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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur donation

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur donation – Composition de la formation de jugement – Légalité – Compétence juridictionnelle

Dossier no 150305

Mme X…

Séance du 22 novembre 2017

Décision lue en séance publique le 12 décembre 2017

Vu le recours enregistré le 12 mai 2015, présenté pour le département des Hauts-de-Seine, représenté par Mme A…, directrice de l’autonomie, qui demande l’annulation de la décision en date du 19 décembre 2014 par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Hauts-de-Seine a accordé à M. P… et Mme P… la remise totale de la somme qui avait été mise à leur charge au titre de la récupération sur donation prévue à l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles ;

Il soutient que cette remise n’est pas justifiée ;

Vu les mémoires en défense enregistrés le 17 novembre 2015 et, présentés respectivement par M. P… et Mme P…, ainsi que le mémoire enregistré le 9 octobre 2017, présenté par Mme P…, concluant au rejet de la requête ;

Ils soutiennent que seule la vente de la maison ayant fait l’objet de la donation sur laquelle s’exerce la récupération pourrait leur permettre de payer la somme qui leur est réclamée et qu’ils ne souhaitent pas procéder à cette vente afin de pouvoir y loger leur mère, au moins durant les mois d’été ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er , alinéa 3, de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 22 novembre 2017 M. P…, Mme P…, Mme Viviane ILIC pour le département des Hauts-de-Seine, M. MARTHINET, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 134‑6 du code de l’action sociale et des familles dans sa version applicable au présent litige : « La commission départementale est présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou le magistrat désigné par lui pour le remplacer. / En cas d’égal partage des voix, le président a voix prépondérante. / Un commissaire du Gouvernement désigné par le préfet prononce ses conclusions sur les affaires que lui confie le président. Il n’a pas voix délibérative. / Les fonctions de rapporteur sont assurées par le secrétaire de la commission. Il peut lui être adjoint un ou plusieurs rapporteurs. Le secrétaire et les rapporteurs sont nommés par le président de la commission parmi les personnes figurant sur une liste établie conjointement par le président du conseil départemental et le préfet. Ils ont voix délibérative sur les affaires qu’ils rapportent. / Le secrétaire, les rapporteurs et les commissaires du Gouvernement sont choisis parmi les fonctionnaires ou magistrats en activité ou à la retraite. » ;

Considérant que la décision attaquée porte mention de ce qu’elle a été délibérée « par la commission départementale d’aide sociale des Hauts-de-Seine dans sa séance du 19 décembre 2014, où siégeaient Mme B…, présidente, assistée de Mme A…, rapporteur, et de Mme B…, inspectrice divisionnaire DDFIP » ; qu’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 134‑6 du code de l’action sociale et des familles que seules avaient voix délibérative la présidente de la formation et le rapporteur de l’affaire ; que, par suite, la commission départementale d’aide sociale des Hauts-de-Seine, pour prendre la décision attaquée, a statué dans une formation irrégulière ; que cette décision doit, dès lors, être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. P… et Mme P… devant la commission départementale d’aide sociale des Hauts-de-Seine ;

Considérant que Mme X… a été hébergée à la résidence R… du 22 février 2010 au 7 février 2013, date de son décès ; que ses frais d’hébergement au sein de cette structure ont été pris en charge par le département des Hauts-de-Seine au titre de l’aide sociale ; que la somme de 31 421,65 euros, ainsi demeurée à la charge du département, a, par décisions du président du conseil général du 22 janvier 2014, été mise à la charge de M. P… et de Mme P…, respectivement neveu et nièce de la défunte, au titre de la récupération sur donation prévue à l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles ; que les requérants demandent la réduction de la somme ainsi mise à leur charge ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département : (…) 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande (…) » ; que, pour l’application de ces dispositions, il appartient aux juridictions de l’aide sociale, statuant en qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de l’action engagée par la collectivité publique d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre des parties à la date de leur propre décision ; qu’elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, d’aménager les modalités de cette récupération et, le cas échéant, d’en réduire le montant ou d’en reporter les effets dans le temps ;

Considérant que M. P… et Mme P…, pour contester les décisions de récupération litigieuses, font valoir, d’une part, la modicité de leurs ressources et, d’autre part, que leur mère, sœur de Mme X…, actuellement âgée de 89 ans, réside dans la maison ayant fait l’objet de la donation sur laquelle s’exerce la récupération durant les mois d’été et qu’il est envisagé qu’elle puisse s’y installer à temps complet ; que ces éléments ne sont pas contredits par le département des Hauts-de-Seine ; qu’en outre, il ne résulte pas de l’instruction que M. P… et Mme P… aient, depuis la donation, tiré le moindre revenu de cette maison ni qu’ils l’aient jamais habitée ; qu’il y a lieu, par suite, de reporter les effets de la décision litigieuse à la date à laquelle l’occupation, permanente ou temporaire, de cette maison par Mme X…, aura définitivement cessé, quelle que soit la cause de cet événement,

Décide

Art. 1er Il y a lieu d’annuler la décision du 19 décembre 2014 de la commission départementale d’aide sociale des Hauts-de-Seine.

Art. 2.  Les effets des décisions de récupération sur donation du 22 janvier 2014 du président du conseil général des Hauts-de-Seine sont reportés à la date à laquelle l’occupation, permanente ou temporaire, par Mme X…, de la maison ayant fait l’objet de la donation, aura définitivement cessé.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée au président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, à Mme P…, à M. P…. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 22 novembre 2017 où siégeaient M. GIROT, président, M. CULAUD, assesseur, M. MARTHINET, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 12 décembre 2017.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET