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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur legs

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur legs – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Assurance-vie – Précarité – Preuve

Dossier no 150268

Mme X…

Séance du 19 février 2018

Décision lue en séance publique le 19 mars 2018

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 18 mars 2015, et un mémoire complémentaire enregistré le 7 juillet 2015, M. Y… demande à la commission centrale d’aide sociale :

1o D’annuler la décision du 10 décembre 2014 de la commission départementale d’aide sociale des Yvelines rejetant sa demande d’annulation de la décision du 4 février 2014 par laquelle le président du conseil général des Yvelines a exercé un recours en récupération de sa créance d’aide sociale 13 717,14 euros sur le legs que lui a consenti Mme X… ;

2o D’annuler la décision du président du conseil général des Yvelines du 4 février 2014 ;

3o Et de lui accorder la remise gracieuse de la somme qui lui est réclamée, soit 3 429,28 euros ;

M. Y… soutient que :

depuis le 12 décembre 2012, sa situation financière a été modifiée, ne bénéficiant plus de l’allocation de retour à l’emploi depuis novembre 2014 et n’étant pas encore titulaire d’une pension de retraite ; il envisage d’engager une procédure de surendettement ;

sa mère ne s’est pas occupée de lui lors de sa jeunesse ;

sa situation personnelle justifie une remise gracieuse de la somme réclamée, alors qu’il ne dispose plus de l’argent qui lui a été transmis lors du décès de sa mère ;

Par un mémoire enregistré le 2 juillet 2015, et un mémoire complémentaire enregistré le 6 novembre 2017, le département des Yvelines conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

M. Y…, qui participait aux frais d’hébergement de sa mère en sa qualité d’obligé alimentaire pour trente euros par mois, doit rembourser la créance d’aide sociale en sa qualité de légataire particulier de l’assurance-vie contractée par sa mère ;

une situation de surendettement avérée ne saurait à elle seule conduire à une modération de la récupération mais pourrait justifier un échéancier de paiement aménagé par le payeur départemental ;

si les fonds perçus au titre de l’assurance-vie ne sont plus disponibles, le requérant peut demander au payeur départemental un report des remboursements à compter du jour où il percevra sa pension de retraite ;

au moment de la fixation de l’obligation alimentaire, le juge aux affaires familiales a écarté l’argument tiré du défaut de soins de sa mère à son égard ;

le requérant avait dès mai 2013 connaissance de l’intention de récupération du département, ainsi qu’en atteste la dévolution successorale du 30 mai 2013 qui fait mention du courrier du département du 19 avril 2013 au notaire chargé de la succession ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code civil ;

Les parties ont été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ont été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

A l’audience publique du 19 février 2018, a été entendu le rapport de M. HUMBERT, rapporteur.

Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique :

1. Mme X… a bénéficié de l’aide sociale du département des Yvelines pour le paiement des frais d’hébergement à la maison de retraite du 16 décembre 2009 au 18 décembre 2012, pour un montant total de 13 717,14 euros. Saisi à la requête du département des Yvelines, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles avait, par jugement du 29 juin 2010, fixé la participation mensuelle de chacun des débiteurs d’aliments de Mme X…, à savoir ses quatre enfants, dont M. Y… Lors du règlement de la succession de Mme X…, le département des Yvelines a été informé que celle-ci avait souscrit un contrat d’assurance-vie au bénéfice de ses quatre enfants à égalité ; au jour du décès, la somme disponible s’élevait à 19 877,49 euros. Le département des Yvelines a exercé son droit au recours sur legs et a réclamé aux quatre enfants la somme de 13 717,14 euros, soit 3 429,28 euros par enfant, par décision du 4 février 2014. Trois des quatre enfants de Mme X…, dont M. Y…, ont contesté cette décision devant la commission départementale d’aide sociale des Yvelines, qui a rejeté leurs recours par une décision commune du 10 décembre 2014. M. Y… doit être regardé comme demandant l’annulation de cette décision, ensemble la décision du président du conseil général des Yvelines du 4 février 2014, ainsi que, subsidiairement, la remise gracieuse de la somme qui lui est réclamée ;

2. L’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles, dans sa version applicable au litige, dispose que : « Des recours sont exercés (…) par (…) le département : / 3o (…) Contre le légataire (…) ». Pour l’application de ces dispositions, il appartient aux juridictions de l’aide sociale, statuant en qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de l’action engagée par la collectivité publique d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre des parties à la date de leur propre décision. Elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, d’aménager les modalités de cette récupération et, le cas échéant, d’en réduire le montant ou d’en reporter les effets dans le temps ;

3. L’article L. 132‑13 du code des assurances dispose quant à lui : « Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. / Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. » ;

4. Il résulte de l’instruction que M. Y… a bénéficié du legs d’un quart de la somme disponible sur le contrat d’assurance-vie de sa mère à la suite du décès de celle-ci le 18 décembre 2012, soit la somme de 4 969,37 euros. Le département des Yvelines a réclamé, en récupération de l’aide sociale à l’hébergement dont a bénéficié Mme X…, 3 429,28 euros à M. Y… ;

5. En premier lieu, M. Y… fait valoir se trouver dans une situation financière difficile, notamment en raison de la fin du versement de son allocation de retour à l’emploi depuis novembre 2014 et en l’absence de perception d’une pension de retraite et évoque le projet de démarches de surendettement, mais n’apporte aucun élément précis sur ces différents points. Il ne donne pas davantage d’indication sur l’usage des sommes léguées par sa mère dont il a accepté la succession, ainsi que cela ressort de la dévolution successorale du 30 mai 2013 ;

6. En second lieu, si M. Y… fait valoir que sa mère ne s’est pas occupée de lui lors de sa jeunesse, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles a reconnu sa qualité d’obligé alimentaire en mettant à sa charge une fraction des frais d’hébergement de sa mère, rejetant explicitement sa demande de décharge de l’obligation alimentaire due envers sa mère présentée sur le fondement de l’article 207 du code civil. En tout état de cause, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé du recours en récupération ;

7. Il résulte de ce qui précède que M. Y… ne justifie pas de circonstances particulières qui conduiraient à une remise gracieuse, à une modération ou encore à un report dans le temps de la récupération comme l’a suggéré le département des Yvelines en défense en précisant que le requérant pouvait demander un étalement des versements réclamés fonction de sa situation financière. Par suite, M. Y… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale des Yvelines a rejeté son recours,

Décide

Art. 1er La requête de M. Y… est rejetée.

Art. 2.  La présente décision sera notifiée à M. Y…, au président du conseil départemental des Yvelines. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 19 février 2018 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, M. CULAUD, assesseur, M. HUMBERT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 19 mars 2018.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET