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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Indu – Recours – Forclusion – Dénaturation – Vie maritale – Ressources – Déclaration – Modalités de calcul

Dossier no 170009

Mme X…

Séance du 6 mars 2018

Décision lue en séance publique le 18 avril 2018

Vu la requête en date du 26 décembre 2016 présentée par Mme X… qui demande l’annulation de la décision du 8 novembre 2016 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Savoie a rejeté, pour forclusion, son recours tendant à l’annulation de la décision du président du conseil départemental du 16 mars 2016 refusant d’accorder toute remise gracieuse sur un indu de 1 973,47 euros, résultant d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion décompté au titre de la période allant du 1er avril 2005 au 31 mars 2008 ;

La requérante soutient que son mari pensait être destinataire des courriers du département de la Savoie et de l’organisme payeur et a donc préparé un dossier assorti de justificatifs, mais qu’il ne lui en a pas parlé pour ne pas l’inquiéter ; qu’un peu plus tard, elle s’est déplacée au conseil général pour demander des explications sur cette affaire, mais que rien ne lui a été précisé ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les pièces du dossier, desquelles il ressort que la requête a été communiquée au président du conseil départemental de la Savoie, qui n’a pas produit d’observations en défense ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 6 mars 2018 Mme TANDONNET-TUROT, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262‑11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir, ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262‑39 (…) ; qu’aux termes de l’article L. 262‑10 du même code : « L’ensemble des ressources des personnes retenues pour la détermination du montant du revenu minimum d’insertion est pris en compte pour le calcul de l’allocation » ; qu’aux termes de l’article L. 262‑2 du même code : « Le revenu minimum d’insertion varie dans des conditions fixées par la voie réglementaire selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (…), l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, tel qu’il est défini à l’article R. 262‑1 (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire (…) est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin de l’intéressé, ou soient à sa charge (…) » ;

Considérant qu’il ressort de l’instruction qu’il est reproché à Mme X… de ne pas avoir déclaré sa vie maritale avec M. Y…, circonstance impliquant la prise en compte des ressources du foyer ; que, par suite, le remboursement d’un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion de 1 973,47 euros a été mis à sa charge au titre de la période allant du 1er avril 2005 au 31 mars 2008 ;

Considérant que, saisi d’une demande de remise gracieuse, le président du conseil général de la Savoie, par décision en date du 16 mars 2016, l’a rejetée ; que, saisie d’un recours contre cette décision, la commission départementale d’aide sociale de la Savoie, par décision en date du 8 novembre 2016, l’a rejeté pour irrecevabilité au motif que les éléments du dossier démontraient que le recours exercé par l’intéressé devant le conseil général de la Savoie ne l’avait pas été dans le délai légal ; que, si figure au dossier la lettre du 4 décembre 2008 adressée à Mme C… et à M. Y… par laquelle la caisse d’allocations familiales de la Savoie leur indiquait que leur déclaration de séparation ne pouvant être retenue, un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion serait mis à leur charge pour un montant de 1 973,47 euros au titre de la période allant du 1er avril 2005 au 31 mars 2008, il ne figure au dossier produit devant la commission départementale d’aide sociale de la Savoie aucune pièce justifiant de la date à laquelle ce courrier aurait été reçu par les destinataires, ni de celle à laquelle ces derniers l’auraient contesté devant le conseil général ; qu’en rejetant pour tardiveté la requête de Mme X…, la commission départementale d’aide sociale de la Savoie a dénaturé les pièces du dossier ; que, dès lors, sa décision en date du 16 mars 2016, encourt l’annulation ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;

Considérant que les commissions départementales d’aide sociale sont des juridictions administratives lorsqu’elles statuent sur les décisions relatives à l’allocation de revenu minimum d’insertion ; qu’en vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s’il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamées qu’à celle-ci ; qu’il appartient, dès lors, au président du conseil départemental, pour l’application des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles, de justifier du calcul des sommes dont le remboursement est demandé aux bénéficiaires du revenu minimum d’insertion au motif que des montants d’allocations auraient été indûment versés ; qu’il lui revient, notamment, de fournir les données ayant servi au calcul des allocations effectivement versées, c’est-à-dire la composition du foyer, le montant et la nature des ressources prises en compte, ainsi que la période et le mode de calcul de l’indu détecté et les déclarations trimestrielles de ressources couvrant la période litigieuse ;

Considérant que, pour l’application des dispositions législatives et réglementaires pertinentes relatives à l’allocation de revenu minimum d’insertion, la situation de vie de couple ne se présume pas et ne saurait être déduite du seul fait de la vie sous un même toit ; qu’il revient aux autorités compétentes, en pareil cas, de rapporter la preuve que, par-delà une communauté partielle d’intérêts que justifient des liens de solidarité et d’amitié, existent des liens d’intimité tels qu’il en résulte nécessairement dans la constitution d’un foyer au sens des dispositions de l’article R. 262‑1 du code de l’action sociale et des familles ; que les éléments présents au rapport de l’enquête de la caisse d’allocations familiales de la Savoie réalisée en mars et avril 2008 ainsi qu’au dossier ne suffisent pas à démontrer une vie de couple stable et continue entre M. Y… et Mme X… au cours de la période allant du 1er avril 2005 au 31 mars 2008 ; que la requérante, qui soutient s’être mariée avec M. Y… le 12 décembre 2009, conteste formellement cette vie maritale au cours de la période en cause ; qu’elle fait valoir qu’elle était hébergée à cette époque chez M. C…, ; qu’elle produit une attestation d’hébergement rédigée par cette personne en date du 11 janvier 2007, des courriers envoyés à cette adresse le 30 août 2005 par la commission locale d’insertion du conseil général de la Savoie, ainsi que les 26 janvier 2006 et 25 janvier 2008 par CAP Emploi, et ses avis d’imposition sur les revenus des années 2006 et 2007 mentionnant également cette adresse ; qu’aucun élément ne figure au dossier de nature à contredire ces documents ; qu’en conséquence, l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion de 1 973,47 euros qui lui a été assigné n’est pas fondé en droit, et qu’il y a donc lieu de l’en décharger intégralement,

Décide

Art. 1er La décision en date du 8 novembre 2016 de la commission départementale d’aide sociale de la Savoie, ensemble la décision du président du conseil général en date du 16 mars 2016, sont annulées.

Art. 2.  Mme X… est intégralement déchargée de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion de 1 973,47 euros porté à son débit.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Mme X…, au président du conseil départemental de la Savoie. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 6 mars 2018 où siégeaient Mme DOROY, présidente, M. MONY, assesseur, Mme TANDONNET-TUROT, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 18 avril 2018.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET