Protection fonctionnelle d’un maire

Décision de justice
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Le Conseil d’État confirme la suspension des deux délibérations par lesquelles la commune de Roquebrune-sur-Argens avait accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle à son maire, au titre des poursuites pénales dont celui-ci fait l’objet.

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Le maire de Roquebrune-sur-Argens a fait l’objet de deux condamnations pénales en première instance. Le tribunal correctionnel de Draguignan l’a tout d’abord condamné, par un jugement du 16 juillet 2014, pour détournement de biens publics. Il l’a ensuite condamné, par un jugement du 17 novembre  2014, pour avoir tenu, lors d’une réunion publique, des propos constitutifs de provocation à la haine raciale.
Le maire de Roquebrune-sur-Argens a fait appel de ces jugements. Il a, à ce titre, sollicité de sa commune le droit à la « protection fonctionnelle » prévu à l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales. Cet article dispose en effet qu’une commune est tenue d’accorder sa protection au maire lorsque celui-ci fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui ne constituent pas une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions. Par deux délibérations, des 15 janvier et 19 février 2015, la commune a accordé au maire le bénéfice du droit à la protection fonctionnelle.
Au titre du contrôle de légalité, le préfet du Var a demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler ces délibérations. Il a assorti ces demandes d’annulation de demandes de suspension. Par deux ordonnances des 26 mars et 7 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a suspendu les deux délibérations, estimant qu’il existait un doute sérieux sur leur légalité.
La commune a contesté ces ordonnances devant la cour administrative d’appel de Marseille, qui a rejeté ses appels. Elle s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’État.
Dans les décisions qu’il a rendues aujourd’hui, le Conseil d’État commence par rappeler qu’une commune ne peut accorder la protection fonctionnelle à son maire lorsque celui-ci a commis une faute personnelle détachable. Il explicite les trois types de faits qui constituent une telle faute : les faits qui révèlent des préoccupations d’ordre privé, les faits qui procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques et les faits qui revêtent une particulière gravité.
Le Conseil d’État examine ensuite s’il y avait lieu de suspendre les délibérations contestées.
En ce qui concerne la première affaire, relative aux faits ayant donné lieu à une condamnation pour détournement de bien publics, le Conseil d’État relève que le maire de Roquebrune-sur-Argens était poursuivi, d’une part, pour avoir fait acquérir par la commune deux voitures de sport ayant été utilisées à des fins privées par lui et un membre de sa famille, d’autre part, pour avoir fait usage, également dans des conditions abusives, d’une carte de carburant qui lui était affectée. Le Conseil d’Etat estime que ces faits révèlent des préoccupations d’ordre privé.
En ce qui concerne la deuxième affaire, relative aux faits ayant donné lieu à une condamnation pour incitation à la haine raciale, le Conseil d’État observe que le maire, à l’occasion d’une réunion publique, a critiqué en termes virulents la présence d’un campement de personnes d’origine rom et déclaré, à propos des départs de feu dans leur campement: « Ce qui est presque dommage, c’est qu’on ait appelé trop tôt les secours ». Le Conseil d’État juge que ces propos procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques.
Dans les deux cas, donc, le Conseil d’État estime qu’en l’état des dossiers, le maire semble avoir commis une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions, ce qui interdit à la commune de lui accorder sa protection. Le Conseil d’État juge donc qu’il y a un doute sérieux sur la légalité des deux délibérations contestées. Il confirme par conséquent leur suspension.
Jusqu’à ce que le tribunal administratif de Toulon examine les demandes d’annulation de ces délibérations, dont il reste saisi, les délibérations ne peuvent donc pas être appliquées.