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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

Allocation personnalisée d'autonomie (APA)

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Allocation personnalisée d’autonomie (APA) – Indu – Tuteur – Plan d’aide – Justificatifs – Succession – Liquidation

Dossier no 150619

M. X…

Séance du 27 novembre 2017

Décision lue en séance publique le 22 janvier 2018

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 21 octobre 2015, M. Y… demande à la commission centrale d’aide sociale :

1o D’annuler la décision du 14 octobre 2015 de la commission départementale d’aide sociale de Loir-et-Cher qui a rejeté sa demande d’annulation de la décision par laquelle le président du conseil départemental de Loir-et-Cher lui a réclamé le reversement d’une somme de 16 359,95 euros d’allocation personnalisée d’autonomie ;

2o De lui accorder la remise gracieuse totale de la somme qui lui est réclamée ;

Il soutient que :

il souhaite être redevable seul de la créance d’aide sociale, en tant qu’ancien tuteur de son père décédé, bénéficiaire de l’allocation personnalisée d’autonomie ;

s’il avait su les conditions d’octroi de l’allocation personnalisée d’autonomie, il ne se serait pas retrouver en situation d’indu ;

il n’a pas les moyens pour rembourser la somme réclamée compte tenu de ses ressources ; la succession de son père comprend seulement une maison dans laquelle sa mère vit ;

Par un mémoire daté du 2 février 2016, le département de Loir-et-Cher conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

le requérant était informé des conditions d’octroi de l’allocation personnalisée d’autonomie et en particulier l’obligation de justification, mentionnée sur les documents envoyés ;

il n’a pas demandé de remise gracieuse avant la saisine du juge ;

le requérant n’est pas redevable de la totalité de la créance, compte tenu de l’existence d’un conjoint survivant et de huit enfants ;

il revient sur sa promesse de rembourser l’intégralité de la créance en faisant une demande de remise gracieuse devant le juge ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code civil ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 27 novembre 2017 M. HUMBERT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique :

1. M. X… a bénéficié de l’allocation personnalisée d’autonomie à compter de 2006 et jusqu’en juin 2013, où il a été hospitalisé. A la suite de son décès le 17 décembre 2013, le département de Loir-et-Cher a demandé à son ancien tuteur, M. Y…, qui est son fils, de justifier de l’utilisation des sommes versées au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie. Faute de présentation des justificatifs, le département a décidé la récupération de la créance d’aide sociale non justifiée, soit un montant de 16 359,95 euros pour la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2013. M. Y… relève appel de la décision du 14 octobre 2015 de la commission départementale d’aide sociale de Loir-et-Cher qui a rejeté sa demande de remise gracieuse de la créance d’aide sociale du département de Loir-et-Cher ;

2. L’article L. 232‑1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que toute personne âgée résidant en France qui se trouve dans l’incapacité d’assumer les conséquences du manque ou de la perte d’autonomie liés à son état physique ou mental a droit à une allocation personnalisée d’autonomie permettant une prise en charge adaptée à ses besoins. L’article L. 232‑7 du même code dispose : « (…) A la demande du président du conseil départemental, le bénéficiaire de l’allocation personnalisée d’autonomie est tenu de produire tous les justificatifs de dépenses correspondant au montant de l’allocation personnalisée d’autonomie qu’il a perçu et de sa participation financière. / Le versement de l’allocation personnalisée d’autonomie peut être suspendu (…) si le bénéficiaire ne produit pas dans un délai d’un mois les justificatifs mentionnés à l’alinéa précédent (…) ». Toute somme perçue au titre de cette allocation peut faire l’objet d’une récupération à hauteur du montant indûment versé ;

3. Pour l’application de ces dispositions, il appartient aux juridictions de l’aide sociale, eu égard tant à la finalité de leur intervention qu’à leur qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer elles-mêmes sur le bien-fondé de l’action engagée par la collectivité publique d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par les parties à la date à laquelle elles statuent. Elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, d’aménager les modalités de cette récupération et, le cas échéant, d’en reporter les effets dans le temps ;

4. Ni l’existence d’un indu d’allocation personnalisée d’autonomie, ni le montant de la créance d’aide sociale ne sont contestés par le requérant ;

5. En premier lieu, l’article L. 232‑19 du code de l’action sociale et des familles dispose : « Les sommes servies au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie ne font pas l’objet d’un recouvrement sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou sur le donataire ». Si ces dispositions font obstacle à ce que soient récupérées des prestations d’allocation personnalisée d’autonomie versées à bon droit, elles n’interdisent pas en revanche la récupération, sur la succession du bénéficiaire de l’allocation personnalisée d’autonomie, de dettes contractées du vivant de ce dernier à l’égard du département payeur, en raison de versements indûment effectués à son profit. Par ailleurs, l’article 870 du code civil dispose : « Les cohéritiers contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu’il y prend » ;

6. Si M. X… demande à être seul redevable de la créance d’aide sociale laissée par son père en faisant valoir sa qualité de tuteur, cette créance ne peut être réclamée, comme le soutient à bon droit le département et conformément au principe figurant à l’article 870 du code civil, qu’aux différents héritiers à proportion de leur part héréditaire après le règlement de la succession. Sa qualité de tuteur, qu’il n’a plus à compter du décès de la personne protégée, est à cet égard sans incidence, la mesure de protection n’ayant aucune influence sur les règles de partage propre à une succession. Ainsi, celui-ci n’est recevable à demander une remise gracieuse de la créance d’aide sociale qu’à proportion de sa propre part successorale et dans la limite du montant de celle-ci. De même, le département de Loir-et-Cher ne peut mettre à sa charge que la fraction de la dette de son père correspondant à sa part héréditaire ;

7. En second lieu, il résulte de l’instruction que la succession de M. X… n’a pas été ouverte, que ce dernier a un conjoint survivant et huit enfants et que la succession se compose d’un bien immobilier. Dans ces conditions, compte tenu de l’impossibilité d’examiner l’effet de la récupération de la créance d’aide sociale sur la succession à venir, et dès lors que M. Y… n’est pas tenu à la totalité de la créance d’aide sociale, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de reporter à la liquidation de succession des parents de M. Y… le recouvrement de la créance d’aide sociale en litige. Est à cet égard sans incidence la circonstance que M. X… ignorait les conditions prévues au versement de l’allocation personnalisée d’autonomie. Il n’y a pas lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de modérer le montant de l’indu à recouvrer ;

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. Y… est fondé à demander l’annulation de la décision du président du conseil départemental de Loir-et-Cher en tant seulement qu’elle lui réclame la totalité de la créance d’aide sociale et en tant qu’elle prononce le recouvrement immédiat de la somme restant à sa charge,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale de Loir-et-Cher est annulée.

Art. 2.  La créance d’allocation personnalisée d’autonomie mise à la charge de M. Y… est limitée à ses droits dans la succession de son père M. X…

Art. 3.  Le recouvrement de la part de la créance d’aide sociale laissée par M. X… et revenant à M. Y… est différé à la liquidation de la succession des parents de M. Y…

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à M. Y…, au président du conseil départemental de Loir-et-Cher. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 novembre 2017 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, Mme DURGEAT, assesseure, M. HUMBERT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 22 janvier 2018.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET