas se séparer de la maison porteuse de toute la mémoire familiale, mais qu’elle n’a qu’une retraite de 838,28 euros mensuels ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède, qu’il y a lieu de limiter la récupération du département de l’Allier sur la succession de M. Y…, à la somme de 1 000 euros,

Décide

Art. 1er La décision en date du 21 avril 2015 de la commission départementale d’aide sociale de l’Allier, ensemble la décision en date du 10 octobre 2014 du président du conseil général, sont annulées.

Art. 2.  La récupération du département de l’Allier sur la succession de M. Y… est limitée à la somme de 1 000 euros.

Art. 3.  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à Mme X…, au président du conseil départemental de l’Allier. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 17 avril 2018 où siégeaient M. BELORGEY, président, Mme PEREZ-VIEU, assesseure, M. BENHALLA, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 23 mai 2018.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET